Depuis plus de dix ans, François Cerbonney est mis en cause par l'association Manche Nature. L'éleveur de moutons de prés-salés était encore assigné au tribunal de Coutances le mardi 23 janvier 2024. La justice l'a condamné à démolir sa bergerie. Les deux parties s'obstinent.
L'affaire tourne au supplice financier. François Cerbonney devait avoir démonté sa bergerie le 23 septembre 2023 au plus tard. Au-delà, la justice avait prévu une astreinte de 50 euros par jour pour une période de quatre mois.
150 euros par jour
L'éleveur a fait ses comptes : "Aujourd'hui, je dois 6 100 euros. Cela correspond à 50 euros par jour depuis quatre mois. Maintenant, Manche Nature demande le relèvement de cette astreinte à 150 euros par jour, mais je ne pourrai pas assumer 4 500 euros par mois. C'est bien au-delà de ce que je gagne".
Il y a belle lurette que le point de non-retour a été atteint entre l'éleveur de moutons de prés-salés et Manche Nature. Depuis plus de dix ans, l'association ferraille en justice, estimant que la bergerie de François Cerbonney contrevient aux dispositions de la loi Littoral.
Deux visions de la défense de l’environnement
Certes, il s'agit d'un bâtiment en bois non traité, en partie dissimulé par une butte afin de ne pas nuire au paysage. Le sol est en terre battue. "C'est une installation légère", plaide l'avocat de l'éleveur qui l'estime compatible avec la loi.
La justice ne l'entend pas de cette oreille : les jugements ont toujours noté que la bergerie, construite sur un site classé, n'est pas située en continuité avec une zone d’urbanisation.
Le permis de construire délivré en 2011 a donc été retoqué et depuis, les tribunaux ont toujours donné raison à l'association. La cour d'appel de Caen a ordonné le démontage du bâtiment en 2022. "La construction est toujours en place malgré cinq décisions de justice. La décision doit être exécutée", insiste Me Benoist Basson, l'avocat de Manche Nature.
Pourtant, l'AOP moutons de prés-salés impose que les abris des ovins soient situés à proximité du domaine public maritime. Aujourd'hui,François Cerbonney élève 400 brebis. Sa bergerie donne sur l'herbu de Saint-Léonard, une vaste étendue de 400 hectares que la mer recouvre lors des grandes marées. L'herbe que les agneaux y dévorent donne un petit goût iodé à la viande. Inimitable.
Je veux continuer pour tout le bien que le pastoralisme apporte à l'écosystème. Les beaux paysages qu'on a dans la baie, c'est aussi grâce à nos brebis.
François Cerbonneyéleveur à Genêts (Manche)
"Je me dois de continuer", explique François Cerbonney. S'il n'est pas d'ici là étranglé par de nouvelles astreintes financières (la juge de l'exécution se prononcera sur ce point le 19 mars), l'éleveur caresse encore l'espoir d'être régularisé : il s'est pourvu en cassation, la plus haute juridiction française. La date de l'audience n'a pas encore été fixée...
La guerre des moutons
Il faudra aussi compter sur l'intransigeance de Manche Nature qui n'a jamais caché qu'elle en faisait une affaire de principe. Si une dérogation était accordée à cette bergerie, ce serait un signal envoyé à ceux qui rêvent de voir les règles d'urbanisme s'assouplir.
L'avocat de l'association relève d'ailleurs que des élus de tous bords ont apporté leur soutien à l'éleveur. Il n'y voit pas de hasard.
"Quand on est persuadé d'avoir raison, il ne faut pas lâcher, répond François Cerbonney. Moi, je ne comprends pas pourquoi de leur côté ils n'ont pas lâché. Ils ne veulent pas voir qu'ils sont dans le faux. C'est une association qui se prétend environnementaliste, mais là, je ne vois pas en quoi ils protègent l'environnement."
La saison des agnelages a débuté. Jusqu'au printemps, des brebis vont chaque jour mettre bas, à l'abri. La bergerie est toujours debout.