Le Caen Comedy Club propose, depuis maintenant 6 mois, des soirées de stand-up à prix libre dans les bars de Caen (Calvados) et de Normandie. Des scènes où les humoristes locaux peuvent faire leurs débuts, sous le regard d'un public réputé exigeant.
On ne se presse pas aux portes du Portobello Rock Club pour rire, ce soir de janvier. À deux pas du port enneigé de Caen (Calvados), l'humoriste Adrien Beltoise qui organise la soirée stand-up dans ce bar du centre-ville, fait le guet à l'entrée.
"Je ne vous cache pas qu'il n'y a pas encore grand monde, glisse-t-il un peu gêné, vêtu d'un tee-shirt à manches courtes malgré le froid polaire. Le stand-upper caennais de 33 ans jette un coup d'œil à l'écran de son téléphone qui affiche 20 h 30. Pas de chance parce que c'est bien la première fois que ça nous arrive…".
Ce mercredi 10 janvier, on commencera le spectacle 20 minutes plus tard, pour laisser le temps aux retardataires d'arriver.
Six scènes chaque mois
L'ambiance est d'habitude plus décontractée. Il faut dire que le Caen Comedy Club – un collectif de dix humoristes semi-professionnels formé à Caen – rencontre un franc succès depuis sa création par deux amis, Valentin Capé et Adrien Beltoise, en juillet 2023.
Nous avons déjà fait passer 100 artistes. Et à côté, nous avons encore 100 autres à intégrer au répertoire.
Adrien Beltoise, fondateur du Caen Comedy Club
Les plateaux s'enchaînent dans les bars de la ville : la Sardine, la Garsouille ou encore El Camino, une institution locale en matière de stand-up. Le Caen Comedy Club s'exporte même ailleurs en Normandie, comme à la Halle ô Grains de Bayeux, fin janvier.
En moyenne, le duo organise six spectacles humoristiques par mois. Lesquels rassemblent une dizaine d'artistes émergents, rémunérés "au chapeau", c'est-à-dire à la totale discrétion des spectateurs. Une opportunité pour eux de "tester leurs blagues, de jouer et de rencontrer leur public".
Des scènes pour tester ses vannes
Ce soir, les deux humoristes venues de Paris sont en rodage. Nathalie Boitel et Lise Dehurtevent, la trentaine, vont tester leurs vannes, l'une après l'autre, pendant une demi-heure. Un format plus long que la majorité des open-mic, d'une durée de cinq à dix minutes.
La vue du public clairsemé – une dizaine de personnes se sont déplacées – les étonne, "mais au moins, l'ambiance sera intimiste". Lumière tamisée, micro placé au centre de la scène, tabouret juste à côté : tous les codes du stand-up sont là. Il va maintenant falloir séduire des Caennais réputés difficiles en humour.
Le vrai travail c'est quand ça rit mais pas autant que tu le voudrais. Il faut aller les chercher, se connecter avec eux.
Nathalie Boitel, humoriste
Pour son deuxième passage à Caen, Nathalie Boitel tourne en dérision ses disputes de couple, la découverte de la parentalité et les déboires de la vie de bureau. Ses meilleures vannes lui serviront à construire un spectacle d'une heure, payant, à la différence de celui-ci.
Avant elle, Harold Barbé a fait ses débuts sur un plateau, le "Sounds of comedy", qu'il avait créé en 2015 pour pallier leur absence dans la région. Le Caennais, aujourd'hui stand-uppeur professionnel et en tournée partout en France, ne rate jamais une occasion de se frotter à son premier public.
Si une vanne fonctionne à Caen, elle fera rire partout.
Harold Barbé, humoriste caennais
Une scène caennaise en ébullition
Il perçoit d'un bon œil la création de ces scènes à Caen, qu'il n'a pas connues lorsque le stand-up a explosé en France au début des années 2010, sous l'impulsion de Jamel Debbouze et son Comedy Club parisien.
Le but du Caen Comedy Club – à la différence de "Humour d'Origine Caennaise", le premier plateau du duo abandonné après la crise du Covid-19 – consiste justement à promouvoir les artistes normands. Stéphane Chancerel, Nicolas Bompoint ou encore Luciole de Feu s'y sont déjà essayés.
L'idée est de proposer des scènes où les artistes caennais puissent se produire sans qu'ils soient intimidés par des humoristes de Paris, parfois plus expérimentés.
Adrien Beltoise
Au Portobello Rock Club, ce soir-là, les spectateurs ont passé un bon moment. Ils sont pour la plupart des habitués des soirées stand-up organisées par le collectif d'humoristes.
Ça fait du bien à Caen. Il manquait ça à notre ville qui a une programmation culturelle assez riche.
Nathalie, spectatrice
Nathalie, une spectatrice accompagnée de deux amis, a donné une dizaine d'euros pour "soutenir les filles" face à ce mince public. "C'est dommage pour elles parce que ça valait le coup. Elles ont fait le déplacement depuis Paris en plus", commente la Caennaise de 57 ans.
Quand on leur raconte qu'ils sont exigeants – ou "juste" rectifie Lise Dehurtevent après son passage sur scène – le groupe d'amis préfère en rire. "C'est une légende caennaise, auto-entretenue par les Caennais".