"Moi, le tout compris, c'est fini !", Kevin, 34 ans, doit partir en Martinique mi-octobre : impossible de reporter ou d'annuler sans tout perdre ou presque. Un stress absolu et pas de vacances, notamment à cause des tests PCR de moins de 72h irréalisables.
"C'est le rêve d'une vie qui s'écroule !", explique Kévin Moreau, un habitant de Besny-sur-Mer, tout près de Caen. Un sentiment d'injustice le tiraille depuis une semaine, depuis qu'il voit sur les images des journaux télévisés des gens agglutinés aux comptoir des compagnies aériennes pour embarquer vers les DOM-TOM, alors qu'ils attendent encore des résultats de tests Covid-PCR qui n'arrivent pas dans leurs boites mail, au moment prévu."J'ai réalisé tout seul devant ma télé que la galère s'annonçait pour nous alors que ce voyage (ndlr : il part le 20 octobre prochain en Martinique) c'est le rêve de toute une vie, et des économies sur plusieurs années pour mes parents."
J'ai téléphoné à tous les laboratoires du Calvados : aucun ne peut s'engager ni à me donner un rendez vous 72 heures avant mon départ- un samedi à 14H- et encore moins de me fournir le résultat en 48Heures. Et c'est partout pareil alors je fais comment ?
Une semaine qu'il retourne la situation dans tous les sens. Sans résultats.
Des tests de moins de 72H: un mirage?
Dans 4 semaines, le 20 octobre, il doit donc s'envoler d'Orly pour Fort de France avec la compagnie Corsair. Ce voyage tout compris, acheté chez Carrefour Voyages en décembre dernier, à une époque ou le Covid n'existait pas, ne prévoit pas la clause "annulation crise sanitaire. Le remboursement total n'est plus possible depuis le 14 septembre (fin de validation des demandes imposé par décret). Certes, selon les conditions générales de vente, il peut encore tout annuler, jusqu"à 22 jours avant le jour J. "Mais Carrefour Voyages m'explique que je perds alors 50% de la somme totale soit 1600 euros."
Je ne m'imagine pas annoncer à ma mère qui est auxilliaire de vie et qui gagne 1200 euros par mois péniblement qu'elle va perdre 1600 euros, comme ça, d'un coup. C'est des années d'économie pour eux et c'était le premier grand voyage de leur vie. Sans vous raconter notre vie, c'est aussi offrir à mon beau-père, son mari, un retour sur ses origines. Il n'y est jamais allé, faute d'argent. Le ciel nous tombe sur la tête!
Aucune dérogation : ce test doit être de 72H maximum, heure pour heure, à l'embarquement
Depuis le 10 juillet dernier, un protocole sanitaire très strict est mis en place pour accéder aux territoires d'Outre-Mer. Et dans beaucoup de pays du monde entier. Seul les Maldives viennent d'alléger leurs obligations.
C'est deveu un véritable cauchemar pour les voyageurs. Il faut se présenter à l'embarquement avec "Un test RT-PCR de détection du Covid-19 réalisé 72h avant ", comme l'indique la compagnie Corsair sur son site internet.
Pour cela, très officiellement, Corsair annonce un partenariat avec un groupe privé regroupant 850 laboratoires.
Une réalité qui a été efficace jusque mi-août. Depuis l'engorgement est tel dans les labos, que le partenariat n'a plus de sens. Il faut ,en plus, avoir acheté son billet d'avion chez Corsair, en direct, et pas dans un packaging de voyagiste.
" Effectivement, on teste les gens qui voyagent avec nous, avec billlet acheté en direct mais ils ne sont même plus prioritaires depuis la priorisation pour les personnels de santé et les gens avec symptômes et ordonnances. C'est une règle fixée par le ministère de la Santé et les ARS. Impossible donc pour nos clients de prendre rendez-vous. Même sous les tentes que nous avons installées à Orly, il n'y a absolulent rien de garanti et l'attente est très très longue", confie la direction du siège de la compagnie Corsair.
La DGS, la direction générale de la Santé à Paris, nous précise également qu'aucun voyageur muni d'un titre de voyage ne peut, depuis cette mi-septembre, être considéré comme prioritaire pour un résultat en 48H dans un laboratoire ou au CHU, ni même pour un rendez-vous de prélèvement.
Sachant que les test en drive, à Caen par exemple, est désormais limités à 100 doses par jour pour maîtriser l'engorgement en aval : les chances pour Kévin se réduisent encore un peu plus et toujours aucune perspective rassurante.
"D'ici mi-octobre, je peine à croire que ça va aller en s'améliorant. Les chiffres augmentent chaque semaine et la grippe va bien se rajouter là-dessus."
Corsaire confirme également que leur situation est encore plus compliquée avec ce voyage en "tout compris" vendu par un voyagiste : il sera impossible pour Kévin s'il est bloqué à attendre son mail du laboratoire, d'embarquer dans un prochain vol, sans frais. Cette formule, là aussi, n'est proposée qu'aux achats en direct.
Cette situation ubuesque vécue par des milliers de voyageurs qui veulent rejoindre les Antille ou la Réunion s'est donc aggravée ces derniers jours avec le délai des 72 H devenu un mythe.En résumé, si on lâche tout maintenant, on perd 1600 euros et si on prend le risque d'essayer et que nous n'avons finalement pas la preuve d'un test négatif en notre possession au comptoir de l'aéroport, on perd tout : soit 3200 euros ! Entre me couper une jambe ou un bras, je ne sais plus!
D'autres destinations ( notamment en Afrique) sont concernées.
Des élus des Dom-Tom s'en sont émus à l'Assemblée nationale pour que la réglementation évolue, que les délais s'allongent. Même si au niveau médical, on se doute qu'ils perdront alors tout leur sens.
L'incohérence commence à énerver beaucoup de monde, certains se rappellent de l'affaire des masques et des dossiers sensibles du printemps, en pleine crise sanitaire.
Le stress monte partout chez les voyageurs...et voyagistes
Moi je dois partir en février aux Antilles, j'ai engagé de l'argent dans ce voyage et quand je vois la situation aujourd'hui, je ne suis pas tranquille. Dois-je annuler? Vais-je perdre de l'argent ? La semaine dernière, une personne qui travaille dans un laboratoire de Caen me racontait que des clients ont perdu 15000 euros, comme ça. D'autres pètent les plombs dans les files d'attente dans une crise de panique.
Les agences de voyage sont en première ligne. Un réseau d'agences français a lancé une pétition en ligne pour faire évoluer la réglementation : "PCR moins de 72 h : le nouveau crash test des voyages ?"
Tout ça va nous plonger encore plus dans la crise. C'est franchement dissuasif pour tous ceux qui veulent voyager. Je suis ouverte deux heures par jour et ne gère plus que des annulations. J'ai vendu 2 voyages pour Noël, une catastrophe. On ne voit plus personne sauf pour des problèmes de remboursement. C'est un manque de cohésion total ce délai de 72H qui ne correspond à rien de réel sur le terrain. Du coup, les gens s'imagine qu'on se fait du beurre en gardant leur argent mais c'est dingue ! Notre secteur ne se remettra jamais du Covid si on ne nous facilite pas un peu les choses.
Acheter son billet en direct c'est différent ?
Même si les agences de voyage s'en défendent en mettant en avant les conditions générales de vente et la responsabilité de l'acheteur, il y a tout de même une différence entre acheter une formule tout compris où on ne maîtrise pas les négociations entre la compagnie aérienne, l'hôtel et les loueurs de voiture.
Les compagnies aériennes sont très conciliantes sur les reports quand le billet a été acheté en direct sur leur site ou à leur comptoir.
" Nous reportons jusqu'en décémbre 2021 les voyages de cet automne mais si le billet a été acheté en direct", affirme Corsair. Des accords sont passés avec certains voyagistes, également. Mais comment le client peut avoir cette information ?
Du côté de Carrefour Voyages, notre demande d'information sur les possibilités de report sans frais de tels voyages sont encore à l'étude.
Mais, la solution doit-elle venir des voyagistes ? Beaucoup se retournent vers le gouvernement et pointent un cafouillage administratif qui rouvre les cicatrices de débats douloureux, notamment sur le port du masque.