Incendie mortel du "Cuba Libre" : le jugement rendu à Rouen ce mardi 22 octobre

Les juges du tribunal correctionnel de Rouen prononceront le délibéré à 14h30. Le procureur de la République a requis en septembre des peines de 4 ans de prison ferme pour le propriétaire et le gérant du bar dont l'incendie a causé la mort de 14 personnes en août 2016.

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Ce sont les 3 juges du tribunal correctionnel qui vont déterminer la peine pour « blessures et homicides involontaires avec violation manifeste d'une obligation de prudence ou de sécurité". Dans le code pénal, la peine maximale est de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.

Si des peines supérieures à 2 ans sont prononcées, ce sera  de la prison ferme. Il pourrait y avoir un mandat de dépôt à l’audience. Les prévenus étaient sous contrôle judiciaire, ils n’ont pas fait de détention provisoire. Ils sont âgés de 40 et 48 ans.

Six journées de procès très éprouvantes sur l'engrenage des fautes qui ont dévasté la vie de 14 familles


►lundi 16 septembre, s'étaient déroulées les dernières plaidoiries des parties civiles et celle d’AXA, l’assurance du bar..

Comme le gérant n'avait pas déclaré qu'il accueillait des clients dans le sous-sol à son assurance, la compagnie aurait pu refuser de payer les nombreux préjudices. Mais un accord cadre a été signé. AXA s'est engagée à payer les dommages et intérêts qui seront reconnus par le juge aux familles des victimes et aux blessés. Elle avait déjà pris en charge les frais d'obsèques.

Les familles des 14 victimes décédées et les blessés demandent la reconnaissance de préjudices : affection, angoisse de mort imminente, attente et pour un père qui a perdu sa fille unique : le deuil pathologique.

Le procureur dit que la qualification d'infraction non intentionnelle suscite l'incompréhension des victimes. Les conséquences sont sans rapport avec tous les manquements. Nacer B n'a jamais cessé de gérer et cogérer le bar Cuba Libre y compris après la location gérance à son frère" dit le Procureur de la République.

Tous deux sont à la tête de l'établissement" en fait "Les travaux ont permis de faire monter le chiffre d'affaire de 20 à 30%" dit le Procureur de la République de Rouen.

Pour le Procureur, le gérant et le propriétaire du Cuba Libre n'ont cessé de dissimuler la boîte de nuit au sous-sol quand des visites étaient prévues pour le diagnostic acoustique et amiante, le contrat de location gérance, auprès de leur comptable. 

Amirouche B et Nacer B gardent le regard baissé à ce moment des réquisitions du Procureur de la République de Rouen. 

"Il ne faut pas que l'on nous parle de phobie administrative" dit le Procureur. "Les prévenus ont été capables de saisir la préfecture pour tenter d'élargir leurs horaires d'ouverture, pour faire les travaux de façade sur la rue"


La porte de secours débouchait dans un dédale de caves, la barre pour l'ouvrir était montée à l'envers. Les plaques de mousse acoustique étaient inflammables et proscrites dans un établissement recevant du public. 9e manquement à la sécurité dans le sous-sol du bar Cuba Libre, aucun système d'alarme qui retentit et permet de couper la musique, remettre un éclairage normal.
Pour le Procureur de la République, il ressort du procès que l'issue de secours était verrouillée par principe, déverrouillée par exception au Cuba Libre.

Le Procureur de la République de Rouen requiert pour le propriétaire du bar Nacer B #CubaLibre quatre ans de prison avec interdiction définitive de gérer des établissements et pour le gérant Amirouche B quatre ans également sans aménagement de peine.
A l'issue des réquisitions du Procureur, la famille de Florian, l'une des 14 victimes a réagi à notre micro:

Je pense qu'ils méritaient 5 ans (ndlr : la peine maximale encourue). De toute façon, 5 ans, 10 ans ou 15 ans, nous savons que notre enfant ne reviendra pas. [...] J'attends encore qu'il pousse la porte de la maison. Sa chambre restera définitivement vide. [...] Les avocats d'Amirouche B. ont dit que son fils se sentait mal qu'il fasse de la prison. Nous, nous n'avons plus de famille. Tout a été anéanti.


Et d'ajouter :

"4 ans de prison pour 14 décès. Cela fait 3 mois par enfant mort. C'est un peu léger à notre sens."

 

Voyez le compte-rendu d'audience signé Frédéric Nicolas et Jérôme Bègue. (Montage : Pierre Léonard)
 

"Ils n'ont pas contourné les lois de manière consciente", plaide l'avocat du gérant

Les avocats de la Défense ont plaidé les derniers. Pour Me Ait Taleb, avocat de Nacer B.,  dans ce drame, "d'autres que les deux prévenus n'ont pas été exempts de responsabilités dans cette histoire"

Il cite la mairie de Rouen, car plaide t-il, le maire a un pouvoir de police. " on est en droit de se demander ce qui a empêché la mairie de s'intéresser au Cuba Libre"

 Pour la peine, il demande aux juges de prendre en compte le casier vierge de son client, le "caractère non intentionnel de l'incendie". Il ajoute que Nacer B a dit qu'il se soumettrait à la peine des juges et ne formerait aucun recours.


Maître Antoine Vey, avocat d'Amirouche B, gérant du Cuba Libre, explique "C'est difficile, on résume toute leur vie à cet incendie, tout est soumis à relecture"
Pour la sécurité, " ils ont essayé de faire des choses" "ils n'ont pas contourné les lois de manière consciente"

Il estime que l'enquête pour travail dissimulé dans le bar en 2014 aurait pu faire changer le cours des choses. Dans un procès verbal à la police, ils avaient reconnu utiliser le sous-sol.

Pour la peine, il demande que le caractère non intentionnel soit pris en compte. Il conclut " les prévenus savent que de là où ils sont les morts les regardent"

 
Les dernières paroles des prévenus

La présidente du tribunal a donné la parole aux deux frères vêtus de noir.  Nacer B " j'ai essayé d'apporter toutes les réponses. Je pense tout le temps aux victimes"
Amirouche B n'a lui rien dit.

Le jugement sera mis en délibéré au 22 octobre à 14h30.
 
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