Fermeture du chantier naval Manche industrie marine à Dieppe : que vont devenir les salariés ?

Le 18 octobre 2024, le chantier naval Manche industrie marine de Dieppe a été placé en liquidation judiciaire. En difficultés financières depuis des mois, le site, vétuste selon la holding Fipam qui l'exploite, avait également cessé d'être assuré. Le sort de ses 38 salariés reste incertain.

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Clap de fin pour l'entreprise dieppoise Manche industrie marine, après 35 ans passés dans la ville aux quatre ports. La décision de placement en liquidation judiciaire, prise vendredi 18 octobre 2024, à l'issue d'une audience au tribunal judiciaire, laisse 38 salariés dans une situation inquiétante.

Vient alors pour eux le moment des derniers rassemblements. Et leur émotion est encore vive alors qu'ils arpentent des ateliers désormais bien silencieux.

"Au-delà du travail, il y a le côté humain"

Laurent Sauval était chaudronnier au sein de la Mim. Il confie ressentir encore "beaucoup de colère". "On nous a promis du rêve. On nous a fait espérer. Ce n'est pas évident que ça s'arrête d'un coup... Au-delà du travail, il y a le côté humain, les collègues avec lesquels on s'entendait bien... C'est dur."

Le salarié admet néanmoins se sentir soulagé de connaître enfin l'issue de ce parcours du combattant, même si "l'inconnu fait peur". Il n'a pas encore cherché du travail ailleurs, se laissant le temps "d'encaisser le coup" : "Je prends le temps de réfléchir à ce que je vais faire, si je change de voie ou si je reste dans le même domaine."

Pour Anthony Depoilly, ex-responsable de production de la Mim, la liquidation est un "coup de grâce". Il a travaillé 35 ans sur le chantier.

"J'en ai vu passer des bonnes et des mauvaises années, mais là c'est vraiment le coup de bambou que l'on a pris. On voyait bien que l'on sombrait de plus en plus au niveau financier, même la direction ne nous disait pas la vérité."

On avait trois bateaux à finir, deux bateaux à faire entièrement. Il y avait du boulot. Ce n'est pas le boulot qui nous manque, c'est l'argent. Où est parti l'argent ? Je pense qu'il y a un magicien derrière tout ça.

Anthony Depoilly

à France 3 Normandie

Il tente désormais de rebondir et espère, comme chacun, que les locaux seront repris et que la construction navale se poursuivra sur le port de Dieppe. "Si aucun repreneur ne se manifeste, ils vont tout raser, ils feront de beaux logements et voilà... Je n'espère pas. Il faut garder l'emploi à Dieppe, il y a encore des bateaux à faire..."

Quid du président de la Fipam ?

Le groupe de Fipam avait, le 16 octobre dernier, annoncé la suspension temporaire des activités de la Mim, avançant l'insalubrité des locaux, propriété du Port de Normandie. La faute à des travaux non réalisés... Mais la holding cumulerait 647 000 euros de créances au port - des loyers impayés. "On nous a dit qu'on était un peu en dettes, mais pas d'une telle somme", réagit Anthony Depoilly.

Le président de Fipam, Jacques Failly, nie le chiffre, assurant qu'il est "bien inférieur". Et rappelle les nombreuses difficultés que connaissait la Mim depuis plusieurs mois - la faute, en partie, aux Jeux olympiques. "Tous nos travaux parisiens ont été reportés à 2025 du fait des JO. Donc au lieu de réaliser un chiffre d'affaires de l'ordre de dix millions d'euros, la Mim ne va en réaliser que la moitié, ce qui crée de graves problèmes de trésorerie."

Lorsque nous étions en audience, vendredi dernier, j'ai demandé une poursuite d'activité pour nous permettre de terminer les travaux en cours et d'avoir un peu plus de temps pour reclasser le personnel. Cela m'a été refusé en raison notamment du risque technique de nos locaux et du fait qu'ils ne soient plus assurés.

Jacques Failly

à France 3 Normandie

"Mais au-delà, poursuit-il, nous avons aussi des problèmes techniques dans nos locaux de Dieppe, qui ont amené la compagnie d'assurances à refuser l'assurance de l'entreprise, ce qui également pose des difficultés pour la sécurité du personnel."

Jacques Failly souligne que les travaux auraient dû être effectués, et confirme que les loyers impayés y sont bien liés... Mais, se défend-il, "qui de la poule et de l'œuf est arrivé en premier ? Les loyers sont-ils impayés parce que nous avons des difficultés à travailler ? Il y a deux ans, Port de Normandie nous a dit de moins utiliser les ponts roulants compte tenu des risques sur la structure. Il est évident que demander ça à un chantier naval va réduire sa production."

Le groupe Fipam assure tout mettre en œuvre pour reclasser les salariés touchés, un local serait en cours de recherche pour relancer, toujours à Dieppe, les ateliers de réparation navale.

"L'avenir de la pêche en jeu"

Des arguments qui ne convainquent pas les ex-salariés. Yannick Etienne, délégué du personnel, relève : "On en veut à la direction, elle n'a pas su faire ce qu'il fallait. Et maintenant, on sait que M. Failly est un mauvais payeur, et on porte les stigmates de sa réputation."

"Je veux rendre hommage à toute l'équipe, que ce soit les ouvriers avec leur conscience professionnelle et les encadrants qui ont porté ce chantier à bout de bras depuis des années, ajoute Yannick Etienne. Il semble que les politiques soient décidés à bouger pour remettre un chantier en place. Ce serait avec joie et on les en remercie."

Ce savoir-faire ne disparaît pas, il est en pause à cause d'une gestion qu'on peut qualifier d'erratique et respectueuse ni de ce savoir-faire, ni du territoire, ni de notre port. La suite, c'est de s'assurer que les salariés dans leur ensemble seront bien accompagnés.

Nicolas Langlois, maire (PCF) de Dieppe

à France 3 Normandie

Des politiques comme Sébastien Jumel (PCF), président de l'agglomération, ou encore Nicolas Langlois, maire (PCF) de Dieppe. Car la Ville ne compte pas en rester là. Elle souhaite mettre en avant le travail des salariés et attirer de nouvelles entreprises.

De nombreux bateaux de pêches, des barges, sont en effet sortis des ateliers de la Mim, implantée sur le port depuis 1988. Avec cette fermeture, l’économie locale perd ainsi un atout de poids. "L'important, c'est de retrouver une activité de construction navale sur le site. C'est utile pour le port de Dieppe", assure Nicolas Langlois.

"Ce travail est utile à toute la Normandie. C'est un enjeu dieppois, mais je souhaite que cet enjeu soit porté et partagé par tout le territoire normand. C'est l'avenir de la pêche et sa capacité à renouveler la flotte qui est en jeu."

Un savoir-faire "essentiel"

Nicolas Langlois assure également : "Contrairement à ce qu'a dit le président de la Fipam, tous les salariés n'ont pas été transférés sur d'autres sites pour continuer le travail." Des rendez-vous seront pris "dans les semaines qui viennent", dit-il, pour assurer un avenir au site dieppois, en lien avec l'agglomération et Port de Normandie.

"Dans le tissu économique dieppois et normand, ce savoir-faire est essentiel. On va s'appuyer sur cette richesse pour construire l'avenir du port et de la construction navale à Dieppe", conclut l'édile.

Des déclarations qui donnent un peu d'espoir aux salariés. Deux d'entre eux ont été relocalisés dans d'autres filiales de la Mim à Fécamp et à Rouen. Le sort des 36 autres est encore très flou.

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