L'association Manche Nature demandait au tribunal de Coutances de faire payer François Cerbonney. L'éleveur refuse de démolir sa bergerie qui a été jugée illégale. Cette fois, la justice s'est montrée plutôt clémente, mais cette affaire est loin d'être terminée : le conflit s'enlise depuis dix ans.
Il voyait cette date du 19 mars approcher avec un brin d'anxiété. Lors de l'audience au mois de janvier dernier, Manche Nature avait demandé au tribunal de relever le montant de l'astreinte à 150 euros par jour jusqu'à la destruction de la bergerie.
François Cerbonney aurait dû démonter son bâtiment le 23 septembre 2023 au plus tard. Passée cette date, la justice avait prévu une astreinte de 50 euros par jour pour une période de quatre mois. "Aujourd'hui, je dois donc 6 100 euros. Cela correspond à 50 euros par jour depuis quatre mois, disait-il alors. Maintenant, Manche Nature demande le relèvement de cette astreinte à 150 euros par jour, mais je ne pourrai pas assumer 4 500 euros par mois. C'est bien au-delà de ce que je gagne".
BAD : bergerie à défendre
Finalement, le juge de l'exécution s'est montré plutôt clément, considérant "l’absence d’atteinte avérée à l’environnement". L'astreinte est ramenée "à 50 euros par mois passé un délai de six mois". Autrement dit, l'éleveur de moutons de prés- salés n'aura plus rien à débourser avant le mois d'octobre 2024.
François Cerbonney savoure la bonne nouvelle avec ses amis de la BAD, la bergerie à défendre. "Je suis soulagé. Je n'ai plus cette espèce d'épée de Damocles sur la tête. Je n'aurai plus que 600 euros à payer dans un an et demi".
Manche Nature défend la loi littoral
Les représentants de Manche Nature n'ont pas pu être joints. Sur son site internet, l'association avait de nouveau justifié son action après la diffusion du documentaire La guerre de moutons sur Public Sénat. Elle estime que cette bergerie tombe sous le coup de la loi littoral. "D’ailleurs, les juges, à chaque échelon des juridictions, sont constants : la bergerie est illégale et ne peut bénéficier d’une quelconque exception."
Pourtant, l'association écologiste plaide pour que les moutons continuent de fréquenter le domaine public maritime : "Ils permettent de maintenir une biodiversité végétale en limitant la prolifération de chiendent maritime boosté par la pollution en nitrates du Couesnon liée à l’agriculture conventionnelle".
D'ailleurs, l'association assure avoir "toujours proposé que soit mis à la disposition du berger par les collectivités un bâtiment en dehors de la zone littorale et de l’espace remarquable mais suffisamment proche des herbus pour permettre la continuité de l’activité".
La saison des agneaux
Au tribunal, en janvier dernier, François Cerbonney avait toutefois rappelé que l'AOP moutons de prés-salés impose des abris situés à proximité du domaine public maritime pour les ovins, ce qui interdit un déménagement en retrait des herbus.
"Si je me bats, ça n'est pas seulement pour moi, c'est pour que l'élevage perdure dans cette petite baie où je suis le seul éleveur", dit-il aujourd'hui. François Cerbonney espère encore obtenir un permis d'aménager qui lui permettrait de régulariser sa situation.
Après avoir savouré cette décision de justice, il s'en est retourné à Genêts pour retrouver son troupeau qui compte 400 brebis. C'est la pleine saison des agnelages. On compte une dizaine de naissances par jour dans la bergerie où les jeunes agneaux peuvent rester au chaud. Dans quelques semaines, ils iront paître dans les herbus, une étendue de 400 hectares que la mer recouvre lors des grandes marées.