Pamela Lemeur, atteinte de sclérose en plaques, fait partie du millier de patients à expérimenter le cannabis thérapeutique. Comme d’autres malades, elle est inquiète car le gouvernement n’a pas légalisé le traitement et demande aux médecins de sevrer les bénéficiaires.
À la voir graver avec ardeur dans son atelier à Évreux, on ne s’imagine pas que la vie de Pamela Le Meur, 54 ans était encore un calvaire il y a 3 ans et demi. Atteinte de sclérose en plaques, elle souffrait de spasticités douloureuses, des crampes musculaires très fortes qui l’empêchaient de dormir la nuit et de voyager en voiture plus de quelques kilomètres.
« Sur la route, il fallait s’arrêter toutes les heures, pendant trois quart d’heures, le temps que la crise passe. Et je n’arrivais pas à être assise à mon bureau plus de 20 à 30 minutes, il fallait que je me lève, j’avais aussi de gros problèmes de concentration à cause des nuits hachées ».
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Le cannabis thérapeutique a été miraculeux
Un seul remède a réussi à la soulager, la prise depuis le mois d’octobre 2021, de cannabis thérapeutique, un mélange de CBD et de THC. Au bout de 3 mois, ses crampes nocturnes s’étaient envolées.
« Ça a été miraculeux, ça change la vie ! Ce n’est plus du tout une angoisse de faire des kilomètres parce que je sais que ça ne va pas être horrible et douloureux et que je ne mets plus 5 jours à me remettre d’une demi-journée de voyage. Alors avec mon conjoint on rebouge ! », s’exclame-t-elle.
Olivier Le Meur, a quant à lui retrouvé une compagne, créative comme au premier jour.
Elle a regagné une espèce d’énergie vitale au quotidien. Je la retrouve enthousiaste, partante pour tous les projets et pour reprendre une vie sociale.
Olivier Le Meur
Si Pamela Le Meur, a pu avoir accès au cannabis thérapeutique, c'est parce qu’elle a fait partie des 3000 patients sélectionnés en 2021 pour faire suivre un traitement expérimental sous la houlette de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Il était réservé aux patients atteints de pathologies bien précises, comme des épilepsies résistantes aux médicaments, des maladies neurologiques graves, ou encore les effets secondaires de traitements du cancer.
Tous les participants étaient en impasse thérapeutique, le cannabis était donc leur dernière alternative.
Une expérimentation en sursis
Pourtant, le traitement risque de s’arrêter prochainement pour Pamela Le Meur et les autres malades. Le 20 décembre dernier, elle a reçu un appel de son neurologue, lui annonçant que tout allait s’arrêter au 31 décembre.
« Quand mon médecin m’a dit que l’expérimentation allait stopper dans 10 jours j’ai cru que j’allais faire un malaise. Ça m’a fait un choc ! », se souvient-elle.
L’expérimentation a pourtant fait ses preuves scientifiques, elle était censée déboucher sur une loi au plus tard en janvier 2025. Mais le texte attend toujours son décret d’application.
En cause, l'instabilité parlementaire et la succession des ministres de la Santé, 8 en tout, chacun ayant son propre avis sur la question, et ne faisant pas avancer le dossier.
Pour beaucoup de professionnels de santé, la France est à la traîne, alors que l’Allemagne, la Suisse ou encore les États-Unis ont adopté depuis longtemps le cannabis thérapeutique. Il est surtout associé dans l’hexagone au cannabis récréatif, beaucoup de personnes s’imaginent donc que ce traitement est un premier pas vers la légalisation du stupéfiant.
« On a réussi à obtenir un sursis de 6 mois, jusqu’à juin prochain, détaille Bertrant Bourre, le neurologue de Pamela. Mais avec la société francophone de la sclérose en plaques, on a bon espoir de se faire entendre par le nouveau ministre ».
Pamela Le Meur réfléchit déjà aux alternatives qu’elle devra trouver dans cinq mois si le traitement s’arrête.
Il faudra que j’aille trouver du cannabis thérapeutique ailleurs en Europe. Certains me disent même d’en faire pousser dans mon jardin. Mais ça ne me convient pas, je ne sais pas quelle dose il faudra prendre et je veux pouvoir contrôler mon traitement.
Pamela Le Meur
Très inquiète et en colère, elle croise les doigts pour qu’un changement s’opère : « Il faut arrêter de se voiler la face, ce n’est pas parce que c’est une drogue que c’est pire que la chimie des médicaments ! ».
Si le ministère ne prend pas de décision, les médecins devront sevrer progressivement les patients, au risque de voir certains symptômes revenir de plus belle.