En vacances dans en Normandie ? Partez en balade dans ces espaces naturels unique au monde.
Dans la Manche, la côte ouest du Cotentin compte huit havres entre Barneville-Carteret et Granville. Perçant les dunes, l’eau salée pénètre dans les terres et donne naissance à des paysages uniques. Nous avons rencontré quatre passionnés de nature qui vous donneront peut-être envie d’aller découvrir ces espaces naturels magnifiques et fragiles.
Un espace naturel hors du commun
Pour commencer notre périple à la découverte de ces bijoux de la nature, direction le havre de Saint Germain-sur-Ay où nous retrouvons Didier Lecoeur qui connaît cet espace comme sa poche. Entre les pauses pour observer les aigrettes et les hérons cendrés, il nous explique ce qu’est un havre.
Le terme de havre vient du mot “hafen” en vieux norrois, la langue des Vikings. Il désigne un abri, un endroit sûr et a donné “heaven” ou “harbor” en anglais.
Ça n’est pas un delta, ni une embouchure, ça n’est pas tout à fait un estuaire non plus. C’est une, ou plusieurs rivières, qui traversent la dune. Il y a donc deux dunes qui se font face, c’est ça qui est unique.
Didier LecoeurCentre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement du Cotentin
Dans cet espace entre terre et mer, l’eau est saumâtre : c’est un mélange d’eau salée et d’eau douce. Pour Didier, c’est un milieu très riche qui rappelle les mangroves, la végétation y est très particulière : on y trouve par exemple de l’obione ou encore de la salicorne.
Autrefois, les agriculteurs de la région venaient aussi prélever la tangue, un sédiment marin riche en carbonate de calcium qui servait à fertiliser les sols.
Un paradis pour les moutons
Plus au sud, nous retrouvons Julien Launey à Briqueville sur Mer. Ce berger est à la tête d’un troupeau de 500 bêtes : 250 brebis et 250 agneaux qu’il élève sur les prés-salés du havre de la Vanlée. Si vous décidez de venir vous promener dans le coin, il est fort probable que vous croisiez Julien et ses moutons sur la route : rien de mieux pour se mettre dans l’ambiance des vacances.
Loin du tumulte des villes, il souffle ici un vent de liberté. Ça n’est pas un hasard si l’étendue de sable derrière la dune s’appelle “la plage du bout du monde”.
Quand la mer est haute, il n’est pas rare de voir des voiliers s’aventurer dans le havre et quand l’eau se retire, elle découvre les ”herbus”. À Briqueville, ce domaine pâturable s’étend sur 300 hectares. L’herbe qui pousse ici, c’est la pulcinelle. Régulièrement recouverte par l’eau de mer, elle donne un goût bien particulier à la chair des agneaux de prés-salés.
Les élevages de moutons dans le havre de la Vanlée sont une tradition ancienne. Autrefois, les nombreux troupeaux de 10 à 50 bêtes se partageaient l’espace. Aujourd’hui, les bergers sont moins nombreux, et les troupeaux plus importants, mais pas question de dépasser certaines limites.
500 bêtes, c’est un petit troupeau aujourd’hui, mais on est limité, car sinon, on pourrait détruire la biodiversité, c’est un équilibre à trouver.
Julien LauneyÉleveur
Des paysages à couper le souffle
Pour Philippe Fauvel, le havre de la Vanlée est un peu l’extension de son jardin. Au cœur du hameau des Salines, sa maison donne directement sur les herbus. Toute l’année, quel que soit le temps, ce photographe professionnel sillonne cet espace entre plage et prairies pour y capturer des images uniques.
Ce qui fait la beauté des photos de Philippe, c’est la lumière qui met en valeur les paysages. Pour une seule image, les repérages peuvent durer des semaines, voir des mois pour saisir l’instant où les conditions seront parfaites. Pas de problème pour ce passionné, il ne se lasse pas du paysage qui est toujours différent.
Ce sont des paysages qui changent beaucoup en fonction des marées ou de la lumière. Il peut y avoir une éclaircie de quelques secondes qui tombe pile au bon endroit. Il faut être là au bon moment pour saisir l’instant.
Philippe FauvelAuteur, photographe et droniste
Pourquoi les havres tiennent-ils une place de choix dans la collection de Philippe ? Pour lui, ce patrimoine naturel mérite d’être mis en valeur, au même titre que la baie du Mont Saint Michel qui est bien plus connue. La côte des havres est unique au monde et offre des paysages uniques. Pour nous en donner un aperçu, il nous emmène sur la fameuse plage du bout du monde. D’ici, on peut admirer les deux flèches dunaires qui forment l’entrée du havre. Avec les tempêtes, les lieux sont en constante évolution. Le photographe explique que ça fait partie de la vie d’un havre. Il reprendrait d’ailleurs la forme qu’il avait 50 ans plus tôt.
Vous pourrez en savoir plus sur le travail de Philippe en consultant son site internet.
Le terrain de jeux des oiseaux
Pour finir, arrêtons-nous au havre de Geffosses où nous retrouvons Grégoire Fautrat dans la cabane d’observation des oiseaux. Ici, pas de moutons, mais beaucoup de bêtes à plumes. Cet espace protégé abrite de nombreuses espèces de canards et de limicoles, ces oiseaux à longues pattes qui vivent en bord de mer. Aux périodes les plus favorables, il a été dénombré jusqu'à 1600 oiseaux sur le site, sur une seule journée, soit trois fois plus qu’il y a cinq ans. Parmi eux, certains ne sont que de passages : partis du nord ou de l’est de l’Europe, ils s’arrêtent pour reprendre des forces avant de continuer leur vol vers la péninsule ibérique ou le Maghreb.
Si le havre de Geffosses est un sanctuaire protégé pour les oiseaux, cela ne veut pas dire qu’il est fermé au public. Un chemin pédagogique parcourt l’ensemble de la réserve pour permettre au promeneur d’observer les oiseaux et le paysage. La route touristique du Cotentin traverse, elle aussi, cet espace protégé, empêchant le va-et-vient de l’eau de mer dans le havre. La suppression de l’ouvrage est d’ailleurs en projet, ce qui changerait complètement le profil du paysage. Pour Grégoire, les espèces présentes changeront, mais la réserve conservera tout son intérêt.
Fragiles, les havres du Cotentin sont des espaces d’une richesse incroyable. S'ils sont menacés par le réchauffement climatique et l’érosion côtière, comme tout le littoral, c’est bien l’activité humaine qui exerce le plus de pression sur ces écosystèmes.
Des espaces à découvrir, mais dont il faut aussi prendre soin.
Plus d'infos sur les itinéraires de randonnée sur la côte des havres ici.