Lubrizol : deux ministres à l'Assemblée pour les dernières auditions

La Mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’incendie de Lubrizol a clôturé ses auditions ce mercredi 15 janvier. Agnès Buzyn et Élisabeth Borne étaient les dernières personnes à y être entendues. Leur audition va permettre aux parlementaires de boucler leur rapport.

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Les Rouennais se souviennent bien des déclarations de la ministre des solidarités et de la santé lors de sa venue sur le site de la catastrophe au lendemain de l'incendie de Lubrizol. 
A l'époque, Agnès Buzyn avait déclaré : « La ville est clairement polluée! »

Damien Adam, député LREM de Rouen le lui a donc logiquement rappelé lors de cette dernière audition, ce mercredi 15 janvier 2020, devant la Mission d'information de l'Assemblée Nationale.

 « Quels éléments vous ont permis d’indiquer cela ? Quand vous êtes revenus le 11 octobre, vous vous êtes montrée rassurante sur l’impact sanitaire en vous appuyant sur le petit nombre de consultations aux urgences. À partir de ce moment, considériez-vous que la situation était sous contrôle du point de vue sanitaire ? », a questionné Damien Adam, le rapporteur de cette mission. 
 

Mais pour Agnès Buzyn, tout est question d'appréciation : « J’ai senti l’odeur, j’ai vu des impacts de fumées, et donc cette pollution pour moi était du ressenti et du visuel, cela ne veut pas dire la gravité ou la toxicité de cette pollution ». 

Une enquête épidémiologique oui mais pas avant ... mai prochain

La ministre a aussi rappelé que 259 passages avaient été enregistrés aux services d’urgence, « surtout dans les premiers jours. Et principalement pour des pathologies asthmatiformes ou pour des motifs liés à des nausées, des vomissements ou des céphalées. Dix personnes ont été hospitalisées et sont sorties après un court séjour. Aucun cas grave n’a été rapporté pendant la phase aiguë ».

L’impact sanitaire est donc « réel, mais modéré ».

Selon la ministre, Santé Publique France va mener « une étude de santé déclarée en population », à l’écoute de la population exposée à la fumée et aux suies.
Les résultats pourront « orienter vers des actions d’information et de prise en charge adaptées aux besoins de la population ».

Par ailleurs, un suivi dans le temps des indicateurs de santé comme les pathologies pulmonaires, cardiovasculaires, les cancers et troubles psychologiques sera conduite dès juin 2020. 

« Il permettra d’informer la population et les praticiens quant aux potentielles conséquences de l’incendie et d’élaborer des préconisations en termes de suivi et de prises en charge des malades », indique Agnès Buzyn. Un suivi des travailleurs de l’entreprise et ceux intervenus sur le site pour éteindre l’incendie est aussi prévu.

Quant à l’enquête épidémiologique, qui devait débuter en mars, elle ne sera finalement pas lancée avant mai prochain car il faut attendre tous les résultats de l’enquête environnementale.

 « Tant qu’on ne sait pas quelles substances liées à un effet cocktail on pourrait éventuellement trouver, il est très difficile de proposer une surveillance ciblée », assure la ministre de la Santé.
 

Le rapport environnemental devait à l'origine être dévoilé hier, mais les entreprises Lubrizol et Normandie logistique, à qui il a été prescrit de faire réaliser des prélèvements, ont signalé « une saturation des laboratoires d’analyses ; ce qui crée un peu de retard », a précisé de son côté Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, auditionnée hier à la suite d’Agnès Buzyn.
Cette dernière a aussi évoqué l’information aux professionnels de santé et a noté que des améliorations doivent être effectuées.

Elisabeth Borne a été interrogée sur la simplification permise par une loi de 2018 pour modifier un établissement sans passer par une autorité environnementale indépendante et une étude d’impact systématique.

Dans ce cadre, le préfet avait autorisé Lubrizol à augmenter la capacité de stockage des produits dangereux sur son site.

 « Avant mai 2016 les modifications faisaient l’objet d’une décision du préfet pour savoir s’il fallait réaliser une procédure complète ou un simple arrêté complémentaires. Les textes de 2016 ont introduit des complexités sur lesquelles on est revenu [en 2018, NDLR]. À chaque fois, il ne s’agit en aucun cas de moins bien prendre des risques, mais de savoir si on doit refaire des études de danger systématique, surtout s’il y a une faible évolution au regard des risques pour l’installation », a expliqué Elisabeth Borne.

Des pistes d'amélioration sur l'information aux populations 

En cause également lors de cette audition, l'information à la population, reconnue désormais comme insuffisante :

« La communication immédiatement après l’accident, ça mérite qu’on y réfléchisse. On a eu une série de messages qui ont pu paraître dissonants. Notamment sur la qualité de l’air alors qu’il y avait une odeur pénible et des habitants qui avaient des maux de tête, des nausées... Ça crée une suspicion. » 

La ministre de la transition écologique et solidaire a indiqué qu’une mission interministérielle sur la gestion de crise doit travailler sur la divulgation de messages adaptés et compréhensibles.
Des pistes d’amélioration pour la prévention des risques et l’alerte aux populations seront sans aucun doute avancées par la Mission d’information dans son rapport attendu avant la fin du mois.
Il s'agit de tirer les enseignements utiles de cette catastrophe industrielle.

Il faudrait ainsi en premier lieu  "pouvoir disposer le plus rapidement possible, dans des termes compréhensibles par tous, de la liste des produits stockés". 
Elle a ainsi reconnu qu'il avait fallu du temps aux autorités pour l'obtenir et la rendre publique, alors même qu'elle n'était "pas très, très parlante".

Mme Borne a ensuite évoqué la nécessité de disposer de la "capacité à faire réaliser des prélèvements en grand nombre et à disposer dans des délais rapides des résultats des analyses", alors que l'incendie à notamment dégagé un gigantesque panache de fumée sur plus de 20 kilomètres.

Elle a également évoqué une "modernisation des dispositifs de dialogue et de concertation avec les riverains", assurant "penser qu'on doit pouvoir progresser dans la culture du risque, à la fois vis à vis de ceux qui travaillent sur ces sites et de ceux qui vivent à proximité".

Il faut "renforcer les contrôles sur le terrain" 

Selon la ministre, en ce qui concerne l'enquête administrative, "on ne dispose pas aujourd'hui, contrairement à ce qui existe déjà dans le domaine des transports, d'une structure chargée de mener ces enquêtes-accidents", ce qui permettrait un retour d'expérience à même de faire évoluer la réglementation si besoin. 

La ministre a ainsi souhaité que se développe en matière de risques industriels "une véritable culture de l'enquête accident, qui ne se confond pas avec l'enquête judiciaire".
 
Enfin, elle a estimé que l'accident avait démontré "le rôle très important de nos inspecteurs des installations classées" et assuré que le gouvernement "réfléchit à la façon de renforcer les contrôles de terrain, y compris en les déchargeant d'un certain nombre de tâches administratives".
 
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