A compter du samedi 7 octobre, les vendeurs de livres sur internet doivent facturer au minimum 3€ de frais de livraison pour tout achat inférieur à 35 €. Une nouvelle législation française censée remettre un peu d'équité dans la concurrence entre les libraires indépendants et les géants du e-commerce.
Commander un livre depuis son canapé et le payer 3 € de plus, ou attendre un peu pour aller l'acheter chez un libraire et économiser ? Tel est le dilemme qui se pose aux férus de lecture à partir du 7 octobre 2023. Afin d'inciter les Français à consommer chez les libraires plutôt que chez les géants du commerce en ligne, le gouvernement a décidé de légiférer, et d'imposer une obligation de facturer les frais de livraison aux acheteurs.
7,60 € : le coût moyen d'un livre de poche en France, qui passera à 10,60 € s'il est commandé seul, en ligne
Concrètement, en dessous d'une commande de livres de 35 €, Amazon, la Fnac, Cultura et tous les sites de e-commerce devront imposer une tarification obligatoire de livraison de 3 € minimum. "C'est bien de vouloir nous filer un coup de main, aux librairies traditionnelles, mais franchement, dans les faits, les acheteurs attendront juste un peu plus pour faire des commandes groupées supérieures à 35 €", conjecture Grégoire Trouvé, gérant de BD r'Art à Caen.
Les vaines tentatives de l'Etat pour un marché du livre équitable
Car au-dessus de cette somme, plus d'obligation excepté de ne pas être à zéro euro de frais de livraison. Pas une nouveauté, puisque depuis 2014, la livraison gratuite de livre est interdite. Toutefois, comme aucun prix minimum n'avait été fixé à l'époque, Amazon a contourné la loi en proposant la livraison à... un centime.
De toute façon, ces sites trouvent toujours une parade, un stratagème pour contourner la loi.
Léa, Librairie Générale du Calvados à Caen
Après un regain de vitalité au sortir du confinement, les librairies indépendantes voient s'estomper l'effet de mode "commerces essentiels" qui les a portés pendant trois ans. À Paris notamment, de nombreux commerces se trouvent en détresse. "Il faut être de nouveau vigilant, trouver des manières de fidéliser les clients, ce n'est pas facile quand la concurrence s'appelle Amazon.", concède Léa, de la Librairie Générale du Calvados.
"Le gros problème, c'est qu'il y a encore beaucoup de monde qui pense que les livres ont des prix différents selon les endroits où les achète". Or, c'est faux, ou presque. Depuis 1981 et la Loi Lang, chaque livre à un prix unique, peu importe où, et par qui, il est vendu. "On peut juste jouer sur un petit pourcentage de réduction. La loi française plafonne à 5% la remise maximale sur les livres", d'où certaines différences, par moments, entre les enseignes. "Les plus importantes peuvent se permettre de les appliquer souvent, pas nous".
C'est une petite avancée mais on ne peut pas être compétitif sur des frais de port gratuits. C'est bien de penser aux libraires indépendants mais ce qui nous arrangerait tous c'est qu'Amazon paie de l'Urssaf et des taxes comme nous. Cette nouvelle mesure permet de détourner l'attention du fait qu'Amazon ne paie toujours pas ses impôts. En fait, ce qu'on attend tous, c'est qu'un gouvernement décide de frapper un grand coup.
Mathilde, librairie Les Raconteurs, à Saint-Lô
Face aux géants du e-commerce, les librairies continuent toutefois à croire en leurs atouts "la convivialité, le conseil, la fidélité, les paquets cadeaux". Elles donnent rendez-vous après la période des fêtes de fin d'année pour un premier bilan de la nouvelle mesure gouvernementale, et juger de son efficacité.