REPORTAGE. Violences conjugales : "ce qui revient, c'est l’instabilité du lien, la pauvreté de repères"

Depuis le Grenelle contre les violences conjugales de 2019, de nouveaux moyens ont été déployés pour traiter ce phénomène invisible, mais massif. En 2022, 147 femmes ont été victimes de féminicides en France. Nous avons suivi le travail des policiers et des magistrats du Havre.

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Les violences conjugaIes concernent tous les âges et tous les milieux sociaux. L’actualité est ponctuée de faits divers impliquant des féminicides. Les associations dénoncent le manque de moyens donnés à la police et la justice pour combattre ce fléau. Au Havre, parquet, police et associations travaillent de concert pour venir en aide aux victimes, mais aussi aux agresseurs.

Le commissaire du Havre est formel : "c’est la priorité du service". Ses équipes ont été formées pour l’accueil des victimes de violences conjugales. Les appels à l’aide sont quotidiens. L’alerte est parfois donnée par une association ou par un signalement sur cette plateforme anonyme. Les six fonctionnaires du service suivent un questionnaire précis utilisé partout en France. 

Comprendre l’emprise psychologique sur les victimes 

"Le cerveau va sécréter des drogues dures naturelles qui sont la kétamine like et morphine, ce qui va provoquer une disjonction. Elles ont là sans être là, sans être là, comme si elles étaient un petit peu anesthésiées", explique la psychologue du commissariat du Havre.

 

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Depuis le Grenelle contre les violences conjugales de 2019, de nouveaux moyens ont été déployés pour traiter ce phénomène invisible mais massif. En 2022, 147 femmes ont été victimes de féminicides en France. ©France 3 Normandie

Lorsque les victimes quittent leur conjoint, ces drogues naturelles s’estompent, les femmes revivent alors à l’identique les pires moments de leur histoire. C’est ce qui rend la séparation si difficile et empêche de passer parfois le cap de la plainte. Même sans cette démarche, le parquet est désormais systématiquement informé dès qu’il y a un acte de violence conjugale et peut décider d’ouvrir une enquête. 

Créer un climat de confiance

Le GAJ est le groupe d’appui judiciaire, ce sont en quelque sorte les urgences de la police. Le service fonctionne en continu et s’occupe des faits de violences conjugales remontant aux dernières 24h, en moyenne 8 dossiers par semaine. Grâce au flagrant délit, le service peut faire interpeller immédiatement un mis en cause et le placer en garde à vue. Mais si les violences sont plus anciennes, la plainte remonte au groupe de protection de la famille. Les enquêteurs essayent de créer un climat de confiance pour obtenir le maximum d’informations des femmes mais ce n’est pas toujours simple.

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Les cas les plus urgents de violences conjugales sont traitées par le GAJ, le groupe d’appui judiciaire. Ce sont en quelque sorte les urgences de la police. ©France 3 Normandie

"1/3 des auteurs eux-mêmes victimes de violence dans leur enfance"

A l’issue de leurs gardes à vue et avant d’être transférés au tribunal, les auteurs de violences conjugales sont reçus par une professionnelle qui réalise leurs expertises psychiatriques confidentielles. L’entretien dure une vingtaine de minutes, il est suivi d’un débrief avec la cheffe-adjointe de l’unité d’atteinte aux personnes. 

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« Des violences familiales dont il a été témoin du papa sur la maman. Ce qui revient régulièrement dans toutes les violences intrafamiales c’est le vécu abandonnique qui peut déjà émerger dans l’enfance. C’est l’instabilité du lien, c’est la pauvreté de repères, c’est l’insécurité. Ce sont des sujets qui dans plus d’un tiers des cas ont été victimes de violences » explique Dr. Marie Bur, médecin psychiatre ©France 3 Normandie

Pour son expertise, la psychiatre a suivi un canevas de 8 questions. Ce sont toujours les mêmes, presque comme le profil des auteurs souvent similaire : "Des violences familiales dont il a été témoin du papa sur la maman", précise Dr Marie Bur, psychiatre.

Ce qui revient régulièrement dans toutes les violences intrafamiliales, c’est le vécu abandonnique qui peut déjà émerger dans l’enfance. C’est l’instabilité du lien, c’est la pauvreté de repères, c’est l’insécurité. Ce sont des sujets qui dans plus d’un tiers des cas ont été victimes de violences.

Dr. Marie Bur, médecin psychiatre

Le contrôle judiciaire est la réponse la plus souvent apportée par la justice dans ces affaires. Il s’accompagne en général d’une interdiction de contact avec la victime et d’une interdiction de paraître au domicile. Mais parfois les dossiers sont directement classés sans suite malgré l’enquête réalisée en amont. 

En 2022, le parquet du Havre a reçu 930 nouvelles affaires de violences intrafamiliales. Soit 11% de plus que à l’année précédente. Pour mieux combattre ces violences, la justice s’est saisie de nouveaux outils depuis le grenelle de 2019, comme les téléphones grands dangers et les bracelets anti-rapprochement.

Un accompagnement dédié aux auteurs pour éviter les récidives

Les auteurs de violences conjugales suivent le programme du CPCA du Havre, le centre de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales. La majorité des participants est orientée ici par la justice.

Ce dispositif est issu du Grenelle des violences conjugales et a pour but de protéger les victimes en accompagnant les auteurs et minimiser ainsi le risque de récidives. Pendant 13 séances étalées sur 6 mois, des intervenants extérieurs informent sur des thèmes allant de l’aide juridique à la parentalité. La réussite de ces groupes repose également sur les échanges entre les mis en cause. Parmi les autres éléments à briser : la déresponsabilisation dans laquelle se cachent ces hommes violents.                                                                              

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Les auteurs de violences conjugales suivent le programme du CPCA du Havre, le centre de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales. La majorité des participants est orientée ici par la justice. ©France 3 Normandie

Alors que la parole des femmes se libère, beaucoup de cas de violences sont encore tus et restent dans l’intimité des domiciles. Le commissariat du Havre compte renforcer son groupe de protection de la famille pour favoriser encore un peu plus la révélation des faits. La justice elle est toujours en quête de preuve mais prend de plus en plus au sérieux ces affaires. L’accompagnement s’améliore mais il faudra du temps pour un changement d’ampleur.

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