Alors que 90 accidents de chasse ont été recensés pour la saison 2021/2022, et que deux personnes sont mortes depuis l'ouverture de la chasse en septembre dernier, le gouvernement a présenté sa feuille de route pour améliorer la sécurité à la chasse mardi 25 octobre. Mais de quels moyens disposent vraiment les randonneurs pour savoir où et quand ont lieu les parties de chasse à proximité de chez eux ?
Selon les chiffres de l'Office français de la biodiversité (OFB), le nombre d'accidents de chasse a tendance à baisser depuis 20 ans. Néanmoins, pour la saison 2021/2022, l'OFB a recensé 90 accidents de chasse, contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit accidents mortels, dont deux ont concerné des victimes non-chasseurs. Sur cette saison, 66% des accidents sont arrivés pendant la chasse au grand gibier (en battue) contre 34% pendant la chasse au petit gibier (hors battue). Et depuis l'ouverture de la chasse en septembre dernier, deux personnes sont mortes et des dizaines ont été blessées.
Le gouvernement a annoncé mardi 25 octobre une "feuille de route pour améliorer et garantir la sécurité à la chasse". Il envisage notamment d'instaurer un délit d'alcoolémie ou des demi-journées sans chasse dans certaines régions.
Mais comment savoir en tant que promeneur, vététiste, ou cavalier, qui souhaite pratiquer son activité en toute sécurité, où se déroulent les parties de chasse autour de chez soi ?
Les calendriers de chasse en forêt domaniale
Les périodes de chasse varient en fonction des départements. En Normandie, elle est autorisée du 18 septembre 2022 au 28 février 2023 en Seine-Maritime, dans l'Eure, et dans le Calvados. Et du 25 septembre 2022 au 28 février 2023 dans l'Orne et la Manche. Mais d'autres chasses peuvent avoir lieu à d'autres moments de l'année.
En Normandie, comme ailleurs sur le territoire, les calendriers de chasse en forêt domaniale sont publiés sur le site de l'Office national des forêts (ONF) et consultables par tous. Il suffit de consulter la carte ou de faire une recherche pour une forêt précise. Pour rappel, les forêts domaniales sont les forêts appartenant à l'État. L'ONF assure leur gestion. Elles représentent par exemple 50% de la surface boisée en Seine-Maritime.
Dans ces forêts, "les parties de chasse sont prévues à l'avance par les locataires des différents lots qui organisent les chasses collectives et qui déclarent leur calendrier de battues au service chasse de l'ONF", explique Antoine Cambien, responsable du service chasse des forêts domaniales de Haute-Normandie à l'ONF. "Les calendriers sont communiqués aux mairies et aux associations de randonneurs afin que les différents usagers s'y retrouvent", précise-t-il.
Les calendriers de l'ONF ne concernent donc que les forêts domaniales et certaines forêts communales et départementales. Mais "il ne possède aucune information sur les territoires privés attenants qui peuvent être néanmoins chassés", précise l'ONF sur son site Internet. Dans les forêts privées, les chasseurs sont simplement tenus de respecter l'arrêté général de la chasse.
Les applications pour visualiser les zones de chasse en temps réel
Depuis 2018, l'application Melckone permet aux promeneurs de visualiser les zones de chasse en cours lors de leur randonnée. Elle a déjà été testée dans plusieurs forêts périurbaines de Seine-Maritime (La Londe, Verte, Bord Louviers, Roumare) et d'Ile-de-France, en partenariat avec l'ONF.
"L'idée est que l'organisateur des battues puisse préciser les zones chassées le matin sur l'application et que les promeneurs puissent la consulter en temps réel."
Antoine Cambien, responsable du service chasse des forêts domaniales de Haute-Normandie à l'ONF
"Mais l'application est toujours en développement. Jusque-là, elle n'est pas encore entrée dans les mœurs, peu de personnes la consultent. Le calendrier reste plus efficace", estime aussi Antoine Cambien de l'ONF.
D'autres applications de ce type ont été développées dans d'autres régions de France à l'image de Géochasse, ChassInfos ou encore Land Share, en Isère. Mais l'application ne semble pas avoir été mise à jour depuis la saison 2020/2021. Pour que ces applications soient vraiment efficaces, il faudrait surtout que 100% des chasseurs renseignent les battues qu'ils vont effectuer. Un objectif qui semble difficilement atteignable.
"C'est une question de respect de la liberté individuelle. Ce n'est pas aux promeneurs de ne pas aller dans les zones de chasse !"
Jean-Louis Chuilon, président de l'Alliance des opposants à la chasse
Ces applications ne représentent "pas une bonne solution" au problème de cohabitation entre chasseurs et promeneurs selon Alain Durand, chasseur et ancien président de la fédération de chasse de Seine-Maritime. "Est-ce que les promeneurs vont avoir le réflexe d'aller consulter l'application ? Ils s'en fichent, ils sont 'chez eux', ils vont aller se promener sans se poser de questions", lance-t-il.
L'idée de ces applications ne satisfait pas non plus certains anti-chasse. Pour Jean-Louis Chuilon, président de l'Alliance des opposants à la chasse, qui regroupe une quarantaine d'associations, ces applications "reviennent à dire 'on chasse, cassez-vous'. Il faudrait plutôt développer une application qui permet aux chasseurs de savoir où il y a des promeneurs", estime-t-il. "C'est une question de respect de la liberté individuelle. Ce n'est pas aux promeneurs de ne pas aller dans les zones de chasse !", appuie-t-il.
La question du partage de la forêt
"L'idée reçue que la nature appartient à tout le monde est une grave erreur. 70% de la forêt française est de la forêt privée. Les promeneurs ont les chemins et les forêts péri-urbaines. Dans ces dernières, il y en a peu où la chasse est autorisée le week-end. Les promeneurs veulent la garantie de pouvoir se promener en toute tranquillité et moi de pouvoir chasser en toute tranquillité aussi donc il ne faut pas que le promeneur soient là quand je chasse", tranche Alain Durand.
S'il se dit "à 200%" pour que les mesures de sécurité soient appliquées, en faveur de l'alcootest et pour que les chasseurs prennent leurs responsabilités en cas d'accident, il déplore des promeneurs qui "vont quand même se promener" même s'ils savent qu'il y a des chasseurs dans la zone où ils se trouvent. "Nous louons la forêt pour chasser. Les promeneurs ne paient pas pour se promener", souligne-t-il.
Michel Dimpault, président de la fédération français de la randonnée pédestre en Normandie, estime de son côté qu'"avant de faire des randonnées, il faut regarder les plans de chasse consultables sur Internet". Selon lui, "les battues sont toujours bien fléchées, le randonneur sait qu'il y a danger si une chasse est en cours et doit suivre les indications. Il faut savoir se respecter les uns les autres".
Lors des battues, "à chaque chemin public qui entre dans la forêt, l'organisateur positionne un panneau 'chasse en cours'. Cela s'applique aussi aux chemins communaux qui traversent les forêts privés", ajoute Antoine Cambien de l'ONF. Alain Durand dénonce de son côté le fait que des personnes "cassent ces panneaux, allant à l'encontre de leur propre sécurité".