Le 10 décembre 2023, entre 80 et 100 militants écologistes avaient mené une action coup de poing sur le site bétonnier Holcim (anciennement Lafarge), à Val-de-Reuil (Eure). Le parquet a annoncé l'interpellation de 17 d'entre eux.
"Les policiers ont débarqué dans l'appartement à 6h30 du matin. Ils l'ont menotté et assis sur une chaise. Pour lui, c'était violent. Je trouve ça hallucinant, on parle d'un militant écologiste, pas d'un dangereux terroriste". Guillaume est encore ulcéré en racontant l'interpellation de son frère Alexis (par souci d'anonymat, nous ne donnons pas le nom de famille) qui s'est déroulée ce lundi 8 avril à son domicile.
"On n'a plus de nouvelles depuis hier matin"
Le militant écologiste vit près de Domfront dans l'Orne, avec sa compagne qui était aussi présente lors de l'intervention de cinq policiers des services antiterroristes. Alexis est soupçonné d'avoir participé à l'action du 10 décembre dernier où une centaine d'activistes se sont rendus sur le site Lafarge de Val-de-Reuil (Eure) pour taguer les installations et dégrader l'outil industriel.
"Et là, on n'a plus de nouvelles de lui depuis hier matin. On ne sait pas combien de temps va durer sa garde à vue", soupire Guillaume. Actuellement auditionné par les services de la Sous-direction antiterroriste (SDAT) à Levallois-Perret, Alexis pourrait être retenu pendant une durée totale allant jusqu'à 96h, soit l'extension légale maximum en cas d'infraction en bande organisée.
17 personnes placées en garde à vue
Comme Alexis, c'est en tout 17 personnes qui ont été placées en garde à vue. Le procureur de la République d'Évreux, Rémi Coutin, l'a fait savoir dans un communiqué publié ce lundi 8 avril, confirmant une information de nos confrères de BFM Normandie.
"Ce jour, en début de matinée, les services d’enquête saisis ont procédé à l’interpellation de 17 personnes, suspectées d’avoir fait partie des auteurs des faits commis le 10 décembre dernier", relève ainsi le procureur, précisant que 16 de ces interpellations ont eu lieu en Normandie (dans l'Orne, la Seine-Maritime, l'Eure et le Calvados), et que la dernière a été réalisée en Seine-Saint-Denis.
Pour plus d'information, regardez ce reportage diffusé sur notre antenne (M.Weber/F.Pesquet).
Selon le parquet, l'identification des contrevenants a pu être réalisée grâce aux caméras de vidéo-surveillance du site Lafarge.
Les 17 auteurs présumés, 11 hommes et 6 femmes, sont tous majeurs. Ils ont été placés en garde à vue "dans différents locaux de police", sous l'autorité du parquet.
Rappel des faits
L'action avait été menée en décembre dernier à l'initiative de 200 organisations écologistes et syndicales contre l’artificialisation des terres, ainsi que des comités locaux des Soulèvements de la terre.
Parfaitement coordonnés, des militants écologistes avaient occupé des sites bétonniers dans toute la France pour protester contre la "bétonnisation" du territoire et dénoncer certaines pratiques jugées peu scrupuleuses.
Plus de 450 000 euros de dégâts
À Val-de-Reuil, tous étaient parvenus à prendre la fuite, après avoir "fait en sorte que l'agent de sécurité du site ne puisse pas quitter son local" selon le parquet, en bloquant sa porte avec de la mousse expansive.
Toujours selon le parquet, des dégradations avaient été commises sur le site : tags ("Lafarge terroriste", "Le béton tue", "Drogués au béton ? Qui est votre dealer ? Macron ? Daesh ? JO ?"), destruction d'outils de production et de matériel informatique, béton coulé dans les arrivées d'eau... Des dégâts chiffrés à plus de 450 000 euros, selon le parquet.
Après les faits, le parquet d'Évreux avait ouvert une enquête de flagrance des chefs de "séquestration avec libération volontaire avant le septième jour en bande organisée", "destructions/dégradations graves en réunion", "participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement" et "violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique sans incapacité".
Des rassemblements de soutien prévus à 18 heures
Dans un communiqué, les organisations écologistes remettent en cause les chefs d'accusation. "La vague d’arrestations d’aujourd’hui vise l’intervention, durant une dizaine de minutes, d’une centaine de personnes sur un site Lafarge à Val-de-Reuil avec de la peinture et de la mousse expansive. La police anti-terroriste était intervenue sur les lieux sous prétexte d’une soi-disant 'séquestration' expresse d’un agent de sécurité. Ce story telling répressif s’était rapidement dégonflé par la suite."
Les militants écologistes déplorent l'intervention de la SDAT. "L’usage récurrent des moyens de l’anti-terrorisme pour diaboliser spécifiquement les mobilisations qui menacent les intérêts des lobbys industriels est frappant. Elle marque à quel point ce gouvernement leur est inféodé. L’expansion des moyens de surveillance débridée sur un large ensemble de militant.es est particulièrement inquiétante. La SDAT se met aujourd’hui de nouveau au service d’une des entreprises les plus toxiques du monde", écrivent-ils dans leur communiqué.
Un rassemblement de soutien aura lieu à Rouen mardi à 18 heures devant le palais de justice ainsi qu’à Levallois-Perret devant les locaux de la SDAT.