Entre appel clair à voter Emmanuel Macron pour faire barrage à l'extrême droite et volonté des élus de gauche de s'unir pour peser sur les législatives de juin, les politiques de la région réagissent au duel annoncé entre le président sortant et Marine Le Pen.
Les résultats définitifs du premier tour sont désormais connus. Au niveau national, comme en 2017, Emmanuel Macron (27,60%) et Marine Le Pen (23,41%%) s'affronteront à nouveau au second tour de la présidentielle le dimanche 24 avril 2022. Jean-Luc Mélenchon arrive troisième arrive en 3e position (21,95%). L'abstention s'élève à 25,14%.
En Normandie, le président sortant Emmanuel Macron arrive aussi en tête (29,26%), 2 points devant la candidate du Rassemblement National Marine Le Pen (27,14%) et loin devant l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon (18.82 %), qui termine 3e. La candidate PS Anne Hidalgo fait le même score qu'au niveau national, avec seulement 1,7% des voix. Découvrez tous les résultats par départements et dans votre commune.
Suite à ces résultats, les politiques de la région n'ont pas manqué de réagir au duel annoncé entre le président sortant et Marine Le Pen.
Pour Edouard Philippe, maire du Havre : "la France ne sera pas la même si elle est présidée demain par Marine le Pen ou Emmanuel Macron"
Dès hier soir sur Twitter, l'ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron publiait une vidéo dans laquelle il appelle chacun à prendre ses responsabilités pour le second tour en votant pour le président sortant.
"Les Français ont placé Emmanuel Macron au premier tour de l'élection présidentielle en tête et je m'en félicite. Je veux saluer d'abord la participation, qui est certes un peu plus faible qu'en 2017, mais qui reste significative et qui dit beaucoup de choses sur la situation politique de notre pays. Je veux ensuite, et bien entendu, saluer le bon score du Président de la République, qui le place dans les meilleures dispositions pour le second tour" déclare le maire Horizons du Havre.
Puis, il met en garde sur l'enjeu que représente à ses yeux ce second tour : " je veux alerter l'ensemble de mes concitoyens sur le choix qui s’offre à eux dans la perspective du second tour. Parce que la France ne sera pas la même si elle est présidée demain par Madame le Pen ou si elle continue à être présidée par le Président de la République".
Edouard Philippe appelle enfin clairement à glisser un bulletin pour le président sortant dans 15 jours : "si, comme moi, on est attaché à une France qui est grande lorsqu'elle tient à cette idée de liberté. Si, comme moi, on est attaché à une France qui est puissante lorsqu’elle est influente dans une Europe forte. Si on est attaché à une France prospère, c'est-à-dire où le chômage diminue, où les investissements s'accélèrent et où le plein emploi est en vue. Alors, je crois que l’on doit s’engager pour le président de la République, faire campagne activement et prendre ses responsabilités et voter le 24 avril pour Emmanuel Macron."
Hervé Morin, président Les Centristes de la Région Normandie estime que la droite traditionnelle n'est pas morte
Sur Twitter également, le président de la Région Normandie a réagi aux résultats du premier tour de l'élection présidentielle en appelant dès hier soir à voter Emmanuel Macron au second tour.
"L’élection de Marine Le Pen, c’est l’effondrement pur et simple de l’économie et c’est l’Europe qui implose. Dans un choix comme celui-ci, ma position est claire, je voterai pour Emmanuel Macron " déclare-t-il.
Mais le président de région met en garde le candidat de La République En Marche : "le Président doit avoir de l’humilité face à ces résultats où près de 6 français sur 10 ont voté pour l’extrême droite ou l’extrême gauche."
Il ne faudra pas non plus d'après lui que le président sortant se contente d'associer des partis politiques pour réaliser l'union nationale :"cela n'a pas de sens".
Sur l'analyse des résultats des Républicains : "le score de Valérie Pécresse ne correspond pas au score de notre famille politique" explique-t-il. "Considérer que cette dernière est morte est une erreur. Notre programme était sérieux et réalisable mais en politique quand les gens ne veulent plus vous écouter, vous n’êtes plus entendu."
Joël Bruneau, maire LR de Caen : "On est au bord d'un précipice démocratique"
Les deux grands partis historiques dits "de gouvernement", le PS et LR, ont été laminés par ce premier tour de la présidentielle. Et leur avenir respectif apparaît clairement compromis.
Un sujet de vive inquiétude et profond questionnement pour le maire de Caen, Joël Bruneau, soutien de Valérie Pécresse. "Le grand problème qu’on a aujourd’hui, pour un élu démocrate de la droite traditionnelle comme je le suis, c’est comment on est capable de tenir compte de ce que dit le peuple, de ce que ressent le peuple et comment on est capable de lui proposer un chemin autre que celui de l’extrémisme et du renversement de la table. C’est ça le vrai défi qui est devant nous", estime l'élu caennais, "On voit bien qu'aujourd'hui on est au bord d’un précipice démocratique. A force de ne pas régler les problèmes, finalement les problèmes s’imposent à nous."
Dans l'Orne, le député LR Jérôme Nury se dit lui aussi inquiet. "Il y a aujourd’hui une forte colère dans le pays, quand on voit les scores que font les partis extrêmes, quand vous les rassemblez. Cette colère doit être entendue, il faut qu’elle arrête d’être méprisée, il faut qu’on en tienne compte au niveau national. Et donc je suis inquiet plutôt pour la suite. On fera le point après pour savoir comment une force de droite d’alternance peut se rebâtir, avec quelle idéologie, quel programme, quelles têtes également. Mais ça passera dans un deuxième temps tout ça. Là, il faut gérer l’immédiateté, le deuxième tour dans quinze jours."
A La République En Marche, un deuxième tour "projet contre projet"
Stéphane Travert, député LREM de la troisième circonscription de la Manche et ancien ministre de l'agriculture, est de retour ce lundi matin dans son département, "le premier département normand où Emmanuel Macron arrive en tête".
Il était dimanche soir à la Porte de Versailles avec l'équipe de campagne du président sortant. "L’ambiance a évolué au fil des minutes qui passaient parce que les premiers sondages que nous avions indiquaient une forme de proximité très réelle entre les deux candidats. Ensuite, à une demi-heure de 20 heures, nous avons eu des projections qui nous étaient plus favorables. Il y avait beaucoup de ferveur dans la salle mais en même temps une forme de gravité et puis l’envie aussi de l’ensemble des personnes présentes d’affronter ce deuxième tour et d’aller sur le terrain."
Son collègue, Bertrand Sorre, député de la deuxième circonscription de la Manche, abonde : "Nous ne sommes qu’à la mi-temps d’un match. Il faut transformer l’essai le 24 avril, il faut attirer vers nous des électeurs qui, soit se sont abstenus, soit ont choisi d’autres candidats aujourd’hui éliminés. Il faut de l'humilité et l’envie bien sûr de convaincre que le projet d’Emmanuel Macron est celui qui est le meilleur pour la France."
Pour les membres de La République En Marche, ce deuxième tour est celui de l'affrontement de deux conceptions de la France. "C’est une autre campagne qui commence aujourd’hui avec ce deuxième tour, projet contre projet. Un projet porté par Emmanuel Macron autour des valeurs qui sont les nôtres : l’Europe, l’éducation, la santé, l’environnement. Et puis un projet porté par l’extrême droite qui est un projet du repli et un projet qui serait bien évidemment néfaste pour notre pays avec une proposition de sortir de l’Europe, de sortir de l’OTAN. Et comment faire confiance à une équipe, un clan qui, aujourd’hui, est le créancier de la Russie, de la Hongrie ? Nous avons quinze jours pour travailler et faire en sorte que nos compatriotes puissent demain faire le meilleur choix", martèle Stéphane Travert.
Quant à Sébastien Lecornu, ministre des Outre-Mer et président du Conseil départemental de l’Eure, il estime que "Marine Le Pen promet tout et n'importe quoi".
"Nous devons aborder ce second tour avec humilité et aller convaincre les abstentionnistes et tous ceux qui n’ont pas voté pour Emmanuel Macron au premier tour, sur la base de son projet pour La France, ambitieux et chiffré" explique l'élu eurois sur Twitter.
"Face à lui, son adversaire promet tout et n’importe quoi : jouer avec nos retraites, notre fiscalité ou les institutions européennes impactera la vie des Français. De la PAC au programme spatial, qui concernent tant d’Eurois, tous ces projets seront fragilisés avec Marine Le Pen" assure-t-il.
Au Rassemblement national, "Marine tend la main à tout le monde"
"Un immense plaisir, un immense soulagement, une explosion de joie." Philippe Chapron, responsable du Rassemblement national dans le Calvados a le sourire ce lundi matin à l’évocation de la soirée de la veille. Avant de se ressaisir : " Maintenant, tout reste à faire. Il faut aller chercher nos électeurs pour battre Emmanuel Macron".
L’heure est pourtant à l’optimisme chez les soutiens de celle qu’ils nomment par son prénom. "Un réservoir de voix, nous en avons. De toute façon, Marine l’a dit : elle est la candidate de tous les Français, elle tend la main à tout le monde, que ce soit les électeurs de droite ou de gauche, elle veut faire un rassemblement autour de sa candidature et de son programme. Pour nous, les réserves sont là."
Et ne se limitent pas, selon Philippe Charpon, aux électeurs des autres candidats d’extrême droite. "Zemmour parlait du rassemblement des droites. Pour nous, c’est le rassemblement des Français avant toute chose, nous voulons éviter toute forme de clivage."
Selon le responsable du RN dans le Calvados, le parti de Marine Le Pen peut séduire bien au-delà de son électorat traditionnel. "Pour les électeurs de gauche, il y a un volet social dans le programme de Marine qui leur plaît énormément (…) Pendant la campagne, nous sommes allés à la rencontre des citoyens et beaucoup de personnes qui votaient Mélenchon, par exemple, nous ont dit que, au cas où il y aurait un duel Macron-Marine, ils voteraient Marine. C’est le tout sauf Macron. On en est là. Et j’y crois fermement. Si je n’y crois pas cette fois, je ne sais pas quand j’y croirai", lâche Philippe Chapron dans un grand éclat de rire.
Même son de cloche pour Guillaume Pennelle, président du groupe Rassemblement National à la Région Normandie.
Invité ce lundi 11 avril du journal de 12h de France 3 Rouen, il estime que "pour la première fois, Marine le Pen a des réserves de voix. Chez les abstentionnistes, dans l'électorat d’Eric Zemmour, de Nicolas Dupont-Aignan, de Jean Lassalle et même dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon. Nous expliquerons par exemple à ceux qui s’abstiennent qu’avec le Rassemblement National c’est la mise en place de la proportionnelle et du référendum qui sont oubliés depuis trop longtemps par la classe politique".
Il en est donc convaincu : "cette fois, Marine Le Pen peut l’emporter face à Emmanuel Macron qui a abîmé la France et qui est largement contesté au sein de la population française."
L’élu d’extrême droite compte aussi faire valoir les idées de sa candidate pour convaincre : "Le programme de Marine Le Pen est solide et construit. Il est à destination d’un très grand nombre de français notamment ceux qui souffrent, qui travaillent, des jeunes et des retraités."
Nicolas Mayer-Rossignol, maire PS de Rouen : "tant qu'il y aura des injustices, il y aura des socialistes"
Pour le maire socialiste de Rouen, proche soutien d’Anne Hidalgo venue annoncer sa candidature en septembre dernier dans la ville aux 100 clochers, ce premier tour est une défaite sévère de toute la gauche.
"Beaucoup d’électeurs ont voté en ce premier tour non pas pour la France insoumise ou pour Monsieur Mélenchon, mais simplement pour essayer d'envoyer un candidat de gauche au second tour" argumente-t-il. "Il se trouve que dans les sondages, Monsieur Mélenchon apparaissait comme le premier capable de se qualifier."
Dans un avenir immédiat, NMR appelle donc les Français à barrer la route au Rassemblement national en votant Emmanuel Macron le 24 avril : "l’extrême droite peut gagner, beaucoup plus qu'en 2017 ou que dans les élections précédentes" détaille l’élu socialiste, "Ce serait un cauchemar absolu. On a vu les thèses de Madame Le Pen, de Monsieur Zemmour. Des thèses de haine, de xénophobie, de racisme. Il y a un vrai danger pour notre République et moi je fais partie de la gauche républicaine" explique le président de la Métropole Rouen Normandie.
"Mais ce n'est pas un blanc-seing pour Emmanuel Macron. Après, il y aura un troisième tour, ce sera les élections législatives, au cours desquelles nous pourrons défendre nos projets, nos valeurs. Pour moi, ce sont l'éducation, la santé, la culture, la lutte contre les inégalités, la justice climatique. Des sujets qui n’ont pas fait suffisamment l'objet de débats dans cette campagne présidentielle. Tant qu’il y aura des injustices, il y aura des socialistes, des gens qui se battent comme moi. Peu importe le nom du parti."
Sébastien Jumel : un troisième tour "pour faire rentrer la colère, la résistance, à l'Assemblée"
Pour Sébastien Jumel, l'heure est aux regrets. En janvier dernier, le député communiste de Dieppe a choisi de rallier la candidature de Jean-Luc Mélenchon. "Les 600 000 voix qui nous manquaient la dernière fois, nous les avons obtenues mais ça n’a pas suffi. Si nous avions additionné les forces de gauche, de la gauche combattive, nous aurions pu déjouer le pronostic construit patiemment par Emmanuel Macron qui ne voulait qu’un match entre l’extrême droite et l’extrême argent", dénonce le parlementaire, "J’avais des désaccords avec Jean-Luc Mélenchon mais j’ai considéré que cette élection pour éviter que nous en reprenions pour cinq ans justifiait que la gauche soit rassemblée."
La gauche doit désormais tirer une leçon de cette "erreur", estime Sébastien Jumel, et s'unir dans la perspective d'un troisième tour, les prochaines élections législatives. "Nous pouvons faire en sorte qu’Emmanuel Macron, qui va être réélu dans quinze jours, n’ait pas une majorité parlementaire, qu’il soit dans l’inconfort parlementaire, que l’assemblée soit l’occasion de faire rentrer la colère, la résistance. L’alternative à cette mauvaise politique, c’est l’enjeu qui est posé pour tous ceux qui ont le cœur à gauche aujourd’hui."
Et les raisons d'espérer existent selon lui. "Nous avons été premiers au Havre, premiers à Rouen, premiers à Evreux - lorsqu’on additionne les voix de Jean-Luc Mélenchon et celles de Fabien Roussel - à Dieppe on est devant également, ça veut dire que des graines d’espoir sont semées et il appartient à notre génération d’élus de cultiver cela, de faire prospérer ça pour démontrer qu’un autre monde est possible."
Rudy L'Orphelin, conseiller municipal écologiste de Caen : un vote Macron au deuxième tour "sans ambiguïté"
L'écologie devait être un des grands thèmes de la campagne. Yannick Jadot n'a pas atteint les 5%. "Le climat, l’écologie ne sont pas au second tour de l’élection présidentielle", déplore Rudy L'Orphelin, conseiller municipal écologiste de Caen. "Nous appelons donc les électrices et les électeurs à faire barrage à l’extrême droite en se saisissant du bulletin de vote Macron. Nous sommes des responsables politiques, nous le ferons sans ambiguïté."
Pour autant, cet appel à reconduire le président sortant n'a pas valeur de blanc-seing. "Nous tenons aussi à exprimer la nécessité pour Emmanuel Macron de tenir compte d’un certain nombre d’aspirations des électeurs et électrices de gauche et écologistes, notamment en reprenant comme il s’y était engagé les mesures de la convention citoyenne climat ou en renonçant à sa réforme des retraites qui vise à reporter l’âge légal à 65 ans." Et comme d'autres élus de gauche, d'appeler à la mobilisation pour un troisième tour. "Le climat ne peut pas attendre, l’écologie ne peut pas attendre."