Au 106 de Rouen (Seine-Maritime), comme dans d'autres salles de musiques actuelles, l'annonce de la fin des jauges et du retour, en février, des concerts avec le public debout est une bonne nouvelle. Mais entre concerts annulés et succession de mesures sanitaires, il faudra du temps pour retrouver la confiance des spectateurs et un retour à la normale.
Le secteur du spectacle vivant a beaucoup souffert du Covid. Dans le domaine de la musique, privés de concerts, des artistes s'étaient mis à la vidéo pour retrouver un contact avec le public, réalisant même des live sur les réseaux sociaux, en attendant de pouvoir remonter sur scène.
Du côté des salles de spectacle, la période a été, elle aussi, difficile. Exemple à Rouen avec Le 106 dont le directeur résume la situation en une phrase : "Depuis mars 2020 nous n'avons pu exercer pleinement notre métier que pendant 4 mois (et avec des contraintes sanitaires) : de septembre à décembre 2021."
Alors l'annonce, le 20 janvier 2022, par le Premier ministre, de la fin des jauges pour les concerts assis (le 2 février) et la reprise des concerts debout (à partir du 16 février) laisse supposer un retour à la normale.
Pas si simple, tempère Jean-Christophe Aplincourt, directeur et programmateur du "106" à Rouen. Comme il l'a expliqué à notre journaliste Stéphanie Letournel, l'interdiction des concerts debout, intervenue le 27 décembre 2021 a eu l'effet d'un coup de massue :
"Cette interdiction a semé une nouvelle fois le doute dans l'esprit de notre public, et mis à mal toute la confiance qu'on avait réussi à reconstruire depuis septembre, et alors que tous les spectateurs n'étaient pas encore revenus. Cette nouvelle vague d'interdictions nous a remis dans cette situation de doute, c’est-à-dire que nous ne vendons plus de billets depuis cette date-là, depuis le 27 décembre ! Donc il va falloir du temps pour convaincre notre public, pour qu'il nous considère comme crédible, fiable…"
"La question des concerts debout est primordiale, c'est une des caractéristiques des musiques actuelles"
Jean-Christophe Aplincourt, directeur et programmateur du "106" à Rouen
Encore plusieurs semaines d'arrêt
Aux contraintes imposées sur l'organisation des concerts, s'ajoute les annulations. Et l'interdiction des concerts debout en est l'une des causes. Ainsi, au 106 de Rouen il ne reste plus que deux concerts prévus pour ce mois de janvier. Une situation vécue avec beaucoup de peine par l'équipe du 106, comme le confie Jean-Christophe Aplincourt :
"On a été vraiment en difficulté. Actuellement, c'est l'ombre du 106, ce n'est pas du tout ce qu'on fait normalement. On est content de l'avis de réouverture à partir du 16 février, mais on aurait aimé que ce soit avant parce qu'on trouve qu'il n'y a pas vraiment une justification, de différencier à ce point les spectacles debout des spectacles assis. On est à la fois content d'avoir un horizon, mais on aurait aimé qu'il soit plus proche."
Trop d'annulations et des artistes incertains
Monter une programmation et faire revenir le public n'est donc pas chose facile. Surtout quand il faut reporter ou annuler et être dans l'incertitude chaque jour. Ce que confirme le directeur du 106 :
"Actuellement, il y a trois facteurs d'annulation : des musiciens peuvent être malades ; parce que la circulation en Europe est très perturbée pour tous les artistes internationaux, et le troisième facteur, c'est ce critère de l'interdiction des concerts debout, une des caractéristiques primordiales des musiques actuelles."
Ainsi, le concert de Benjamin Biolay, qui affichait complet (en réservation) a été annulé parce qu'il fallait le faire en places assises et donc diviser l'auditoire par 2 ou par 3. "Mais l'artiste n'avait pas la disponibilité de faire deux ou trois concerts plutôt qu'un. Et vu son planning, le concert a été définitivement annulé, perdu ,et Benjamin Biolay ne reviendra au 106 que dans deux ou trois ans, après un nouvel album", explique, déçu, Jean-Christophe Aplincourt.
Programmer des artistes, et surtout ceux qui font des tournées internationales, devient donc de plus en en plus difficile, et face à ce casse-tête, certains professionnels (producteurs, tourneurs et managers) envisagent de repenser les modalités des concerts avec un calendrier plus souple, quitte à éviter les dates en hiver…