Rouen : Sarah, étudiante congolaise de 19 ans, menacée d’expulsion

Elle est arrivée en France à l’âge de 13 ans. Depuis, la jeune femme a obtenu son bac et doit faire en septembre sa rentrée à l’Institut de formation en soins infirmiers de Bois-Guillaume. Un projet qui pourrait être mis à mal par une récente décision de la préfecture.

L’histoire de Sarah en France débute en 2015. Originaire de la République démocratique du Congo, la jeune fille de 13 ans arrive sur le territoire national en compagnie de sa grande sœur, dont elle perd définitivement la trace à la gare Saint-Lazare à Paris. Partie chercher des billets pour elles deux, l’aînée ne montera jamais dans le train qui emmène Sarah en direction de Rouen.

L’adolescente est alors prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance, le service du département qui s’occupe des mineurs isolés. Scolarisée au collège, puis au lycée, Sarah grandit. En pleine épidémie de Covid, elle est employée au sein d’un Ehpad de l’agglomération rouennaise où elle fait fonction d’aide-soignante.

Sous le coup d'une OQTF depuis août 2020

Testée positive au coronavirus en août 2020, elle doit quitter l’hébergement collectif où elle réside. Alors qu’elle est isolée dans un hôtel dédié, une lettre est envoyée par la préfecture à son foyer. Dans ce courrier, les services de l’Etat lui annoncent le non-renouvellement de son titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

« Quand j’ai reçu le papier de la préfecture, j’étais perdue. Je ne savais pas quoi faire et j’étais malade. J’ai contacté la professeure, qui m’accompagne depuis le collège. Elle a alors fait appel à une avocate » explique Sarah.

Me Nejla Berradia dépose à la suite un recours. Une démarche qui arrive deux jours après le délai légal en raison de l’isolement de la jeune femme.

J’ai pu prouver la parfaite intégration de Sarah en France. J’ai reçu des attestations et des lettres de ses professeurs, de son employeur, de ses amis. Elle n’a personne au pays. Ses parents sont morts. Seule une tante a pu lui envoyer les actes nécessaires à la procédure mais elle n’a pas de lien avec Sarah. Avec l’ensemble de cette documentation, le Tribunal administratif de Rouen a annulé l’arrêté de la préfecture. 

Me Nejla Berradia, avocate de Sarah

Dans sa décision, le Tribunal administratif a ordonné à la préfecture de Seine-Maritime d’octroyer un nouveau titre de séjour à Sarah. Mais depuis, la préfecture a fait appel en raison du retard avec lequel le recours avait été déposé par son avocate.

La cour administrative d’appel de Douai a donné raison à l’Etat. Elle est donc aujourd’hui sous le coup d’une OQTF d’ici au 30 août prochain.

« On ne peut pas effacer tout ce que Sarah a fait depuis qu’elle est arrivée en France »

« Aujourd’hui, nous faisons un nouveau recours car la situation de Sarah n’a jamais été évaluée par la préfecture. Dans cette affaire, toute est une question de procédure. Ma cliente a eu son bac, elle est admise à la rentrée à l’Institut de formation des soins infirmiers de Bois-Guillaume pour devenir aide-soignante. Elle continue de travailler à l’Ehpad dans lequel elle exerce depuis un an. » poursuit Me Nejla Berradia.

Dans l’OQTF, regrette l’avocate, la préfecture affirme qu’un lien fort avec le pays existe puisque la tante de Sarah, restée en RDC, lui a envoyé des papiers. «  Mais cette tante ne s’occupe pas d’elle. Avant de prendre des décisions, la préfecture doit examiner sa situation réelle et actuelle. On ne peut pas effacer tout ce que Sarah a fait depuis qu’elle est arrivée en France. Sur ce point, j’ai bon espoir puisque le Tribunal administratif a déjà évalué une première fois que ma cliente était parfaitement intégrée et qu’elle n’avait presque pas d’attache au pays. »

Les amis et les collègues de Sarah se mobilisent

Une intégration dont Laëtitia Moura, professeur d’histoire-géographie au collège à Darnétal, peut témoigner depuis 6 ans qu’elle accompagne la jeune femme.

Depuis 2015, elle se bat, elle réussit toutes les étapes. Là, ce sont tous ses rêves qui s’écroulent. On a l’impression que Sarah n’est qu’un numéro qu’il n’y a pas d’humain, pas de considération de sa volonté d’intégration et de son courage. Quand elle est arrivée en France à 13 ans, on lui a dit de s’accrocher. Et au moment où elle pourrait enfin voir le bout du tunnel, avoir un diplôme et travailler, on lui dit qu’elle doit repartir. Je ne comprends pas.

Laëtitia Moura, enseignante

D’autant que Sarah travaille aujourd’hui comme aide-soignante au sein d’un Ehpad. « Sarah a été recrutée il y a un peu plus d’un an dans le cadre de la crise sanitaire » explique Marie-Pascale Mongaux, responsable de l’établissement de santé. « Elle joue depuis un rôle important car nous faisons face à une pénurie de personnel. Souriante, elle n’a jamais évoqué ses problèmes personnels. Ce n’est pas à moi d’observer sa situation administrative mais elle a montré toutes les capacités et les qualités humaines nécessaires à son travail et aujourd’hui, ses collègues et les résidents ne comprennent pas. »

Une pétition en ligne

Tous ont donc décidé de se mobiliser. Devant l’établissement de santé, des pancartes et des banderoles ont été affichées. Une pétition a même été lancée en ligne par son enseignante.

Les larmes aux yeux, Sarah évoque son espoir de devenir française. « C’est ma grand-mère qui m’a élevée au Congo. Elle est morte en 2015. Je n’ai pas eu le temps de rendre la pareille. Devenir aide-soignante en France, c’est mon rêve. Toute ma vie est ici, mon copain, mes amis. Je ne sais pas comment je vais m’en sortir si je dois retourner en RDC ».

De son côté, par voie de communiqué, la Préfecture tout en soulignant que « la situation de Madame MLOBONDO NKAYILU a donné lieu à une série d'irrégularités depuis son entrée en France », déclare ce mercredi 25 août que « sa situation pourrait être reconsidérée si elle produit un acte officiel d'admission à l'école d'aide-soignante. »

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