Les pluies hivernales ont certes arrosé la région et les nappes phréatiques présentent des niveaux corrects. Mais avoir de l'eau au robinet toute l'année dans un contexte de réchauffement climatique, ce n'est pas gagné. Même en Normandie. Les Calvadosiens sont invités à participer à des ateliers sur la gestion de l'eau.
Réfléchir à la ressource en eau potable. Voilà un sujet qui concerne tout le monde. C'est ce que propose le conseil départemental aux habitants du Calvados. Sujet qui s'impose comme un enjeu incontournable avec le réchauffement climatique. Concrètement, chacun peut candidater via le site du département.
Un appel aux citoyens pour parler d'eau
"Une vingtaine de personnes sera choisie. Le but c'est de retrouver un regard moins technique et plus candide sur le sujet. La gouvernance du projet s’appuie d’abord sur des élus et des techniciens experts du sujet. À ce comité de pilotage s’ajoutent aussi 150 acteurs locaux. "Nous avons tenu à y associer trois panels : un de collégiens (des élèves de 5e du collège Varignon à Hérouville-Saint-Clair), un autre panel d’élus qui ne sont pas spécialistes de la question de l’eau, et enfin un troisième de citoyens".
La première réunion aura lieu à la fin du mois d’avril à Louvigny près de Caen ; le rapport entre la quantité de la ressource et les besoins sera présenté aux habitants. Et il ne s'agit pas de penser que les pluies abondantes de cet hiver rendent la réflexion obsolète. Certaines zones comme le bassin virois, continuation du massif armoricain, ne possèdent aucune réserve d’eau souterraine.
On sait déjà quand on regarde les bilans présentés par les syndicats de gestion de l’eau que si on continue comme cela, on n’aura pas assez d’eau.
Thierry Pay, directeur de l'eau, du littoral et de la mer du Calvados
"Ce déséquilibre s'explique par différentes raisons comme la croissance - certes modérée - de la population, les activités économiques plus exigeantes en eau (en raison des sécheresses à venir, l’agriculture va adapter ses cultures, mais elles auront besoin d’apports hydriques), et il va faire plus chaud" détaille Thierry Pay. "Les rapports du GIEC prévoient des étés plus secs et plus chauds, avec des épisodes violents de fortes pluies, ce qui va modifier le cycle de l’eau que l’on a connu."
Le rôle des habitants dans tout cela ?
Le spécialiste de la ressource en eau estime qu'économiser l'eau est possible dans le Calvados, et pour y parvenir, chacun doit agir. En 2019, les assises nationales de l'eau avaient établi un objectif : diminuer les prélèvements d'eau de 25% d'ici 2030.
"On a encore des marges de manœuvre dans le département. On estime qu’en étant très vigilants, les particuliers peuvent baisser de 20 à 30% leur consommation d’eau" précise Thierry Pay. "Ça passe par de petits gestes, qui semblent vraiment anodins comme de réutiliser l’eau de lavage des légumes pour arroser les plantes. Au final, ces petits gestes ont un réel résultat, très significatif. « Act global, think local » c’est une devise devenue courante."
Et les industriels ?
Thierry Pay tient à contextualiser : "dans le département, 85% de la consommation en eau potable relève des habitants. Mais ce chiffre recèle aussi les utilisations faites par les agriculteurs qui abreuvent leurs cheptels bovins, très gourmands en eau l’été. Dans le département, deux gros industriels de l’agroalimentaire : La compagnie des fromages à Vire, et la coopérative d’Isigny Sainte Mère s’engagent à restreindre leur consommation d’eau."
Cette dernière consomme trois quarts de son eau pour assurer la propreté de ses machines. En 2022, alertée par la sécheresse estivale, la coopérative a lancé un plan d'investissement pour réduire sa consommation, via notamment des systèmes de récupération de l'eau pour fonctionner en circuit fermé.
"On vise le zéro perte d'eau sur notre site d'Isigny, explique Arnaud Beaufils, directeur technique d'Isigny-Sainte-Mère. L'entreprise veut s'inscrire dans un cercle vertueux. On a déjà dépassé les -11% fin 2023, et on vise une baisse de 20% en 2025".
Simplifier la gestion de l'eau pour mieux l'économiser
La gestion de l'eau a longtemps été une compétence communale. Si les mairies ont été encouragées à passer à une gestion communautaire, restent encore une cinquantaine de collectivités. "Elles sont autonomes les unes des autres et indépendantes, elles fixent elles-mêmes leur prix au m3 et leurs priorités d’investissement" déplore Thierry Pay. "Or, l’enjeu c’est de saisir qu’elles ont un seul avenir en commun, que la ressource en eau est partagée."
En mars dernier, le préfet du Calvados Thierry Mosimann alors en exercice avait appelé à une simplification et à réduire le nombre de syndicats de gestion de l'eau, afin de permettre aux réseaux d’être interconnectés. Concrètement si une zone souffre de manque hydrique, l’eau doit pouvoir être acheminée depuis une autre zone de captage proche.
Les résultats de la réflexion citoyenne sur l'eau du robinet n'auront pas force de loi. "Les propositions et résultats de notre travail conjoint n’auront aucun poids réglementaire. Rien ne pourra être imposé aux habitants ni aux collectivités", précise Thierry Pay. Les propositions auront tout intérêt à avoir assez de force pour être entendues. D'ici là, l'objectif est bien de faire germer des idées pour parvenir à une gestion durable de la ressource.