A Biville dans la Hague, comme à Fermanville dans le Val de Saire, le graffeur Blesea rhabille des vestiges de la seconde guerre mondiale aux couleurs de le pop culture.
En décembre dernier, un gorille géant a pris ses quartiers face à la mer à Fermanville. Les fans du manga Dragon Ball d'Akiara Toriyama, inspiré du classique de la littérature chinoise "La périrgination vers l'ouest", auront reconnu la transformation de Son Goku, le héros de cette saga, et de ses congénères, les Sayens (ou guerriers de l'espace). Tout un univers fort éloigné des événements qui se déroulèrent sur les plages normandes un demi-siècle plus tôt. Et pourtant, en y regardant de plus près, c'est un vestige de la seconde guerre mondiale qui constitue l'armature du singe de fiction.
"Dragon Ball est mon manga préféré, ça m'arrive assez fréquemment de l'utiliser dans mes peintures", reconnait le graffeur Blesea, "De manière générale, la culture populaire est quelque chose qui a bercé ma vie, mon enfance, et donc qui a une influence sur ce que je fais dans mes peintures." Comme les comics, autre grand courant du 9e art. A Fermanville, dans le Val-de-Saire, l'artiste a transformé un autre blockhaus en Cyclope, l'un des membres des X-Men, le groupe de mutants imaginés par Stan Lee et Jack Kirby.
"Dans un premier temps, l'idée me vient quand je vois la forme du support. Une forme m'éveille un personnage. Après, je fais des esquisses chez moi pour voir comment ça peut se mettre en place en pratique", raconte Blesea, "Mais ça m'arrive aussi de peindre dans des usines désaffectées où là je travaille plutôt la mise en scène ou la contextualisation des personnages par rapport au décor. Je remets les personnages que je traite dans leur espace naturel. Des fois j'ai une idée de mise en scène et je vais trouver un lieu qui s'y prête et des fois je vais trouver un lieu qui me fait penser à une forme et je vais l'exploiter."
L'art du graffiti à l'image de la vie
Balayées par les vents et les pluies du Cotentin, Blesea sait que ses oeuvres sont éphémères. Qu'importe. "Au moment où je fais ma peinture, j'assouvis une envie. Après, la peinture ne m'appartient plus. Les blockaus sont très utilisés par les artistes de la région. Demain, quelque'un peut très bien venir peindre sur une autre partie du bâtiment. Ca fait partie de l'art du graffiti, à l'image de la vie qui est toujours en mouvement. Il n'y a rien de figé, ça évolue, c'est comme ça. Il n'y a aucune frustration."
Mémoire de l'éphémère
Si Blesea laisse depuis près de 20 ans ses oeuvres au monde, la nature, le public, il n'en conserve pas moins des souvenirs en photo ou en vidéo, notamment sous l'objectif du réalisateur Olivier Le Saux qui filme ses performances. "Le graffiti, c'est quelque chose que j'ai toujours apprécie, sans pour autant en faire", explique le vidéaste, "Ce que j'apprécie c'est de suivre des graffeurs dans un certain contexte. Souvent c'est dans des usines désaffectées ou des vieilles maisons abandonnées, ce sont toujours des lieux très différents et quand on fait de l'image, c'est plutôt enrichissant."
Avec Mogab Production, Olivier Le Saux documente la vitalité de la scène graffiti Cherbourgeoise à travers une série "Cherbourg fait le mur". Et perpétue, en quelque sorte, la mémoire ces eouvres éphémères, même s'il s'en défend. Lui voit plutôt une manière de redonner une seconde vie, grâce aux artistes, à des lieux laissés à l'abandon et parfois condamnés à l'oubli. Le réalisateur travaille actuellement sur une série de portraits d'artistes du Cotentin où le graffiti aura toute sa place.