Un nouveau drame s'est produit à Louviers dans l'Eure ce jeudi 8 juin 2023, où une jeune femme a été attaquée au couteau par son compagnon, déjà connu pour des faits de violences conjugales. La victime tenait son bébé dans ses bras au moment de l'agression. L'auteur présumé des faits, mis en examen, a été placé en détention provisoire.
La lutte contre les violences conjugales est devenue Grande cause nationale en 2018. Pourtant le nombre de plaintes pour ce type de violences n'a cessé d'augmenter ces dernières années.
Ce jeudi 8 juin, une femme de 34 ans a été poignardée par son compagnon à Louviers dans l'Eure, alors qu'elle se trouvait chez elle dans le quartier des Acacias, avec son bébé dans les bras.
Selon les premiers témoignages, l'auteur a asséné un certain nombre de coups de couteau à la victime, dans l'appartement de celle-ci, "puis sur son palier, alors qu'elle tenait son bébé, enfant né de leur relation", selon le communiqué de presse du procureur de la république.
Gravement blessée, la victime a été transportée au centre hospitalier de Rouen, avec un pronostic vital un temps engagé. Son bébé serait également tombé pendant l'agression, il ne présentait pas de blessures. L'homme a quant à lui été rapidement interpellé, puis placé en garde à vue.
Une agression dans un contexte de séparation
Selon le communiqué du procureur du tribunal d'Evreux, la victime et l'auteur présumé vivaient une relation conjugale "chaotique depuis un certain nombre d'années". Ils auraient eu 3 enfants ensemble (14 et 10 ans et 6 mois). La femme aurait signifié à son compagnon sa volonté de se séparer 10 jours avant les faits de violence.
L'homme a été déféré au tribunal judiciaire d'Evreux le samedi 10 juin. Il a été mis en examen pour "tentative d'homicide par conjoint et violences n'ayant pas entrainé d'incapacité de travail supérieur à 8 jours par ascendant sur mineur de moins de 15 ans en état de récidive légale."
Selon le Parquet d'Évreux, l'homme a choisi de garder le silence, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. La famille était déjà connue des forces de l'ordre, pour des faits de violences conjugales.
Des violences en augmentation
Selon le ministère de l'Intérieur, le nombre d'enregistrements de violences conjugales par les services de police et de gendarmerie, a doublé depuis 2016 en France. Des violences spécifiques qui ont été distinguées des violences générales à partir de 1994.
208 000 victimes de violences commises par un partenaire ou ex-partenaire ont été dénombrées en 2021, soit une augmentation de 21% par rapport à 2020. Un chiffre alarmant mais qui peut s'expliquer par la libération de la parole et l'amélioration des conditions d'accueil des victimes.
Ce nouveau drame nous rappelle aussi que les violences intrafamiliales, mais aussi sexistes et sexuelles sont des violences qui continuent d'augmenter. Un constat qui horrifie les associations de défense des femmes victimes.
"On a tendance à penser que la libération de la parole qui a eu lieu grâce au mouvement Me Too est une bonne chose, et ça l'est, mais malheureusement elle ne s'est pas accompagnée d'une libération de l'écoute. Il y a de plus en plus de femmes qui dénoncent les violences qu'elles subissent, violences conjugales, viols, agressions sexuelles, mais on ne voit pas encore de réactions appropriées de la police et de la justice. On pourrait penser que cette augmentation de la violence vient du sentiment d'impunité que ressentent les agresseurs. La réponse à ces violences est encore totalement inadaptée et insuffisante" explique Amandine Liard, du collectif "Nous Toutes 27".
Nous demandons une vraie prise en compte de la police et de la justice, il y a encore trop de cas où la parole de la victime est remise en cause, y compris au moment de la plainte.
Amandine LiardCollectif "Nous Toutes 27"
Dans l'Eure, on dénombre 2411 violences intrafamiliales pour l'année 2022, avec 1739 victimes répertoriées par la Gendarmerie (qui dispose de 39 référents Violences Intra Familiales), et 672 victimes par la Police. 78% à 80% des victimes sont des femmes. "Nous demandons une vraie prise en compte de la police et de la justice, il y a encore trop de cas où la parole de la victime est remise en cause, y compris au moment de la plainte. Il y a encore trop de cas où il y a une solidarité de la police avec l'agresseur, ou bien une remise en doute de la parole de la victime. On voudrait aussi une vraie formation des acteurs des services publics pour que la personne soit dirigée vers les services compétents pour l'écoute des victimes. On sait qu'en 2019, dans 65% des cas de féminicides, la victime avait déjà pris contact avec la police ou la justice" poursuit Amandine Liard de "Nous Toutes 27". "Et 80% de ces plaintes ont été classées sans suite".
Le drame de Louviers s'est passé dans un contexte semblable. On sait que l'agresseur était déjà connu de la police pour des faits de violences conjugales, ce qui n'a pas empêché cette violente agression.
Si les mentalités évoluent avec les nouvelles générations, le combat est encore loin d'être gagné. Le HCE, Haut Conseil à l'Egalité entre les Hommes et les Femmes, a démontré que le sexisme a augmenté chez les jeunes en 2023. Un constat que l'on peut analyser comme un retour de bâton des avancées féministes. Le HCE appelle aussi à développer une véritable culture de la protection des victimes.
Depuis le 1er janvier 2023, on décompte aussi 55 féminicides, dont 5 se sont produits en Normandie : 3 en Seine-Maritime, 1 dans la Manche et 1 dans le Calvados.