Les grandes marées ont encore avalé la dune : "La mer était affolée"

Sur la côte ouest du Cotentin, le coup de vent du 9 avril a fait souffrir le cordon dunaire. Le sable ne résiste pas aux assauts des vagues et la mer est toujours plus menaçante. L'heure est au nettoyage et aux questionnements.

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L'idée était séduisante. Au mois de janvier 2023, la municipalité de Gouville-sur-Mer (Manche) avait récupéré les sapins de Noël fraîchement jetés pour les déposer au pied des dunes. L'expérience menée l'hiver précédent semblait concluante : "C'est complètement bloqué par le sable maintenant, ça fait comme si c'était du béton là", se réjouissait alors le maire François Legras.

La méthode avait déjà fait ses preuves ailleurs : les anciens sapins de Noël constituent une armature et le sable s'accumule, ce qui accélère la reconstitution de la dune. Après l'échec relatif des géotubes, ces énormes boudins de sable qui faisaient rempart au pied des dunes et que la mer a fini par disloquer, la municipalité voulait y croire.

Ce mardi 9 avril, les espoirs ont été balayés en quelques heures. La mer a tout disloqué. Au plus fort de la marée, les sapins flottaient, bringuebalés dans une mer démontée. "Elle était affolée", raconte Cédric, un employé municipal qui s'affaire sur la plage pour remettre de l'ordre. Heureusement, les enrochements qui protègent la station ont bien tenu.

La marée n'était "que" de 113, mais le vent d'ouest soufflait fort. "Ça se voyait, la mer était poussée. Elle a tapé dans les dunes et elle est arrivée en haut près des campings", poursuit Cédric. La route est désormais recouverte de sable, jonchée de débris, de cailloux et de coquillages. Des pelleteuses sont réquisitionnées pour dégager la chaussée.

La dune a été attaquée presque partout. "Le recul est de trois à quatre mètres par endroits", souligne Louis Teyssier. Le maire de Blainville-sur-Mer est aussi en charge du littoral à Coutances mer et Bocage. "Le problème, c'est qu'il faudrait pouvoir effectuer des travaux immédiatement, recharger en sable. Or, à cette saison, nous ne pouvons plus intervenir pour des raisons environnementales, pour la protection des nids, de la faune et de la flore. Avec les tempêtes de plus en plus tardives, le cadre réglementaire n'est pas adapté".

La crainte d'une brèche

À Agon-Coutainville, c'est le secteur de la Poulette qui inquiète. Cette petite cabane posée sur la dune est une sorte de marqueur, un témoin de l'érosion. Il y a quelques décennies, la mer était encore loin.  Aujourd'hui, la Poulette est cernée. Elle semble ne plus tenir qu'à un fil : le sable s'enfuit.

Mardi soir, des enrochements ont été posés à la hâte. L'État qui d'ordinaire privilégie des méthodes douces a accordé une autorisation exceptionnelle. Si l'eau venait à créer une brèche à cet endroit, la mer pourrait prendre la digue à revers. "Cela menacerait le nord d'Agon-Coutainville", explique Louis Teyssier. Les cailloux apportent quelques gages de tranquillité.

Les prochaines grandes marées sont prévues après l'été. Les beaux jours devraient accorder un répit à ce littoral de plus en plus vulnérable. "On nous a expliqué que d'après des études scientifiques, la dune aurait disparu d'ici dix ans", explique  Ludovic Casrouges, ostréiculteur à Gouville-sur-Mer où il a toujours vécu.

Il y a encore quelque temps, la prédiction aurait laissé les gens du coin incrédules. Il faut toutefois se rendre à l'évidence : la mer a changé. "Même les grandes marées ne sont plus pareilles, observe l'ostréiculteur. La mer se retire moins loin. J'ai des moulières au large. Avant, quand on avait des gros coefficients, on allait là-bas en tracteur. Maintenant, ça n'est plus possible, c'est toujours dans l'eau". Mardi soir, Ludovic a pris le temps d'aller filmer cette mer déchaînée. C'était beau et inquiétant. 

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