L'usine de retraitement de la Hague est au coeur d'un court-métrage qui dépeint "une situation sociale qui dégénère" et met en lumière l'opacité qui entoure la filière, depuis le début, en remontant même aux années 50-60, la période de construction où on parlait d'une "usine de casseroles"...
La Hague, c'est le nom du court-métrage réalisé en juillet 2018 par le réalisateur Mathieu Naert et son équipe, il sera prochainement distribué dans les festivals. Mathieu Naert est un habitué de la Hague, par atavisme. Son grand-père n'est autre que le célèbre Alexandre Trauner, décorateur de cinéma oscarisé, ami de Prévert avec qui il partage le cimetière d'Omonville-la-Petite où il finit ses jours, non loin du poète.
Et c'est dans cette Hague où il a passé de nombreuses vacances dans son enfance, dans la maison de son grand-père, que Mathieu Naert a tourné son nouvel opus. Où il est question de l'"usine". Avec des gens qui sont natifs de la Hague, qui savent ce que cela signifie d'en être et d'autre, des " horzains" comme on dit dans le Cotentin de ceux qui n'en sont pas.
L'usine à casseroles, postulat de l'opacité
"La Hague, c'est le nom que l’on donne à l’usine dite de retraitement nucléaire. Et si on parle de la Hague partout dans le monde, on pense à cette usine plutôt qu'à ce pays magnifique. C’est grâce ou à cause de cette ambiguïté que j’ai nommé mon film ainsi, "
Le court-métrage raconte l’histoire de Julien , qui a perdu son emploi à l’usine Areva de la Hague ( NB: Orano aujourd'hui) . Il cherche à convaincre Louis, son beau-frère et ami (joué par Mathieu Naert lui-même), de s’associer à lui pour faire chanter les dirigeants de l’usine et ainsi retrouver son travail et sa vie. Mais des événements imprévus vont modifier ses plans.
Dans le teasing, on peut voir un homme à l'hôpital. Il a travaillé toute sa vie à l'usine, il est malade. L'est-il à cause de son activité professionnelle? On ne sait pas, tout est dans l'implicite. Il raconte qu'au début de la construction de l'usine, on a fait croire aux gens qu'il s'agissait d'une "usine de casseroles". Et bien, c'est une vérité historique ou plutôt un mensonge historique!
Une histoire vraie, comme le raconte Françoise Zonanbend dans La presqu'île au nucléaire, "cela débuta par l'irruption sur la lande d'arpenteurs silencieux et sans gêne".
" Ben ça a commencé dans les années 1954-55. On les a vus se promener dans les landages. Ils demandaient rien à personne...faisaient partir une sorte d'obus pour voir la résistance du sol, y mesurant aussi le vent (...) Quand on leur demandait ce qu'il faisaient, y répondaient n'importe quoi...tantôt c'était pour faire une usine de plastique, tantôt une usine d'engrais ou une usine de casseroles, des machines d'aluminium quoi.."
Dans le documentaire de notre confrère de France 3 Normandie Rémi Mauger, Atomes Crochus, on retrouve le témoignage d'un agriculteur haguard qui raconte lui aussi la fameuse histoire des casseroles .
" C'est anecdotique dans mon court-métrage mais c'est bien cette idée d'opacité liée à la filère nucléaire que j'ai voulu transcrire. Ce n'est pas un film anti nuc mais un polar social, avec non pas des faits forcément existants mais plausibles. Comme celui par exemple d'un camouflage d'un accident très grave qui aurait eu lieu sur le site..."
Et des "incidents", le site en a connu. En 80, une panne électrique fait éviter l'accident majeur ou encore le 6 janvier 1981, un incendie d'un silo de stockage contamine 300 travailleurs; dans un premier temps les autorités affirment que la radioactivité n'a pas franchi les grilles du site, bien qu'un panache de radioactivité ait été détecté. Cet accident alimente les inquiétudes et est l'occasion d'une guerre de communication entre services de la Cogéma et militants écologistes....
Le court-métrage décrit aussi une situation sociale ' qui dégénère " Je dépeins un âge d'or révolu". Toute ressemblance avec la réalité est évidemment purement fortuite ...
La Hague : Areva prévoit de supprimer 500 postes d'ici 5 ans
500 postes sur 3.100 seront supprimés en 5 ans. Voilà l'annonce faite par la direction lors d'un comité d'établissement hier jeudi, selon les syndicats CFDT, l'Unsa et FO. Interrogée par l'AFP, la directrice de la communication de l'usine, Catherine Argant, n'a confirmé que "le non-renouvellement d'environ 100 postes lors des départs à la retraite" en 2015, afin que le site "retrouve le chemin de la compétitivité".