Le nom de Charles Bougon n'est pas très évocateur à Alençon. Aucune rue, aucun établissement ne porte son nom. Pourtant, il fut en son temps, au 19e siècle, un médecin renommé. Premier chirurgien du Roi Charles X, dernier des Bourbons, il repose au célèbre cimetière San Michele de Venise.
À Venise, le Cimetière San Michele est un lieu de mémoire, de recueillement, mais aussi, comme chaque recoin de la Sérénissime, un site touristique. Situé sur une île entière au nord-est de l'archipel vénitien, sur la route vers Murano, on y accède par ferry et vaporetto.
Sa construction est ordonnée par Napoléon Bonaparte en 1807, il est édifié trente ans plus tard. Des milliers d'habitants de la Cité des Doges y reposent. À leurs côtés, d'illustres étrangers. On y trouve des artistes comme les Russes Igor Stravinsky et Joseph Brodsky ou encore l'Américain Ezra Pound, des politiques, des universitaires, quelques sportifs, même, comme le footballeur-entraîneur franco-argentin Helenio Herrera, mais aussi des médecins.
Médecin de la famille royale
C'est à cette catégorie qu'appartient Louis Bougon, à qui une stèle rend hommage dans le cloître de l'Eglise de San Michele in Isola, le plus grand lieu de culte de l'île. Né à Alençon le 4 avril 1779, fils d'un docteur-médecin, il emprunte la voie paternelle pour exercer à son tour la médecine. Élève de la Faculté de Paris, il entame sa carrière comme chirurgien dans l'armée française, avant de revenir s'installer dans sa ville natale.
Après une dizaine d'années à s'occuper de la santé des Alençonnais, il se rapproche de la monarchie, de la famille Bourbon et du roi Louis XVIII, qu'il suit en exil à Gand (aujourd'hui en Belgique, à l'époque aux Pays-Bas) durant les Cent-Jours.
Durant cette période d'instabilité a lieu l'assassinat du Duc de Berry, fils cadet du futur roi Charles X. Bougon est présent pour assister celui qui est grièvement blessé par arme blanche (une alêne). L'entourage royal pense alors que le meurtrier a empoisonné la victime. Alors que les ventouses tardent à venir, le médecin ornais pratique la succion, à ses risques et périls. Peine perdue, le duc meurt après une longue agonie.
Pour le remercier de son dévouement, il est nommé premier chirurgien du Comte d'Artois, qui deviendra quelques années plus tard, le Roi Charles X. Il fait partie des tout premiers membres de l'Académie de Médecine, enseigne à l'hôpital de perfectionnement, ainsi qu'à la Faculté de Médecine jusqu'à la Deuxième Révolution, en 1830. Fidèle au monarque, Bougon le suit dans son exil, en Angleterre, puis en Autriche, et République tchèque. Après la mort de Charles X, il demeure en exil et finit par trouver refuge à Venise, où il repose depuis son décès le 12 mars 1851, à 71 ans.
Du mauvais côté de l'Histoire ?
Serait-ce parce qu'il a choisi le camp royaliste lors d'une période de grande instabilité du régime à la suite de deux Révolutions qu'il a été boudé par l'Histoire ? Toujours est-il qu'à ce jour, rien ne lui rend hommage dans sa ville natale, alors qu'à Venise, sa stèle occupe une place de choix au cœur de l'église qui se visite dès l'arrivée sur l'île du cimetière San Michele.
Si un jour, vous y passez, faites donc le tour du cloître, sa pierre tombale est apposée sur le mur au Sud-Est de l'édifice.