Le confinement et la solitude des seniors : "s'il m'arrive quelque chose cette nuit, qui me trouvera ? "

L'épidémie de Coronavirus ne fait qu'amplifier l'isolement de ceux qui n'ont plus de famille avec qui partager le quotidien, même à distance. À Alençon, Monique se sent abandonnée dans un appartement dont elle n'ose plus sortir : "je ne vois personne, la vie perd son sens". 

Quand elle se présente, ses premiers mots sont pour dire ce mal qui la ronge : "moi, je suis complètement toute seule". Monique est âgée de 75 ans. Des accidents de la vie l'ont esseulée : elle n'a plus les siens, elle n'a plus personne. En temps normal, des petits rituels permettent d'atténuer un peu cette sensation de solitude. Les pépins de santé l'obligent à sortir régulièrement pour honorer les rendez-vous chez le kiné. Les courses sont aussi un pretexte pour croiser des semblables. "J'en profite pour dire bonjour à la gardienne de la résidence". Sa voiture l'emmène jusqu'au supermarché. Un paquet de pâtes acheté, quelques mots échangés, et la matinée est déjà presque écoulée.
 

"Je ne suis pas sortie depuis plus de trois semaines"


Le confinement a soudainement rabougri son existence. Les journées tirent en longueur, toutes semblables aux autres. La fenêtre de son appartement donne sur un carré de verdure et sur l'immeuble d'en face. Monique n'est pourtant pas du genre à se laisser aller. La télé est un son compagnon bavard. Quand il devient ennuyeux, elle se rabat sur sa tablette où l'attendent des exercices que lui envoie un orthophoniste. Et puis il y a toujours un coin de l'appartement qui mérite un brin de ménage. Parfois, elle prend l'air. "Je marche un petit quart d'heure dans le jardin de la résidence, et je remonte".
 

Mais un autre compagnon s'est invité dans son quotidien : la peur. "À force de nous dire qu'on est des personnes à risque, des personnes vulnérables... je ne sors plus. J'ai des prises de sang à faire, je n'y vais pas. Je vis sur mes réserves. Je ne fais plus de courses. Je ne suis pas sortie depuis plus de trois semaines. J'ai peur du virus. A la télé, ils disent qu'on fait le tri des malades à l'hôpital. Ça secoue quand même. Avec mes problèmes de santé, vous croyez vraiment qu'ils vont perdre du temps avec moi ?"
 

Après quelques jours de confinement, un voisin lui a proposé d'aller au ravitaillement pour elle. "C'est un petit jeune, très gentil". Elle lui envoie une liste par texto. Une fois par semaine, il frappe au carreau de la fenêtre. Monique attrappe un sac de provisions. La conversation ne s'éternise pas. 
 

Vous vous rendez compte que ma semaine se résume à parler pendant trois minutes avec quelqu'un ?


La dernière allocution du président de la République l'a assommée. Emmanuel Macron a été clair : "les personnes les plus vulnérables" devront rester confinées après le 11 mai. "Les gens comme moi sortiront en dernier quand il y aura un vaccin, c'est ça ? Vous croyez vraiment que je vais tenir enfermée ? Le confinement, je ne le supporte plus. C'est psychologiquement trop difficile, au point que je serais capable de faire des bêtises".
 

"J'ai l'impression que la société nous abandonne"


Monique a eu une vie bien remplie. Elle a aussi dû surmonter des épreuves. "Je me suis toujours relevée toute seule. Mais avec ce confinement, ma vision des choses change. J'ai l'impression que la société nous abandonne. La vie perd son sens". Un de ses amis qui souffre aussi de la solitude lui a proposé de venir partager le confinement dans son appartement, afin qu'ils puissent mutuellement se remonter le moral. Un interlocuteur de la plateforme d'information sur le Coronavirus lui a expliqué que ce n'était pas autorisé.
 


Cette semaine, son jeune voisin lui a fait observer que sa liste de courses était succinte. "Je n'ai plus de plaisir à manger, pas d'appétit. Ces derniers jours, je n'ai avalé que des biscuits". Au moment de prendre congé, Monique nous remercie d'avoir pris le temps de l'écouter au téléphone, "même si le téléphone, ce n'est pas la vie. Quand on le raccroche, la solitude est encore là". Le soir, de sombres pensées l'étreignent : "quand je me couche, je me demande toujours si je me reveillerai. Et s'il m'arrive quelque chose cette nuit, qui me trouvera ? " En temps normal, la gardienne de la résidence passe de temps à autre, afin de s'assurer que tout va bien. Confinement oblige, cela fait un mois qu'elles ne se sont pas vues. "Ce matin, je lui ai fait coucou par SMS, pour lui dire que je suis vivante".
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