Taxes, surtaxes : les résidences secondaires dans le viseur

A Barfleur, dans ce port de pêche classé parmi les plus beaux villages de France, plus de la moitié des logements sont des résidences secondaires.
Un collectif de maires du Val de Saire vient d'adresser une lettre à tous les parlementaires et aux élus des communes littorales allant du du Pays Basque à la frontière belge. Ils voudraient obtenir la possibilité de surtaxer les résidences secondaires. ©France 3 Normandie

A la pointe du Cotentin (Manche), dans le Val de Saire, plus de la moitié des logements sont des résidences secondaires. Depuis le Covid, les prix de l'immobilier s'envolent et les populations locales peinent à se loger. Aujourd'hui, ce phénomène touche tout le littoral français. Des élus voudraient pouvoir taxer ces logements qui demeurent inoccupés presque toute l'année.

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Les petites maisons de granit se tiennent serrées le long du quai pour mieux faire corps face aux éléments. Des chalutiers se balancent dans une eau émeraude, protégés par l'église Saint-Nicolas, robuste et rassurante. Au loin, le phare de Gatteville se dresse sur les rochers. Derrière, l'horizon, infini. Pas de béton. Pas de verrue. C'est une vraie carte postale.

Barfleur est classé parmi les plus beaux villages de France. Depuis quelques années, ce port de pêche situé à la pointe Nord-Est du Cotentin séduit les citadins en quête d'authentique. Ils s'y installent aux beaux jours. Quand vient l'automne, les volets se ferment. "Nous sommes habitués. En été, c'est animé. En hiver c'est plus calme. Il y a deux rythmes dans l'année", explique un Barfleurais croisé sur le quai devant des maisons qui semblent éteintes. À Barfleur, plus de la moitié des logements sont aujourd'hui des résidences secondaires. Dans la rue Saint-Nicolas, les habitants à l'année se comptent même sur les doigts de la main. Des Barfleurais l'ont ironiquement rebaptisée la "rue de Paris"...

"On n'est pas des gens fermés. Mais il faut de l'équilibre"

A quelques kilomètres, le village de Réville se tasse autour d'une belle église prudemment érigée en retrait de la côte. Des champs de légumes s'étendent tout autour. La mer est à moins d'un kilomètre. Une succession d'anses de sable blanc orientées au sud. Le secret est de moins en moins bien gardé. "D'après l'INSEE, 51% des habitations sont des résidences secondaires", explique Yves Asseline, le maire de cette commune qui compte 1021 habitants. "Cela nous prive d'une population. On a des commerces et une école qui ont besoin de vivre. Oui, il faut un pourcentage de résidences secondaires. On n'est pas des gens fermés. Mais il faut de l'équilibre".

Depuis la crise du Covid, la tendance ne fait que s'accentuer. A Saint-Vaast-la-Hougue, dans son étude notariale, Me Mélanie Compère est sans cesse sollicitée par de nouveaux prétendants, à la recherche "de la petite maison de pêcheurs en pierres" ou de la belle propriété "avec jardin". Les budgets donnent parfois le tournis. "Ce sont des clients qui paient comptant. Il y a rarement de conditions suspensives de prêt, sinon la maison pourrait leur passer sous le nez". Cette forte demande n'est pas sans conséquence : en deux ans, les prix de l'immobilier ont fait un bond de 20 %.

Dans le Val de Saire où les revenus tirés du maraîchage et de l'ostréiculture sont souvent modestes, les habitants peinent aujourd'hui à se loger. "Il y a trois ans, on n'avait pas d'apport. On nous a conseillé d'attendre avant d'acheter. Aujourd'hui, on a des économies, de meilleurs salaires, mais tout est devenu trop cher", se désole Anthony. Il est mécanicien. Sa compagne Sabrina est infirmière. Ils sont actuellement locataires. 

"Une maison qui valait 180 000 euros avant le Covid vaut au moins 250 000 euros aujourd'hui. On n'a pas le budget." 

Sabrina

Face à cette situation, les maires se sentent totalement impuissants. "On n'a aucune prise. Le scénario classique, c'est un décès, des héritiers qui vivent loin et une maison qui est vendue sans même qu'une annonce soit publiée", explique Jean-Marie Rocques, le maire de Montfarville. Sa commune compte 34% de résidence secondaires. La proportion augmente lentement et sûrement.

"Nous souhaitons taxer les résidences secondaires"

Jean-Marie Rocques a contacté ses collègues des communes voisines avec l'idée d'attirer l'attention des pouvoirs publics. Un collectif a été constitué. Les élus du Val de Saire ont écrit à tous les maires des communes du littoral, de Bayonne à Boulogne en passant par la Bretagne. Les parlementaires ont aussi été contactés. "Nous souhaitons pouvoir taxer les résidences secondaires. Or aujourd'hui, la seule solution, c'est l'augmentation de la taxe d'habitation. Mais si on l'augmente, il faut aussi relever la taxe foncière que paient tous les habitants. Cela n'aurait pas de sens. Dans ma commune, beaucoup d'habitants vivent avec des petites retraites agricoles".

Les choses bougent, un peu. Depuis 2014, les communes situées "dans une zone d'agglomération continue de plus de 50 000 habitants" où l'accès au logement est difficile, il est possible d'appliquer une surtaxe aux résidences secondaires. Lors de la récente discussion du projet de loi de finances, le député Xavier Roseren (Renaissance) a fait adopter un amendement qui supprime le seuil de 50 000 habitants. Il estime que la surtaxe pourrait ainsi être appliquée dans 4000 communes supplémentaires.

"Maintenant, il va falloir se battre pour figurer dans cette liste", observe Jean-Marie Rocques. Le maire de Montfarville s'interroge : "Qu'est-ce qu'une zone tendue ? Quels sont les critères  pour définir un accès difficile au logement ? De toute façon, la liste des communes éligibles sera arrêtée par décret. Le gouvernement garde la main".

Ce sont des gens qui viennent manger notre territoire alors que sans la période Covid, ils ne seraient jamais venus. Nous ça nous ferme des portes pour acquérir chez nous.

Anthony, habitant de Réville

"On est bien conscient que ce n'est pas une surtaxe qui va freiner la pression immobilière, explique Yves Asseline, le maire de Réville. Les gens qui achètent une résidence secondaire ne vont pas être dissuadés de le faire, mais cette surtaxe nous permettrait de faire rentrer de l'argent dans les caisses pour avoir les moyens d'agir, pour acheter des terrains et faire des programmes locatifs par exemple".

Le collectifs des maires du Val de Saire reçoit encore régulièrement des réponses au courrier envoyé cet été. "Des maires de droite et de gauche confrontés à la même difficulté", démunis face à cette loi du plus offrant qui s'applique, faute de mieux, et qui nourrit la rancœur.

Pour trouver une maison accessible, Anthony et Sabrina n'auront d'autre choix que de prospecter assez loin à l'intérieur des terres. "C'est un peu écœurant, rumine Anthony. Ce sont des gens qui viennent manger notre territoire alors que sans la période Covid, ils ne seraient jamais venus. Ça nous ferme des portes pour acquérir chez nous. C'est un peu de l'enchère. S'ils mettent un billet en plus, ils passeront avant nous. Et nous, le billet en plus, on ne peut pas le mettre"...

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