"L'administration pénitentiaire est en deuil aujourd'hui". Émotions et colère des personnels après l'attaque mortelle du fourgon

Les réactions se multiplient après le braquage d'un fourgon pénitentiaire, ce mardi 14 mai au péage d'Incarville dans l'Eure, qui a coûté la vie à deux agents, et grièvement blessé trois autres. Certains syndicalistes appellent à bloquer des établissements dès demain pour demander plus de moyens.

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Les réactions s'enchaînent depuis ce terrible braquage d'un fourgon pénitentiaire ce mardi 14 mai 2024 au péage d'Incarville dans l'Eure. Le bilan est très lourd : deux agents sont décédés sous les balles des braqueurs, trois autres sont gravement blessés. Le détenu a pris la fuite avec ses complices.

Un drame qui rappelle la dangerosité des métiers de la pénitentiaire, et le manque de moyens dont se plaignent souvent ses agents. D'après le ministère de la Justice, c'est la première fois depuis 1992 que des agents de la pénitentiaire sont tués dans l'exercice de leurs fonctions.

"C'est vraiment un assassinat, il n'y a pas d'excuse"

"Je pense aux familles, aux collègues, c'est toute la pénitentiaire qui est meurtrie, c'est tous les agents qui ont la gorge nouée, les trois quarts des collègues que j'ai au téléphone pleurent", a réagi ce mardi après-midi sur Franceinfo Vincent Le Dimeet, le secrétaire national du Snepap-FSU, l'un des syndicats de l'administration pénitentiaire.

"Quand vous voyez des collègues partir le matin et ne pas rentrer le soir chez eux, (…) c'est très très dur", dit le syndicaliste, très marqué par les images où ses collègues "se retrouvent attaqués à l'arme de guerre, à la kalachnikov".

Selon lui, un palier a été franchi dans la violence, face à des agresseurs qui "n'ont pas hésité un seul instant à faire feu sur les collègues". "C'est vraiment un assassinat, il n'y a pas d'excuse... C'est très dur ce que l'on vit actuellement", insiste Vincent Le Dimeet.

Si l'heure est au recueillement, la question des moyens affectés au transport de ce type de détenu est posée." Est-ce qu'il aurait fallu rajouter des forces de l'ordre ?", interroge le syndicaliste alors que les agents pénitentiaires "ne sont armés que d'une arme de poing... lorsque l'on fait des escortes avec la police et la gendarmerie, eux, ils ont des armes d'assaut".

"On est en manque d'effectifs, et pas en sécurité sur la route"

Le site du syndicat pénitentiaire Ufap est barré d'une écharpe noire en signe de deuil.

"J’ai connu ça en 92 quand il y a eu l’assassinat des collègues de Rouen et Clairvaux. C’est la peine tout de suite, c'est d'une violence extrême, on pense tout de suite aux collègues. On est surtout sous le choc. L’administration pénitentiaire est en deuil aujourd'hui" s'est exprimé Bruno Basme, le secrétaire local de l'Ufap à la maison d'arrêt de Caen.

Ils se sont fait canarder, c’est un sentiment de ras-le-bol. On est en manque d’effectifs, on n’a pas ce qu’il faut. Les heures supplémentaires, le manque d’effectifs, et on n’est pas sécurisé sur la route ! Ce sont des fourgons de transfert lambda, on n’est pas équipé comme on devrait l’être quand on part sur la route.

Bruno Basme, secrétaire local Ufap à la maison d'arrêt de Caen


Le secrétaire général de l'Ufap-Unsa, Emmanuel Chambaud, a rappelé quant à lui sur franceinfo l'une de leurs revendications : "On souhaite vraiment que l'usage de la visioconférence soit développé pour que la sortie d'un détenu soit l'exception… Il faut avoir une vraie réflexion sur le fait d'absolument amener des détenus dans les tribunaux", argumente le syndicaliste.

"Il faut aussi réfléchir sur le fait que des magistrats puissent se déplacer dans les prisons pour éviter ce type d'événement tragique qui a entraîné la mort de deux de mes collègues. Les sorties des administrations pénitentiaires génèrent des risques et aujourd'hui, on en paye un prix fort".

Une minute de silence, et des maisons d'arrêt bloquées

Bruno Basme, le secrétaire local de l'Ufap à la maison d'arrêt de Caen, pense que les choses ne vont pas en rester là et prévoit déjà des actions. "On va appeler les personnels à bloquer les établissements pour demain matin !".
L'Ufap-Unsa Justice appelle à une "mobilisation générale, pour une meilleure reconnaissance du danger auquel les agents sont exposés". Ils demandent aussi une "amélioration significative de leurs moyens de défense".
La CGT Pénitentiaire de Pau a annoncé des blocages demain dans plusieurs établissements.
À Caen, l'émotion est encore trop forte selon Olivier Duval, surveillant au Centre pénitentiaire de la ville, et secrétaire local CGT. "On laisse le temps au temps, on est touchés directement, les victimes sont des collègues qu'on connaissait, et certains sont encore grièvement blessés. On est dans l'émotion et le recueillement pour l'instant".
Dans un communiqué publié en fin de journée, l'intersyndicale appelle sans préciser la date, "au blocage de l'ensemble des établissements et structures pénitentiaires, pour exprimer notre émotion, et en soutien à nos collègues morts en service. Cette journée doit être une journée "Prisons mortes", et pourra être reconductible".

L'intersyndicale appelle aussi à une minute de silence demain mercredi 15 mai à 11h, dans l'ensemble de l'administration pénitentiaire.

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