Pierre était au Bataclan ce funeste vendredi 13 novembre 2015 avec son frère et un ami. Quatre-vingt-dix personnes sont mortes dans la salle de concert ce soir-là sous les balles des terroristes. Tous les trois en sont sortis indemnes.
"Chaque année nous nous retrouvons tous les trois le 13 novembre, ou avec nos compagnes. On est contents de maintenir ce rendez-vous, c'est une soirée différente. On se retrouve pour en parler entre nous et fêter le fait que nous soyons toujours vivants".
Pierre, son frère et leur ami sont rouennais. Ils sont pères de famille et approchent de la soixantaine, et ont en commun le goût de l'amitié, de la fête et de la musique.
Cette année, Pierre n'ira pas à Paris participer aux commémorations des attentats comme il le fait chaque 13 novembre depuis 5 ans, à cause des restrictions liées à l'épidémie de Covid.
"Je suis triste mais ça va...je pense que ça s'estompe au fur et à mesure des années".
Ca, ce sont les souvenirs entêtants de cette effroyable soirée, dont Pierre parle pourtant avec beaucoup de calme et de maîtrise.
"Je suis resté dans la salle pendant l'attaque. J'étais allongé par terre, puis caché derrière un poteau. Je les ai vus tuer des gens à bout portant, je les ai vus tirer dans la tête des gens, je les ai entendus parler. Ils nous parlaient. J'en ai entendu un dire Vous pouvez remercier François Hollande".
Quand on lui parle de traumatisme, il parle de son intériorité. Comme toutes les personnes timides ou pudiques, il n'emploie pas de superlatifs et se contente de raconter sobrement son histoire, laissant parfois à son interlocuteur le champ de l'émotion.
"Le lundi d'après, au collège où j'étais documentaliste, la principale m'a demandé de faire une heure d'explication des attentats à des élèves de 5ème. Elle ne savait pas que j'étais au Bataclan ce soir là, et j'ai parlé aux enfants sans leur dire non plus.
Et le mardi qui a suivi les attentats je suis allé voir un concert au 106 à Rouen"
"J'ai fait des cauchemars au début, j'étais plus irascible, mais ça n'a pas duré longtemps. J'ai vu un médecin qui s'intéressait à ce genre de choses, j'étais très bien entouré et n'ai jamais ressenti le besoin de me faire aider davantage. Mais à chaque fois qu'il y a des attentats, et il y en a beaucoup en ce moment, j'y pense".
Pierre s'est porté partie civile pour pouvoir participer au procès, à la différence de ses deux autres compagnons d'infortune qui ne l'ont pas souhaité.
Un procés qui ne devrait pas se tenir avant la fin de l'année 2021.