En Seine-Maritime, la vente et la location des véhicules de loisirs connaissent un succès fou depuis deux ans, accentué par la crise sanitaire.
Du jamais vu. Habituellement, trente à quarante véhicules neufs patientent dans ce hall d’exposition de Sandouville. Aujourd’hui, seulement trois camping-cars attendent leurs nouveaux maîtres. « En quinze ans, je n’ai jamais connu ça », confie Rudy Hemery, responsable de Havre Caravano. « Il y a une pénurie qui se crée. Les chaînes de production sont au maximum de leur capacité et on a du mal à être livrés » constate-t-il. Les clients commandent déjà pour le printemps 2022…
Besoin d'évasion et de liberté
Sur une aire de camping-cars à Honfleur, de l’autre côté du Pont de Normandie, les vacanciers goûtent au plaisir de ces vacances à roulettes. Pour certains, c’est la première fois, comme ce jeune couple avec leur fils : « On avait envie d’évasion, de décrocher. Partir sans savoir où l’on va. En fonction de l’ambiance on reste un peu plus longtemps ou on va voir ailleurs… », confie Quentin. Et une certaine convivialité… sans proximité… « On se croise, on se dit bonjour, mais les véhicules faisant trois ou quatre mètres de long, on est bien espacés », conclut le jeune homme.
On peut aller où on veut, le temps qu’on veut, sans avoir besoin de réserver un hôtel… on est libres !
Quelques mètres plus loin, un couple de Suisses. Nathalie et Patrick sillonnent les routes d’Europe dans leur fourgon aménagé (compromis entre le camping-car et le van), acheté il y a une dizaine d’années. « On peut aller où on veut, le temps qu’on veut, sans avoir besoin de réserver un hôtel… on est libres », rêve Nathalie. Prendre le café en pyjama, sans se soucier du regard des autres. « C’est une autre sorte de tourisme. On s’habille comme on veut, on peut rester soi-même », observe-t-elle.
Ce succès a un revers... car l’abondance des véhicules de loisirs entraîne des restrictions. « Il y a beaucoup d’interdictions pour les fourgons. Avant, on pouvait s’installer partout. Maintenant il y a des barrières. Ça avait commencé un peu avant le Covid mais depuis la crise sanitaire c’est pire », explique son compagnon Patrick.
Le véhicule-confinement
Les véhicules de loisirs permettent le maintien de la distanciation sociale et le respect des gestes barrières. Pas de proximité dans la file d’attente d’un restaurant de bord de mer ou dans l’ascenseur d’un grand hôtel. Cette voiture-chambre-cuisine-salon - et parfois salle de bain - permet une totale autonomie. « C’est un peu comme chez nous » explique René, adepte du camping-car depuis dix ans.
Vous y mangez, vous y dormez. Vous respectez ainsi toutes les contraintes sanitaires.
« Vous habitez dans votre propre véhicule. Vous y mangez, vous y dormez. Vous respectez ainsi toutes les contraintes sanitaires », s’enorgueillit Isabelle Verleye, dirigeante de Idylcar à Gainneville. Ses ventes ont bondi en 2021, malgré trois mois de fermeture. « Une vente sur deux se fait sur un fourgon ou un van. On en a vendu 20% de plus que l’année dernière » calcule-t-elle.
La vanlife
« La France était en retard par rapport à des pays comme les Etats-Unis ou l’Allemagne où les vans aménagés sont bien développés. Les constructeurs l’ont vu venir et ont développé une offre importante », observe Frédéric Ferreira, directeur de la franchise WeVan Rouen à Boos avec sa compagne Joëlle Lebon. Responsables de deux magasins de vêtements de prêt-à-porter à Rouen pendant trente ans, le couple s’est lancé dans une nouvelle aventure il y a quelques mois. Pour son premier été, le tableau de réservations de la flotte de douze véhicules affiche presque complet. Un van aménagé en location coûte 80 à 130 euros par jour, selon la période de l’année, assurance incluse.
Les véhicules sont petits et peuvent ainsi stationner partout. Malgré leur espace restreint, ils sont complètement équipés. « C’est un véhicule avec quatre places assises carte grise. Vous avez un couchage en hauteur avec un lit qui se relève plus une banquette qui se transforme. Un réfrigérateur, des plaques de cuisson, ainsi qu’une cuve inox, une mini-penderie et à l’arrière, un peu de rangement », conclut la dirigeante d’Idylcar.
La moyenne d’âge des acheteurs pour un camping-car est de 57 ans. Pour les fourgons et vans aménagés ce sont des jeunes cadres dynamiques plutôt 35-40 ans.
La vanlife avec son retour à l’essentiel, à la nature, est très tendance auprès des jeunes et fait baisser l’âge moyen des nouveaux acquéreurs. « La moyenne d’âge des acheteurs pour un camping-car est de 57 ans. Pour les fourgons et vans aménagés ce sont des jeunes cadres dynamiques plutôt 35-40 ans », observe Isabelle Verleye.
« On est au début du phénomène », conclut Frédéric Ferreira. « Peut-être va-t-il falloir développer des structures ? », s’interroge-t-il. Le succès grandissant du van aménagé risque-t-il de mettre un coup de canif sur leur contrat de spontanéité et de liberté ? « Il faut choisir les endroits moins touristiques », suggère le directeur de WeVan Rouen, « il reste des lieux confidentiels en Bretagne ou dans la Manche par exemple. Ou alors il faut aller en montagne, en pleine nature, la France est magnifique ! »