A Couville, un couple a dû reprendre lui même le chantier de sa maison laissé à l'abandon en janvier dernier. Le constructeur a mis une quinzaine de familles manchoises en difficulté. Alors qu'il était déjà interdit de gérer une entreprise.
"On s'attendait à une maison atypique, du conteneur maritime, du recyclage, c'était ce qui nous faisait rêver, une maison qui a fait le tour du monde." Hélas pour Ludovic Etasse et sa compagne, Katia Bienvenu, le chantier tient plus du naufrage que du fabuleux voyage et leur rêve reste, pour l'instant, à quai. Voilà sept mois que le couple aurait dû s'installer dans son nid douillet. Mais aujourd'hui, à Couville, il se débat pour achever ce qui a été laissé à l'abandon en janvier dernier. Sans compter les problèmes de trésorerie.
Si le constructeur leur a inspiré confiance à la signature du contrat en décembre 2017, le couple a commencé à douter quand les retards sur le chantier se sont accumulés. "On s'apercevait que certaines finitions n'étaient pas forcément dignes de professionnels", raconte Ludovic Etasse, "On a commencé à faire des recherches sur internet. Et fin 2018, on a découvert qu'il y avait de gros soucis de gestion et de livraison de chantier de la part de cette entreprise." Ludovic Etasse et Katia Bienvenu ne sont pas seuls dans cette galère. Dans le département de la Manche, une quinzaine de familles seraient victimes de cette société.
Un récidiviste
Mais elles n'ont plus personne vers qui se retourner. L'entreprise, basée à Montmartin-sur-Mer, a été mise en liquidation judiciaire le 6 mars dernier. Et c'est loin d'être une première pour son gérant. "Il y a sans doute eu un manque de communication du tribunal de commerce qui a interdit cette personne de gestion pendant 15 ans", déplore Ludovic Etasse, "or, le contrat de notre maison, nous l'avons signé trois semaines après cette interdiction." Une interdiction prononcée après la liquidation d'une autre société spécialisée elle dans les constructions en bois, un secteur où d'autres familles de la Manche ont subi récemment des préjudices similaires.Du côté de la fédération du bâtiment et des travaux publics dans la Manche, on appelle les particuliers à la prudence. "On ne roule pas en voiture sans assurance." Selon son secrétaire général, Jean-Louis Choquenet, le contrat de construction de maison individuelle, défini par la loi depuis 1990, prévoit "plusieurs garanties juridiques" aux futurs propriétaires et permet d'éviter ce genre de déconvenues. "Si ils ont un doute sur le contrat, ils peuvent toujours demander à la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes de valider ce contrat."
Au départ, Ludovic Etasse et Katia Bienvenu ont chiffré la perte financière à 45 000 euros (sur les 130 000 euros versés au constructeur), soit le montant des matériaux et prestations qui n'avaient pas été livrées. Mais cette "facture" s'est au fil des mauvaises découvertes sur le chantier. "Les membranes d'étanchéité ont été mal posées et ont endommagé les isolations intérieures ainsi que les les plaques de plâtre. Et, en démontant les plafonds, on s'est rendu compte que l'électricité n'était pas du tout aux normes puisqu'on a retrouvé des jonctions de fils dans la laine de verre sans aucun boitier de protection."