L'été qui s'achève a amené son lot d'événements exceptionnels : record de sécheresse battu, manque d'eau, incendies... On vous propose un tour d'horizon des preuves du réchauffement du climat.
C'est une image forte qui symbolise cet été caniculaire en Normandie : un incendie dans la Hague. Le 17 juillet dernier, une centaine de pompiers a lutté trois jours durant sur un terrain particulièrement escarpé et difficile d’accès. Il a fallu le soutien des agriculteurs. Mobilisés pour amener des réserves d’eau au plus près du foyer, ils ont permis aux pompiers de maîtriser les flammes. Des habitations ont été évacuées par précaution. Au total 30 hectares de lande sont partis en fumée dans ce coin du Cotentin connu pour sa fraîcheur et son humidité. Si le départ de feu était volontaire, la sécheresse de la végétation couplée à des vents défavorables a expliqué l’ampleur de l’incendie.
Si l'incendie de la Hague a marqué les esprits, la récurrence des incendies est le premier fait marquant de cet été très très chaud dans la région.
Dans l’Eure le même week-end, 200 hectares ont brûlés. À l'origine de ce départ de feu : une moissonneuse. Une soixantaine de sapeurs-pompiers ont dû être mobilisés à Chéronvilliers. Là encore, le vent a compliqué l'intervention mais les pompiers ont pu protéger les habitations ainsi qu'une ferme.
Un été plus chaud et plus meurtrier
De manière générale, si les incendies en eux-mêmes n’ont pas mis en danger la vie des habitants de la région, l'été 2022 est marqué par une recrudescence des décès en France. Les départements normands ne sont pas épargnés. Les décès cumulés augmentent dans la Manche de 13% entre janvier et août 2022, comparés à la même période en 2019. Seine-Maritime, Eure et Calvados enregistrent une augmentation de 7% environ. Quand l’Orne est à +2,5%.
Des records de sécheresse sont tombés
L’année de référence qui est restée dans les esprits est celle de 1976. En 2022, Météo France a enregistré 47 jours consécutifs sans pluie à Cherbourg et Coutances dans la Manche entre juin et août. Soit 8 jours de plus qu’en 1976.
Sans remonter aussi loin, la carte ci-dessous parle d’elle-même : à la fin de l’été dernier aucun niveau de vigilance sécheresse n’avait été relevé par Propluvia, tandis que seule une zone de la région échappe à tout niveau d’alerte en ce mois de septembre.
Le site de la Dreal ( Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ) confirme le bilan hydrographique et l’état des nappes phréatiques.
"Concernant les cours d’eau, en l’absence de pluies significatives, le mois d’août conforte un peu plus l’étiage 2022 dans son caractère exceptionnel pour toute la partie armoricaine à l’ouest de la région. Les records bas du mois d’août sont souvent battus. S’ils ne le sont pas, ils rivalisent avec les valeurs de 1976 quand elles existent ."
Des conséquences inégales de la sécheresse sur les récoltes
Les incendies sont devenus monnaie courante dans les champs pendant l’été, se multipliant à la moindre étincelle provoquée par les engins agricoles.
Coté champs, la sécheresse estivale chamboule aussi le calendrier habituel des récoltes. Pour les céréales, un mois d’avance. Le blé a été moissonné dès le 10 juillet, et la récolte est de bonne qualité - du moins pour la plaine de Caen. Pas besoin cette année de séchage des grains pour évacuer l’humidité souvent présente dans le blé calvadosien.
"En rendement je n’ai quasiment rien perdu, moins de 5%, le changement cette année c’est que le blé est arrivé à maturité plus rapidement. La qualité quant à elle est bien là", estime Christophe Lebaron, qui cultive 150 hectares de céréales dans la plaine sud de Caen.
Le maïs a quant à lui plus souffert du manque d’eau, selon les espèces. Quant aux herbages, on est loin des 650 mm d’eau par an qui permettent aux verts pâturages normands de pousser.
On n’a eu aucune pousse d’herbe depuis le 14 juillet. Je nourris mes animaux avec les récoltes du printemps.
Daniel Courval, éleveur en Suisse normande
Les stocks de fourrage et de foin sont donc directement touchés. Les éleveurs dépensent déjà plus pour nourrir leurs bêtes pour l’hiver. Daniel Courval est éleveur de vaches allaitantes en Suisse normande. Les sols en pente et schisteux de son exploitation ne retiennent pas l’eau. Déjà inquiet en mai dernier en raison d’un manque d’eau sur les prairies normandes, il tire un bilan un brin fataliste de l’été. "Pour ce qui est du maïs, on n’a qu’un tiers de la récolte habituelle, et il y a peu de grains. On n’a eu aucune pousse d’herbe depuis le 14 juillet. Je nourris mes animaux avec les récoltes du printemps mais j’ai déjà dû envoyer sept bêtes à l’abattoir et je vais encore devoir en sélectionner sept de plus."
Daniel Courval et ses collègues attendent avec impatience des ondées récurrentes pendant au moins deux semaines.