La France doit se lancer sans hésiter dans l'éolien en mer, et vite, car elle est en retard face à cette "révolution pour la transition écologique à l'échelle planétaire" selon les dires de la ministre de la Mer Annick Girardin. En Normandie, le mouvement est déjà lancé.
En Normandie, trois projets de parcs éoliens au large des côtes normandes sont en cours : à Fécamp, Courseulles-sur-Mer et Dieppe le Tréport.
La création de ces trois parcs, chacun d’une puissance de 450 à 500 mégawatts, est déjà actée en Seine-Maritime et dans le Calvados, à Dieppe, le Tréport et Courseulles-sur-Mer. Au total sept champs éoliens devraient être construits dans les années à venir dans la Manche et sur la côte Atlantique. En Normandie, ils seront mis en service au plus tard en 2024. Un quatrième est encore à l'étude et devrait être examiné par le gouvernement en janvier 2021.
Mais il n'existe aucune éolienne en mer en Normandie pour le moment. Le seul projet concret à avoir abouti dans ce secteur, c'est l'usine de pales à Cherbourg.
Les industriels de l'éolien, implantés en Normandie
En 2011, quand l'état a lancé son grand plan de construction d'éoliennes en mer, l'objectif était de maintenir les emplois en France. Les collectivités locales ont donc tout fait pour permettre aux industries de s'implanter. Au port de Cherbourg l'entreprise LM Wind fabrique des pales destinées à l'international. La base industrielle de l'éolien en mer est bien présente en Normandie.Parmi les projets soutenus par les collectivités, un autre est en train de voir le jour au Havre, l'usine est en construction, pour l'instant au stade des fondations. Elle sera encore plus grande que celle de Cherbourg et elle construira des pales et des nacelles, c'est à dire des génératrices. C'est Siemens Gamesa qui va produire ces futures éoliennes qui seront installées notamment au large de Fecamp.
La Normandie est à la pointe en terme d'industrie. La France également puisqu'elle représente un tiers des sites industriels éoliens en Europe. Et pourtant, paradoxalement, aucune éolienne n'est implantée pour l'instant sur nos côtes.
La France, ralentie par son principe de précaution ?
"Les projets avancent bien et il est temps" nous expliquait vendredi 27 novembre, Hubert Dejean de la Bâtie, Conseiller régional de Normandie, Vice président en charge de l'environnement.Je cite souvent l'exemple de nos amis anglais qui sont juste en face de nous, ils ont décidé il y a cinq ans de lancer des parcs sur la côte sud du Royaume-Uni, eh bien les parcs fonctionnent actuellement. Nous nous en avons parlé il y a 12 ans et nous n'avons pas encore notre premier parc, mais là, franchement, nous sommes très bien partis.
Pourquoi cela prend-il tant de temps ? "D'abord parce qu'en France nous avons un principe de précaution érigé par le président Jacques Chirac qui rend tout le monde très prudent" explique Hubert Dejean de la Bâtie "et parce qu'on a des circuits administratifs qui peuvent être très long et peut-être parce qu'on n'y a pas cru suffisamment fortement".
Le conseiller régional précise que "nous sommes devenue la première région française pour l'éolien offshore et nous pouvons nous en réjouir grâce à un consensus des élus de la région".
La France doit se lancer sans hésiter dans l'éolien en mer, et vite, car elle est en retard face à cette "révolution pour la transition écologique à l'échelle planétaire": c'est le message de la ministre de la Mer Annick Girardin dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche.
"Pourquoi la France se tiendrait-elle à l'écart d'une telle révolution ?"
"Pourquoi la France se tiendrait-elle à l'écart d'une telle révolution ? Conservatisme, frilosité par rapport aux évolutions technologiques ? Préférence pour d'autres énergies ? Crainte de froisser les usagers traditionnels de la mer ? Concurrence avec la pêche ? Peur de dénaturer les paysages maritimes ? Mise en danger des trésors de biodiversité marine ? Coût faramineux ?", interroge Annick Girardin. Ces arguments sont parfois justifiés, parfois discutables, dit-elle.Avec l'éolien en mer, c'est bien une révolution pour la transition écologique à l'échelle planétaire qui est en cours. La Chine l'a bien compris puisqu'elle deviendra à l'horizon 2025 le premier pays au monde par ses capacités de production d'électricité par l'éolien en mer
Fin 2019, le Royaume-Uni avait déjà posé 2.225 éoliennes en mer, l'Allemagne 1.469, le Danemark 559, contre une seule pour la France, regrette Mme Girardin, "alors que notre pays possède le plus grand gisement d'énergie éolienne en mer de l'Union
européenne".
La ministre estime que "25% de l'électricité française pourrait être produite en mer" en 2050, avec 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires en perspective pour la filière et 5.000 emplois directs et non délocalisables. Un tel objectif de 25% serait en phase avec la stratégie européenne pour les énergies marines renouvelables présentée le 19 novembre, fait-elle valoir.
La Commission européenne a ainsi dévoilé une feuille de route proposant de porter la capacité de production éolienne en mer en Europe de 12 gigawatts actuellement à 25 fois plus d'ici 2050. Pour l'atteindre, il faut "faire des choix (...) et agir dès maintenant", ajoute Mme Girardin, qui dit refuser "d'envisager des compromis concernant nos choix stratégiques".
Certes, reconnaît-elle, l'éolien en mer a "des impacts" sur "l'environnement et les ressources pêchées". "Mais nous restons exigeants, en les évitant autant que possible, en les réduisant lorsqu'ils sont inéluctables, en les compensant en dernier recours", assure-t-elle. "Nous savons qu'un projet industriel peut susciter beaucoup d'interrogations au moment de son élaboration et se révéler iconique au fil du temps. Le TGV ou le viaduc de Millau étaient loin de faire l'unanimité. Ils font aujourd'hui notre fierté. Je prends le pari que les parcs éoliens futurs connaîtront la même renommée".