A la mosquée d'Argentan, les fidèles de la prières du soir refusent que leur religion puisse être assimilée aux tueries perpétrées vendredi soir dans Paris. Le président du conseil régional du culte musulman redoute les amalgames : "il ne faut pas nous confondre avec ces gens-là !"
C'est un cri du coeur, une colère mêlée de crainte : "le terrorisme, c'est la merde ! s'exclame Sancaktar Ulas avec un son accent turc. Il cherche ses mots, pour être certain de bien se faire comprendre. "Tous les jours, cinq fois par jour, on demande à Allah : mon Dieu, il faut arrêter les gens qui font des bêtises". Pour décrire sa conception de l'Islam, il se passe finalement de mots : les bras grands ouverts, il encourage le visiteur à entrer, à venir vers lui.
L'imam de la mosquée renchérit : "l'islam est une religion de paix. D'ailleurs, le Coran dit que tuer quelqu'un, c'est tuer l'humanité". Et Necip Gonul prend soin de réfuter tout lien avec avec les auteurs des attentats : "C'est inacceptable pour les musulmans, pour moi, pour tout le monde. Je partage la peine de la France, et je dis non au terrorisme". Mais la mise au point lui semble nécessaire : depuis les événements tragiques survenus à Paris, beaucoup redoutent d'avoir encore à se justifier, à se défendre...
"On va forcément subir les conséquences de ces actes de terrorisme, pressent Recep Ulasle président du conseil régional du culte musulman. Ces individus s'approprient l'Islam alors que c'est une religion de paix. Mais après ces attentats, nous allons subir l'islamophobie. des gens vont avoir une mauvaise image de nous. Ils vont nous regarder comme des terroristes. Ces amalgames nous font souffrir".
Le reportage de Franck Bodereau et Pauline Latrouitte :
"Les gens ne viennent pas nous voir. Ils ne savent pas qui sont les musulmans !"
La déclaration de Necip Gonul, le président du conseil régional du culte musulman :
"Je tiens à présenter mes condoléances aux familles des victimes qui ont beaucoup de chagrin à porter. Ces actes de terrorisme nous dérangent particulièrement. Nous, les jeunes de la deuxième ou troisième génération, nous vivons, ce que nous appelons un islam de France, un islam adapté, avec des coutumes de France et des coutumes de nos pays d'origine, de Turquie, d'Afrique du nord ou d'Asie. Nous n'avons pas de problème avec la république. Nous sommes intégrés. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à ces actes de terrorisme, avec des individus qui s'approprient notre religion, alors que l'islam est une religion de paix.
Après ces attentats, je redoute l'islamophobie. Des gens vont avoir une mauvaise image de nous. Ils vont nous regarder comme des terroristes. Ces amalgames nous gênent. On va assimiler les extrémistes aux fidèles qui sont ici. Je demande donc à nos concitoyens de ne pas nous mêler à ces affaires. S'il vous plaît, il ne faut pas nous confondre avec ces gens-là.
J'ai été éduqué dans une mosquée dans une mosquée tenue par des arabes. J'ai reçu leur enseignement religieux. On m'a appris qu'il ne fait pas avoir de préjugés sur les individus. Si on veut pouvoir juger quelqu'un, il faut aller à sa rencontre, apprendre à le connaître. Notre porte est toujours ouverte. On participe même aux journées du patrimoine. mais peu de gens viennent nous voir. C'est bien ça le problème : peu de gens savent qui sont les musulmans."