Les cachots du Mont-Saint-Michel, une page sombre de son histoire

Le Mont Saint-Michel n'a pas été qu'un édifice réligieux. Il a été aussi une prison au lendemain de la révolution française. A partir de 1815, entre 600 et 750 détenus par an séjournent dans les cachots et les oubliettes de la Merveille. Une page sombre de son histoire.

Il y a eu des prisonniers dès le Moyen-âge au Mont Saint-Michel. Sous l'Ancien Régime, le roi exilait sur le Rocher des fils de bonne famille un peu trop turbulents. Mais après la Révolution, la "Merveille" devint une véritable prison, où l'on enfermait des prêtres, puis des opposants politiques avant que les geôles ne deviennent la "maison centrale" sous Napoléon. Histoire de la prison du Mont-Saint-Michel ou d'une vocation détournée et méconnue des pèlerins.

Il faut s'imaginer que c'est l'abbaye toute entière qui est transformée en prison. Il nous en reste très peu de traces dans l'église abbatiale. Mais dans les cachots, on a une trace très particulière qui est une vraie preuve de la présence de prisonniers à l'abbaye du Mont Saint-Michel. C'est une porte gravée d'un graffiti et qui garde la liste des différentes peines de ce prisonnier au fil des années d'incarcération. 

Delphine Davy, enseignante missionnée au service éducatif du Mont-Saint-Michel

En 1811, Napoléon décide de transformer le Mont-Saint-Michel en maison centrale parce que c'est une île fortifiée, dans une baie immense avec du sable mouvant. Mais le bâti n'est pas adapté aux détenus, il est adapté à une abbaye du Moyen-Âge. Ses espaces sont remaniés. On y installe par exemple des planchers dans la nef de l'église, on utilise des planchers préexistants dans le réfectoire. La superficie de vie augmente pour pouvoir accueillir un maximum de prisonniers.

Des prisonniers opposants à l'empire et au clergé 

Les premiers prisonniers sont des prêtres réfractaires qui ne signent pas la constitution civile du clergé. Viennent ensuite les détenus de droit commun lourdement condamnés, en majorité des Bretons et puis des opposants politiques, des républicains comme Armand Barbès qui est enfermé par Louis Philippe pendant près de quatre ans dans le cachot dit "de Barbès."

Nous ne sommes pas très sûrs que Barbès ait été incarcéré à cet endroit précis. Les prisonniers républicains sont enfermés dans des logis abbatiaux, dans des cellules plutôt confortables, ou mis dans les loges au dessus du cloître. Un jour, Armand Barbès revient dans sa loge et retrouve sa fenêtre occultée. Il s'énerve et crée une espèce d'émeute dans la prison. A ce moment là, l'administration pénitentiaire décide de l'enfermer pour quelques temps dans le quartier disciplinaire.

Delphine Davy, enseignante missionnée au service éducatif du Mont-Saint-Michel

Il y a des prisonniers depuis le Moyen-âge au Mont-Saint-Michel. Les abbés du Mont sont des  seigneurs qui ont le pouvoir de justice. On peut donc enfermer quelqu'un avant que le seigneur ne rende sa justice. À l’époque, la peine de prison au sens pénal n'existe pas. C'est la révolution française qui l'invente.

Le Mont est dans doute doté d'une prison depuis le 13e siècle. Au 15e siècle, Louis XI y demande expréssément la mise en place d'une cage de fer (en bois) où fut incarcéré le cardinal de la Balue accusé de trahison. Appelée "la Bastille des mers" ou encore "la légende noire", l'abbaye devient une prison d'Etat à la Révolution. Le républicain Barbès mais aussi Blanqui, le socialiste révolutionnaire, vont y séjourner plusieurs années.

Jérémie Halais, archiviste et auteur de "La prison du Mont-Saint-Michel"

La prison est mixte jusqu'en 1822. En revanche, il y a toujours de jeunes détenus (en petit nombre). Cela pose problème à l'administration qui doit les isoler des prisonniers les plus âgés pour des raisons de promiscuité.

Le cachot est un espace exiguë, rudimentaire. Les conditions de vie sont extrêmes. On peut presque les qualifier d'inhumaines car les besoins physiologiques ne sont pas respectés. Il fait humide, il fait froid. L'eau est insuffisante, l'air est vicié par la surpopulation, les prisonniers manquent de sommeil et de propreté. Ils sont lavés à l'arrivée seulement.

Le monte-charge alimente la prison

À proximité des cachots, se trouve une énorme roue en bois pour répondre à la problématique primordiale du rocher d'acheminer les charges lourdes, le matériel nécessaire à la vie quotidienne de la prison et tous les matériaux utiles à l'entreprise. Car l'abbaye est à l'époque une entreprise constituée d'ateliers de  tissage, de fabrication de chapeaux de paille, de fabrication de chaussons. Pour tous ces ateliers, on a besoin de matériaux assez lourds.

La roue est actionnée par les prisonniers eux-mêmes. Elle entraîne une corde sur la poulie, la corde étant elle-même reliée à une chaîne, elle-même attachée à un chariot qui glisse le long de la rampe et permet de remonter toutes les charges lourdes, jusqu'à une tonne à chaque fois. C'est un peu le monte-charge du Moyen Âge.   

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Cachots du Mont-Saint-Michel ©France 3 Normandie

A la fin du 19e siècle, la prison ferme. Une des raisons est que le lit de la Sélune, un des fleuves de la baie, change de position, se place devant le Mont et empêche l'acheminement des marchandises. Les locaux inadaptés aux exigences d'une prison moderne et la pression d'écrivains et d'artistes romantiques scellent la fin à la prison en octobre 1863. L'abbaye est ensuite rendue au culte, c'était il y a 160 ans !

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