Les foires millénaires de la Manche pourront-elles un jour figurer au patrimoine immatériel de l'Unesco ? L'idée refait surface à l'occasion de la dernière foire de la saison, la Saint-Martin, à Saint Hilaire du Harcouët. Cette tradition qui remonte au Moyen-Âge pourrait ainsi doubler son succès.
600 exposants, 10 km de déballage en plein centre-ville, entre 150 000 et 200 000 visiteurs attendus d’ici mardi à Saint Hilaire du Harcouët : les chiffres de la foire Saint Martin sont impressionnants.
Au total, la Manche draine un million de visiteurs par an sur ses foires. La Saint Martin clôt la saison en novembre. Avant elle, il y a la Chandeleur à Montebourg fin janvier, la Sainte Croix à Lessay (la plus importante avec 1500 exposants et 350 000 visiteurs sur 3 jours) mi-septembre, la Saint Macé à Saint James fin septembre, la Saint Denis à Brix début octobre et la Saint Luc de Gavray mi-octobre.
Et ça fait 1000 ans que ça dure, exception faite de l’année maudite de 2020 où les foires ont dû être fortement réduites ou annulées pour cause de crise sanitaire.
Les foires de la Manche au patrimoine de l’Unesco ?
En 2018, l’idée avait été lancée par le maire de Saint Hilaire du Harcouët et avait séduit d’autres élus locaux : Et si les foires de la Manche étaient inscrites au patrimoine immatériel de l’Unesco ?
Les foires aux bestiaux, les concours agricoles, des plats du terroir servis de bon matin : l’idée serait de défendre ces traditions, vieilles de mille ans.
Mille ans, vraiment ? Oui, il existe des preuves de l'existence des foires de la Manche depuis des siècles.
Une foire ne naît pas par hasard. Les villes de Saint Hilaire et de Saint James sont nées en 1017 autour de prieurés. Cet établissement monastique a une vocation économique : autour va naître un marché, des commerces, de l’artisanat, une foire. Une activité économique s’est développée dans ces deux endroits dès 1017. Les foires annuelles ont donc commencé il y a un peu plus de mille ans.
Il existe en effet deux types de patrimoines : le patrimoine matériel, auquel appartiennent les bâtiments et les objets, et le patrimoine immatériel, les fameuses traditions, des évènements mais aussi des pratiques, des connaissances, des savoirs-faires, transmis de génération en génération. Et depuis 2008, chaque année, des nouveaux entrent dans le patrimoine national, ou mondial.
En 2016, le Carnaval de Granville a ainsi été inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l’Unesco. La procédure prend du temps, et c’est à l’Etat de présenter un dossier de candidature.
Des foires qui attireraient encore davantage de monde ?
Classer la foire de la Saint Martin au patrimoine immatériel de l’Unesco, concrètement, ça servirait à quoi ?
Pour Jean-Luc Garnier, adjoint au maire de Saint Hilaire du Harcouët, en charge du tourisme de la culture et de la communication, « cette foire fonctionne toujours bien depuis le Moyen-âge, mais rien n’est jamais gagné. Les pratiques commerciales évoluent, or le point fort de la foire c’est qu’elle se déroule en plein centre-ville. Il faut préserver cette convivialité. »
C’est difficile de valoriser quelquechose d’immatériel. Le classement nous aiderait à préserver cette dimension culturelle
Mais le classement est aussi une histoire économique : certains sites classés par l'Unesco ont vu leur fréquentation touristique doubler. De quoi faire rêver les élus locaux, en faisant enfin sortir l'arrière-pays manchois de l'ombre du Mont Saint Michel.
Aucune démarche pour un classement n'a officiellement été engagée, mais Saint-Hilaire du Harcouët est bien décidée à défendre ses racines rurales.