Les propos de la responsable du service adoption du département sur France Bleu scandalisent. L'Association des Familles Homoparentales porte plainte pour discrimination.
La polémique enfle. L'Association des Familles Homoparentales (ADFH) porte plainte contre Pascale Lemare, responsable du service adoption du département de Seine-Maritime, pour discrimination. Lundi 18 juin, France Bleu diffuse un reportage sur les difficultés des couples homosexuels qui veulent adopter en Seine-Maritime. La responsable du service adoption du département, Pascale Lemare, explique, au micro de la journaliste Coralie Moreau, comment ces futurs parents pourraient voir leur démarche aboutir :
[Les couples homosexuels] sont un peu atypiques par rapport à la norme sociale mais aussi la norme biologique [donc il faut que] leur projet supporte des profils d'enfants atypiques
Des propos "insupportables" et "discriminants" selon Alexandre Urwicz, président de l'ADFH.
"Nous avons été profondément choqués par ses déclarations sur les couples homosexuels et les enfants handicapés"
L'association dépose plainte pour discrimination auprès du procureur de Rouen. Son représentant souhaite que Pascale Lemare soit "déplacée" du service adoption du département et qu'elle soit poursuivie pour ses paroles tenues sur France Bleu.
L'homophobie comme l'handiphobie ne sont pas des opinions mais des délits. Madame Lemare ne peut plus assurer la responsabilité du service adoption de @seinemaritime . Ecoutez l'ITW. Condamner c'est bien, agir c'est mieux. @Prefet76 https://t.co/Vndx4PnbPm
— ADFH (@homoparentalite) 19 juin 2018
Dès la diffusion du reportage, les réactions étaient vives sur les réseaux sociaux. Des internautes qualifient ce discours d'homophobe mais aussi d'intolérant envers le handicap :
Quand t'as cru que c'était un coup du @le_gorafi et que non !
— Juliette Prouteau (@JulietProuteau) 18 juin 2018
En @seinemaritime , l'#adoption par les couples homosexuels n'est ouvert que pour des enfants "atypiques". Je sais pas par où commencer...@fbleuhnormandie @coraliemoreaufb https://t.co/D5tyZuqrIi #discrimination
Alors comme ça, on trie les couples candidats à l'adoption en fonction de leur orientation sexuelle en @seinemaritime ? Une initiative "atypique"... https://t.co/h5fxe4NMBh
— Chez Papa Papou (@ChezPapaPapou) 18 juin 2018
Comment, mais comment un tel discours, de telles phrases, de tels choix, peuvent-ils être tenus en France aujourd'hui..? Je suis stupéfait.https://t.co/kZkAhKujS3
— Maître Mô (@MaitreMo) 18 juin 2018
Le président du département s'exprime
Pascal Martin, président du département de Seine-Maritime, a condamné les propos de sa collègue sur Twitter :Je condamne fermement les propos de madame Lemare qui ne reflètent en rien la position du Département et mes convictions personnelles. Il n’y a aucune différence à faire entre les couples hétérosexuels et homosexuels. Tous ont les même droits.
— Pascal MARTIN (@Pasc_Martin) 18 juin 2018
Pascale Lemare a été convoquée par sa direction pour discuter de la polémique, a-t-on appris ce matin sur France Bleu.
Le défenseur des droits se saisit de l'affaire
Face à l'ampleur qu'a pris la polémique, Jacques Toubon, le défenseur des droits, se saisit de l'affaire. Il va mener une enquête sur les pratiques des services d'adoption du département de Seine-Maritime.Interpellée à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux, Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat en charge de l'égalité femmes-hommes, a réagi dans un communiqué : "Aucune discrimination ne saurait être tolérée." Elle rappelle que les conseils des familles, l'instance qui tranche en faveur ou non de l'adoption d'un enfant, doivent respecter la loi.
L'adoption pour les couples homosexuels : le parcours du combattant
L'adoption pour les couples gays et lesbiens est légale depuis la loi Taubira, votée en 2013. Cependant, en 5 ans, seule une dizaine de familles homoparentales ont pu en bénéficier. Dans une enquête publiée en avril, Franceinfo montre que certains Conseils de famille sont réticents à l'idée de confier un enfant à des personnes de la communauté LGBTQ+ (Lesbiennes Gays Bisexuels Trans Queer).Selon Alexandre Urwicz, cette loi est un "paradoxe" : « On conseille à nos adhérents d’adopter en célibataire » Une façon de contouner les difficultés.
Le conservatisme de certaines institutions, Philippe et François y sont confrontés. Ce couple a été suivi pendant plusieurs années par la réalisatrice Anne Gintzburger dans un documentaire pour Infrarouge (France 2). S'ils ont obtenu leur agrément pour pouvoir adopter, les deux hommes enchaînent les déceptions. Pendant le long-métrage, ils apprennent que leur dossier a été écarté. "Je voulais qu'on soit en file d'attente (...) comme tout le monde" déplore François.
Infrarouge Infrarouge - " Roman d'une adoption "
C'est un film à quatre voix. L'histoire intime de deux couples en quête d'un amour immense et singulier. Deux histoires d'adoption. En traçant avec ces parents le chemin qui mène à l'enfant tant désiré, nous nous sommes lancés avec eux dans l'aventure de leur vie. C'est l'histoire d'un lien qui n'est pas génétique.
Jusqu'au renoncement
Julie et sa compagne souhaitaient adopter un enfant. Elles ont fait leur démarche auprès du département de Seine-Maritime. Après avoir obtenu leur agrément, elles ne pensaient pas être confrontées à tant de difficultés. En 2016, le couple rencontre Pascale Lemare. La responsable du service adoption leur explique que la seule option envisageable dans leur cas est d'adopter un enfant handicapé. Emmanuelle Partouche et Patrice Cornily ont recueilli son témoignage.
Julie et sa compagne ont renoncé à l'adoption. Les deux femmes vont se tourner vers l'étranger pour un projet de grossesse. La Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour les lesbiennes ou célibataires est autorisée dans 10 pays européens tels que l'Espagne, le Royaume-Uni ou la Belgique. En France, cet acte médical n'est légal que pour les couples hétérosexuels. Son ouverture à toutes les femmes sera prochainement débattue à l'Assemblée.