Certains diront que les chiffres parlent d’eux-mêmes : il y a eu 41% d’abstention chez les 18-24 ans au second tour de l’élection présidentielle (source : Ipsos - Sopra Steria). Mais les chiffres sont-ils le reflet d’un désintérêt réel des jeunes pour la chose politique ? Ne veulent-ils pas tout et rien dire ? Voici 5 informations à retenir de notre débadoc consacré aux jeunes et la politique, présenté par Emilie Flahaut et Anthony Masteau. Avec du Orelsan dans le texte.
"Elu, mais pour quoi faire ?" : notre documentaire diffusé juste avant le débadoc suit cinq jeunes bretons et normands, âgés de 17 à 24 ans, qui ont accompagné pendant quelques jours des députés à l’Assemblée nationale et dans leur circonscription.
Le titre du documentaire de Magalie Douarche est le point de départ de notre questionnement : "Elu, mais pour qui faire ?". Et si se questionner sur le rapport des jeunes à la politique, c’était d’abord reprendre les bases ?
- « Vous n’avez pas les bases »
Avant de se questionner pour qui on va voter, je pense que c’est essentiel de savoir pourquoi on le fait.
Magalie Douarche, réalisatrice du documentaire "Élu, mais pour quoi faire ?"
Magalie Douarche, réalisatrice du documentaire "Élu, mais pour quoi faire ?" dans le débadoc : « J’ai toujours pensé ce film pour être un outil de pédagogie. Ca l’a été pour mes enfants. Ca l’a été à travers le regard des jeunes qui m’ont accompagnée.
J’aimerais qu’il puisse servir ça… pas aller jusqu’à « réenchanter la démocratie » mais déjà si on pouvait expliquer à quoi servent les élus…
Avant de se questionner pour qui on va voter, je pense que c’est essentiel de savoir pourquoi on le fait. Et une fois qu’on a bien compris pourquoi, c’est peut-être plus simple de se questionner pour quel projet. »
- « La confiance est morte en même temps que le respect »
Chez les nouvelles générations, il y a le développement de ce que le politiste Vincent Tiberj a appelé « les citoyens distants ». (...) Aujourd’hui vous avez beaucoup de compétences d’un point de vue politique, vous comprenez ce qui se passe, vous avez beaucoup plus accès aux informations mais ça ne veut pas dire que vous allez être plus intéressé en raison d’une défiance qui grandit.
Tom Chevalier, chargé de recherche CNRS au laboratoire Arènes, Sciences Po Rennes
Tom Chevalier, chargé de recherche CNRS au laboratoire Arènes, Sciences Po Rennes dans notre débadoc : « Chez les nouvelles générations, il y a le développement de ce que le politiste Vincent Tiberj a appelé « les citoyens distants ».
C’est-à-dire que les nouvelles générations sont beaucoup plus formées, la durée d’études s’allonge progressivement or on sait que le niveau de formation est lié au niveau d’intérêt pour la politique. Donc cet allongement des études devrait augmenter cet intérêt pour la politique.
Or ce qu’on voit c’est qu’aujourd’hui chez les nouvelles générations, il y a un décalage qui se fait. Vous avez beaucoup de compétences d’un point de vue politique, vous comprenez ce qui se passe, vous avez beaucoup plus accès aux informations mais ça ne veut pas dire que vous allez être plus intéressé par ce qui se passe en raison d’une défiance qui grandit. »
- « Pourquoi faire tout de suite ce qu’on peut faire plus tard ? »
Abaisser l'âge légal du droit de vote à 16 ans, c'était la proposition de plusieurs candidats à l'élection présidentielle pour lutter contre l'abstention. Bonne idée ?
Le problème de ce type de proposition, c’est que ça détourne l’attention de plein d’autres mesures qui pourraient être plus pertinentes pour augmenter la participation électorale. (...) Comme le changement du mode de scrutin.
Tom Chevalier, chargé de recherche CNRS au laboratoire Arènes, Sciences Po Rennes
Tom Chevalier, chargé de recherche CNRS au laboratoire Arènes, Sciences Po Rennes dans notre débadoc : « Ca pourrait augmenter la participation électorale puisque des études ont montré que plus vous avez l’habitude de voter tôt, et plus vous gardez l’habitude tout au long de votre cycle de vie.
Dans le même temps, le problème de ce type de proposition, c’est que ça détourne l’attention de plein d’autres mesures qui pourraient être plus pertinentes pour augmenter la participation électorale.
Par exemple, améliorer le fonctionnement de la démocratie en changeant de mode de scrutin. Si vous passez par exemple au scrutin proportionnel, vous éliminez les possibilités de vote utile.
En gros vous votez pour le parti qui correspond le mieux à vos idées et ce parti aura le nombre de sièges correspondant au nombre de voix. Ca, ça augmente la participation électorale de la population en général. »
- « Faut qu’on apprenne à désapprendre »
En fait, il faut déconstruire les imaginaires. (...) la politique c’est juste la vie des gens les amis, quoi ! Tout le monde peut faire de la politique !
Sira Sylla, avocate, députée LREM Seine Maritime (4e circonscription) depuis 2017
Sira Sylla, avocate, députée LREM Seine Maritime (4e circonscription) depuis 2017 : « Il y a de l’autocensure aussi. Je l’ai vu notamment au moment des municipales où j’ai essayé d’aller dans les quartiers pour dire « engagez-vous en politique » et on m’a dit Sira, j’ai pas fait l’ENA ou je suis pas allé à la fac.
Mais la politique c’est juste la vie des gens les amis, quoi ! Tout le monde peut faire de la politique ! Moi quand je vais dans des établissements scolaires et que je dis que mes parents n’ont pas été à l’école, que ma mère ne sait ni lire ni écrire et que je viens d’un quartier, on me dit : mais nous aussi on peut alors.
En fait, il faut déconstruire les imaginaires. Je prends souvent l’exemple dans les écoles : je suis députée, c’est comme si j’étais déléguée de classe. Je ne suis pas plus que vous. On m’a donné une mission, pour un mandat, je vais vous représenter mais je suis comme vous.
Tant pour la jeunesse, que pour les quartiers, que pour les milieux populaires il faut déconstruire l’idée que le député c’est un super héros. »
- « L’intelligence fait moins vendre que la polémique » (dans le titre "L'odeur de l'essence")
Pour parler aux jeunes, les politiques doivent utiliser les nouvelles formes de communication, mais pas n'importe comment.
Dany Derradji, 19 ans, domicilié à Châteaubourg et étudiant en management du sport et Anne-Olympe Lebossé, 17 ans, lycéenne de Rennes nous expliquent dans le débadoc : "Marlène Schiappa qui se sert d’influenceuses pour sa communication… ça la décrédibilise."
Simon Guyomard, jeune militant EELV, confirme : "Il faut faire attention à ce que l’on y aborde des vrais sujets aussi. Moi j’aimerais bien voir des politiques sur internet ou sur les réseaux qui parlent d’écologie. C’est très bien de faire une vidéo avec McFly et Carlito mais ça manque de fond."
Il ne faut pas prendre les jeunes pour des imbéciles. Ce n’est pas parce qu’on est sur un autre média de communication qu’il faut pas être sérieux, il faut prendre les jeunes au sérieux.
Simon Guyomard, jeune militant EELV
Pour (re)voir notre débadoc sur les jeunes et la politique, c’est ici :
Une émission présentée par Emilie Flahaut (France 3 Normandie) et Anthony Masteau (France 3 Bretagne).