Elles sont nomades, construites en bois, et surtout, elles sont toutes petites avec leurs 30 m2. Avec ces minis-maisons, le problème du loyer ou d'un prêt bancaire trop élevé disparaît. Et elles respectent l'environnement. Les premiers modèles français sont nés en Normandie, à Poilley.
Devant l’atelier de construction, perdu dans la campagne manchoise, deux petites maisons montées sur remorque sont en cours de finition. Neuf salariés s'activent dans un grand hangar d'où émanent des odeurs de sciure. Parmi les essences d'arbres de couleurs et de tailles variées, ils jouent du marteau pour terminer un bardage bois.
L’un des fondateurs de La Tiny House, se charge de la visite. Il ouvre la porte d'une maisonnette. "Vous avez l'espace salon à droite, et au fond la cusine en cours d'aménagement. " Michaël Desloges se dirige au fond de cette habitation de poche. "Ici, on trouve la douche, un lavabo et des toilettes sèches. Indispensables pour les propriétaires qui s'installent sur un terrain sans eau courante."
Chaque maisonnette est conçue sur mesure, et à la demande des clients. Avec ses 13 m2 au sol, tout rentre, y compris des rangements. Pour optimiser le volume, les espaces sont superposés et le coin couchage est en mezzanine. Certaines Tiny atteignent 40 m2 sur deux niveaux. L'habitation repose sur une remorque, l'ensemble pesant au total 3,5 tonnes. Ces mini- maisons doivent en effet pouvoir prendre la clé des champs au gré des envies de leurs propriétaires.
Les visiteurs sont toujours surpris, cela semble plus grand à l’intérieur que sur le papier, c’est lié au bois très clair que l’on met aux murs et au volume important obtenu grâce au toit. Et aucun espace n’est perdu.
Michaël est animé d’une conviction suffisamment puissante pour l’avoir incité à quitter ses anciens métiers de paysan et d’artisan boulanger en 2014. L’idée et l’envie de construire ces minuscules maisons sont nées collectivement.
C'était le jour où, en 2013, Yvan Saint Jours leur a fait partager son envie de vivre dans une maison bien plus petite que celle qu'il occupait, déjà construite en bois.
Une réponse au coût du logement dans le budget des ménages
Il leur a parlé du concept de Tiny house, des maisons "minuscules", nées Outre-Atlantique après le passage de l'ouragan Katrina, pour reloger des milliers de victimes.
Yvan Saint Jours a trouvé deux paires d'oreilles attentives, qui ont conçu entièrement sur mesure la toute première tiny house française.
Aujourd'hui encore, tout est personnalisable, des fenêtres à la robinetterie. Pour Bruno Thiery,
L’idée c’est de minimaliser l’espace de notre habitat, c’est un véritable challenge architectural. Et c’est aussi l’une des réponses au coût du logement, bien trop lourd dans le budget des gens aujourd’hui, qui s’endettent sur 20 ou 25 ans.
Mobil-home ou tiny-house?
La différence avec un mobil home? Ce n'est pas tant l'espace de vie ou le principe de mobilité que la qualité des matériaux utilisés. Dans une tiny, pas de plastique et très peu de métal. Le bois est un excellent isolant naturel.De même pour les tuyauteries, qui sont en cuivre et pas en polypropylène, ce qui permettrait un recyclage à 90% de ces maisonnettes.
D'ailleurs, Bruno Thiery pousse la démarche jusqu'à utiliser des bois non-traités, afin d'éviter tout produit chimique.
Bruno et Michaël se sont lancés en 2014 dans un tour de France des salons pour faire connaître le concept, qui a trouvé immédiatement ses adeptes.
L'idée c'est aussi de consommer moins d’espace – y compris agricole -, moins d’énergie et vivre dans une maison écologique, en lien avec le dehors, l’extérieur.Nos clients ne sont ni des gens très riches, ni des militants alternatifs. Mais ils ont tous en commun d’avoir mené une réflexion : on ne s’installe pas dans 30 m2 sans réfléchir sur ce que l’on peut faire à notre niveau pour l’environnement.
Une réponse parmi d'autres, les deux fondateurs de l'entreprise insistent : vu ses dimensions, la tiny n'est pas une solution pour tout le monde.
Les maisonnettes sur roues coûtent en moyenne 55 000 euros, elles sont bâties avec des bois locaux pour la plupart. L’épicéa et le peuplier viennent de Bretagne, le douglas de la forêt voisine de Saint-Sever dans le calvados.
Le bois de structure des maisons est importé des forêts scandinaves : « il est plus lourd, mais l’ensemble doit être extrêmement solide pour résister au déplacement routier, à 90 km/h. »
85 minis-maisons en bois construites en 5 ans
Aujourd’hui, Bruno, Michaël et leurs équipes sortent 20 Tiny houses par an. Leurs premiers clients vivent toujours dans leurs petits escpaces, mais cela peut aussi n’être qu’un passage, une expérience.La construction en bois petite ou non, en pleine expansion
Dans la région, la fabrication d'habitats en bois de manière plus générale, et de meubles en bois est un créneau en bonne forme : 20% des très petites entreprises (les TPE de moins de 10 salariés) travaillent dans ce domaine, un chiffre en progression depuis les 5 dernières années - chiffres de la Chambre régionale des métiers et de l'artisanat.Charpentiers, menuisiers peuvent s'approvisionner sur place en matières premières, d'ailleurs la récolte de bois d'oeuvre dans les forêts locales excède les besoins des scieurs normands.
A Poilley, l'entreprise vend partout en France, mais le marché reste plutôt confidentiel, même si des villages de minis maisons s’installent dans le Grand Ouest, à Saint Brieuc ou à Rezé près de Nantes.
Un collectif dénommé "collectif tiny-house" existe, il permet d'être mis en relation avec d'autres curieux ou passionnés, et sa carte interactive localise les terrains disponibles en France ou les entreprises de construction de Tiny.
Les deux normands sont convaincus que si la tiny n’est pas faite pour tout le monde, « c’est un nouveau mode de vie tourné vers l’essentiel à l’intérieur et vers la nature à l’extérieur ».