Décès d'Adolfo Kaminsky : le photographe, résistant et roi des faussaires a passé une partie de son adolescence à Vire

Adolfo Kaminsky, résistant et photographe, est mort lundi 9 janvier 2023 à Paris. L'homme de 97 ans a vécu une partie de son adolescence à Vire, dans le Calvados, où il a appris la chimie, une compétence qu'il utilisera pendant 30 ans pour fabriquer de faux papiers.

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Le photographe Adolfo Kaminsky, homme aux mille vies qui fut le "roi des faux papiers" au service de la Résistance puis des mouvements anticoloniaux, est décédé lundi 9 janvier à l'âge de 97 ans, a annoncé sa fille à l'AFP.

Adolfo Kaminsky était un "humaniste, photographe et résistant français, spécialisé dans la fabrication de faux papiers", a résumé Sarah Kaminsky, qui avait raconté la vie de son père dans le livre "Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire" en 2009 avant de l'adapter au théâtre.

Adolfo Kaminsky était un "photographe talentueux [qui] devint un faussaire de génie, fournissant en faux papiers la Résistance et les Juifs traqués, avant de s'engager après-guerre pour d'autres causes", a salué la Fondation pour la mémoire de la Shoah. De la Résistance aux mouvements anticoloniaux, Adolfo Kaminsky fut, dans la clandestinité, le pourvoyeur de faux papiers de toutes les luttes du XXe siècle.

Apprentissage de la chimie à Vire

Fils d'immigrés russes juifs, il naît à Buenos Aires en 1925. Après plusieurs tentatives d'installation en France, sa famille s'établit à Paris en 1932. Six ans plus tard, ils déménagent à Vire, dans le Calvados. Adolfo Kaminsky y passe son certificat d'études primaires.

Au début des années 1940, il travaille depuis peu à la société générale électrique lorsque la Wehrmacht entre dans Vire. Il est renvoyé et devient alors apprenti teinturier auprès d'un ancien chimiste de l'armée. Le soir, de retour à la maison, il mène ses premières expériences sur les encres. Pour oublier l'assassinat de sa mère, il se jette à corps perdu dans les études de chimie. 

"La vieille maison de mon oncle, dans le Cotin [...], était une toute petite maison d'une seule pièce qui était devenue mon laboratoire. J'y faisais toutes mes expériences, sans témoin", relatait-il au micro de France 3 Normandie en 2010 depuis Vire.

"J'ai eu la chance de pouvoir sauver beaucoup de gens"

Mais le 22 octobre 1943, toute la famille est arrêtée par les Allemands. Adolfo, son père, ses frères et sa petite sœur sont internés à la prison de la Maladrerie, à Caen. Ils sont ensuite envoyés à Drancy, en Seine-Saint-Denis, l'antichambre des camps de la mort.

Je serai infiniment reconnaissant, toute ma vie, à cette population de Vire qui était extraordinaire sur le plan humain.

Adolfo Kaminsky

France 3 Normandie, 2014

"Je serai infiniment reconnaissant, toute ma vie, à cette population de Vire qui était extraordinaire sur le plan humain", confie-t-il, ému, à l'occasion de la commémoration de la rafle des juifs de Vire en 2014. 

Ils sont libérés trois mois plus tard, en janvier 1944, grâce au consulat argentin qui arrache la clémence pour ses ressortissants. "C'est très dur d'être le seul survivant, c'est très culpabilisant. Les autres survivants que j'ai connus se sont tous suicidés. Moi, j'ai eu la chance de pouvoir sauver beaucoup de gens, sans quoi je n'aurais pas survécu non plus", estimait Adolfo Kaminsky en 2014.  

"J'en ai perdu un œil, mais je ne regrette rien"

À la sortie du camp d'internement, Adolfo Kaminsky a 17 ans et s'engage dans la Résistance à Paris. Il offre ses connaissances en chimie et en photogravure, utiles pour la décoloration des encres qui vont servir à fabriquer de faux papiers, dans un laboratoire clandestin, sauvant des milliers de vies.

C'est le début d'une riche carrière de trois décennies, au péril de sa vie et au mépris de sa santé, sous couvert d'une activité de photographe tout ce qui il y a de plus banal dans ses ateliers du Quartier latin ou du quartier du Sentier.

"J'ai eu la chance de sauver des vies humaines. J'ai travaillé jour et nuit, au microscope. J'en ai perdu un œil, mais je ne regrette rien", soulignait en 2012 auprès de l'AFP celui qui était alors connu sous le pseudonyme de "M. Joseph".

Il travaille pour les services secrets français jusqu'à la capitulation de l'Allemagne nazie, et aide les rescapés juifs des camps de la mort à émigrer en Palestine.

Luttes anticoloniales, antifascistes, antifranquistes…

Il se fera ensuite faussaire politique en devenant l'expert en faux papiers de toutes les luttes anticoloniales et antifascistes : réseau FLN pendant la guerre d'Algérie, antifranquistes en Espagne, anti-Salazar au Portugal, lutte contre les colonels en Grèce, Printemps de Prague, luttes contre les dictatures en Amérique latine, ANC, Guinée, Angola, déserteurs américains pendant la guerre du Vietnam et même jusqu'à Daniel Cohn-Bendit en mai 1968…

En 1971, il avait mis fin à ses activités de faussaires. Son œuvre de photographe, à l'humanisme rappelant Doisneau, a quant à elle été exposée, notamment au Musée d'art et d'Histoire du Judaïsme en 2019.

Avec AFP

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