Mercredi 28 avril 2022, une conférence sur le changement climatique en Normandie a eu lieu à Rouen. Une façon de rappeler l’urgence de la question écologique. Mais à quel point est-ce urgent ? Ne nous reste-t-il que 3 ans pour agir comme on a pu le l’entendre dire après la parution du dernier rapport des experts du Giec. Eléments de réponses avec Benoît Laignel, co-président du GIEC normand.
Le 4 avril 2022, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) a publié un nouveau rapport. Les experts mondiaux du climat parlent des solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Immédiatement, certains médias s’en emparent où l'on peut lire ce genre de titres. "Il nous reste 3 ans. 3 ans pour éviter la catastrophe, 3 ans pour éviter le pire, 3 ans pour garder une planète vivable."
Mais mercredi 27 avril 2022, une tribune publiée dans le quotidien Le Monde vient nuancer tout cela. Avons-nous, « trois ans seulement pour garantir un monde vivable », comme on a pu l’entendre dans les médias ? Non, dit cette tribune. Cette affirmation en forme de compte à rebours ne figure pas dans le rapport.
Parmi les signataires de cette tribune, Franck Lecoq et Yamina Saeb, qui figurent parmi les auteurs du rapport du Giec. Selon eux, ces articles de presse obscurcissent le message à faire passer. Un autre membre du GIEC, Benoit Laignel, nous explique quel est ce message.
Interview Benoit Laignel, co-président du GIEC normand
- Le changement climatique en Normandie est déjà une réalité, pourquoi ?
On le voit déjà quand on regarde l'ensemble des stations météos de la région. On a vraiment des élévations de températures depuis les années 70 (+1° à +2°C). Il y a une augmentation du nombre de jours de chaleur, une diminution de nombre de jours de gel, de neige, de brouillard... et puis déjà des conséquences sur la biodiversité et sur la santé.
- A quel climat s'attendre en Normandie d'ici 2100 ?
Lorsqu'on se projette vers l'avenir, vers 2050-2100, on voit que les températures vont continuer à augmenter (+1° à +4°C selon les scénarios). On va aller de plus en plus vers des évènements extrêmes, c'est-à-dire des canicules et des sècheresses, une augmentation des précipitations intenses, avec des crues et des inondations, de même que le niveau de la mer qui pourrait s'élever entre 40 cm et 1,10 m, selon les prévisions du GIEC. Mais au vu des émissions de gaz à effet de serre on est plutôt sur 60 cm à 1m10. Si la machine s'emballe, on pourrait même aller jusqu'à 1m80 d'élévation du niveau des mers...
- Est-il trop tard pour agir ?
Mieux vaut tard que jamais. Ce n'est pas trop tard pour agir mais il nous reste peu de temps. Les deux maîtres-mots sont l'atténuation et l'adaptation. L'atténuation c'est diminuer les émissions de gaz à effet de serre pour diminuer les effets du changement climatique, pour justement s'adapter au mieux.
Depuis 5 ans, il y a une prise de conscience importante. Nous avons 10 ans pour se structurer et agir afin de prendre des mesures pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre et s'adapter au changement climatique. Le message c’est de dire que si on veut être sous les 1,5 degrés, il faut qu’avant 2025 on diminue, et qu’on ait atteint ce pic.
Agir aujourd'hui
C’est n'est donc pas trop tard, mais c’est maintenant qu’il faut agir. Sur le site du GIEC normand, les experts nous font part de leur analyse du changement climatique dans notre région.
Ses effets aujourd’hui, avec par exemple l’augmentation de la concentration de particules polluantes ou l’augmentation de la température de la Manche, l’impact sur la l’homme, sur la biodiversité.
Le message du GIEC, ce n’est pas qu’il ne nous reste que 3 ans pour agir, c’est qu’il faut agir aujourd’hui. Dans son rapport, il demande d’importantes mesures de transitions, il demande l’adoption de mesures financières et de politiques plus fermes. Selon ces experts, tout dépendra des signaux envoyés par les gouvernements. Mais les voit-on ces signaux, et notamment en France ?
Selon des activistes, selon des associations, selon des experts comme Benoit Laignel, la crise écologique a été oubliée pendant la campagne présidentielle. Mais deux nouveaux temps politiques approchent. Les législatives seront l’occasion d’en parler, et avant cela, il y aura constitution d’un nouveau gouvernement. Mercredi 27 avril 2022, lors d’un déplacement, Emmanuel Macron, a annoncé qu’il nommerait un premier ministre attaché à la question environnementale.