Depuis ce lundi, les hôpitaux ne peuvent plus rémunérer les médecins intérimaires au-delà de 1.390 euros brut pour 24 heures de garde. Les médecins intérimaires, cruciaux pour beaucoup d'hôpitaux de petites et moyennes villes, ont assuré qu'ils ne viendraient pas travailler s'ils ne pouvaient plus négocier leurs tarifs.
Sept ans après le vote de la loi, les tarifs de l'intérim médical dans les hôpitaux publics sont finalement plafonnés à partir de ce 3 avril. Jusqu'à présent, la vacation d'une journée par un médecin intérimaire pouvait être payée "entre 2 000 et 5 000 euros la journée", selon Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France.
Les salaires sont désormais largement revus à la baisse après la mise en application de la loi Rist, qui encadre la rémunération de l'intérim médical : 1390 euros brut pour 24 heures de remplacement à l'hôpital.
"Une baisse de salaire de 40%"
Dans l'Eure, Cécile Chopard est médecin intérimaire depuis plus de 10 ans. Ce 3 avril, elle est restée chez elle, en grève. Pas question d'aller au bloc opératoire où elle travaille en itinérance comme médecin anesthésiste.
"Depuis une dizaine d'années on constate une désaffection des médecins pour le service public hospitalier", souligne l'anesthésiste, "la solution qui a donc été trouvée, c'est nous, les remplaçants", poursuit-elle. Cécile Chopard s'insurge contre la loi Rist. Selon elle, le système fonctionnait correctement jusqu'à présent : "on baisse notre rémunération de 40%, nous ne continuerons pas à travailler dans ces conditions".
Comme cette médecin, ils sont nombreux à souligner que les dérives dans le système d'intérim existent, mais ces salaires mirobolants seraient largement minoritaires. Alors cette décision radicale venant du ministère semble tomber comme un couperet : "connaissez-vous un corps de métier auquel on annoncerait du jour au lendemain : 'en fait vous nous coûtez trop cher, on va diminuer vos salaires' et qui accepterait ces conditions-là ?".
Dans un service hospitalier déjà à la peine et en manque de bras, la baisse du salaire des intérimaires laisse craindre une autre baisse : celle de l'attractivité du métier de médecin, intérimaire ou pas. "Le statut des titulaires a été mis à mal ces dernières années, mais ils ont été dociles et corvéables à merci, notamment durant la crise sanitaire", rappelle Cécile Chopard qui ne compte pas se laisser faire.
"Au moins 30 à 40% des postes de titulaires sont vacants"
La réaction du Syndicat National des Médecins Remplaçants des Hôpitaux (SNMRH) ne s'est pas fait attendre non plus : "ce ministre [ndlr : François Braun] continue à nous insulter au quotidien ; il nous traite de mercenaires, de cannibales et c’est de notre faute si l’hôpital est dans cet état lamentable, si on ne peut plus prendre en charge la santé des Français".
Les intérimaires de l'hôpital assurent même que de nombreux services sont menacés de fermetures. "Au moins 30 à 40% des postes de titulaires sont vacants", explique Cécile Chopard également syndiquée au SNMRH, "il n'est pas possible d'imaginer un salaire maximal, dans cette période ça n'a pas de sens", ajoute-t-elle.
Le SNMRH a ainsi recensé 167 services "menacés de fermeture imminente" dans une centaine d'hôpitaux dans le pays, pour la plupart situés dans des villes petites ou moyennes. En Normandie, une quinzaine d'établissements est concerné.
C'est un système de marchandisation de la santé qu'il faut condamner et c'est contre ça que je me bats
François Braun, ministre de la Santé
De son côté le ministère se veut inflexible. François Braun dénonçait il y a quelques jours "les dérives [...] qui signeront à court terme la mort de notre service public hospitalier". Selon le ministre de la Santé, aucun service ne fermera de façon sèche dans les semaines à venir.
Une menace que laisse pourtant planer le syndicat : "Nous sommes déterminés à refuser tout plafonnement". Le SNMRH pourrait même débuter un mouvement de grève qui pourrait durer alors que l'hôpital public connait déjà de nombreuses difficultés. "On suit l'affaire deux fois par jour, les plannings des hôpitaux sont remplis", a répondu de son côté François Braun.
Liste des centres hospitaliers concernés par des risques de manque de personnels
Dans le Calvados :
- Le SMUR et les urgences du centre hospitalier de Falaises
- Le service de médecine du centre hospitalier de Vire
Dans l'Eure :
- Le bloc opératoire du centre hospitalier de Pont-Audemer
- Le SMUR, les urgences, le service de neurologie et la gériatrie du centre hospitalier d'Evreux
- Les urgences, l'unité de surveillance continue et le service de psychiatrie du centre hospitalier de Vernon
Dans la Manche :
- La maternité, le bloc opératoire et l'EHPAD du centre hospitalier de Cherbourg-en-Cotentin
- L'unité de soins palliatifs, le service de médecine polyvalente et de maladies infectieuses du centre hospitalier de Granville
- Le service des soins de suite et réadaptation et le service de médecine du centre hospitalier de Saint-Lô
- Le service des soins de suite et réadaptation, le pôle santé mentale et le service addictologie du centre hospitalier de l'Estran
Dans l'Orne :
- Le service de médecine générale d'Alençon
En Seine-Maritime :
- Le bloc opératoire, le service de médecine et la gériatrie du centre hospitalier du Havre
- Le service psychiatrie du centre hospitalier d'Eu/Le Tréport
- Le service d'ophtalmologie chirurgicale et le service de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Rouen
- Le service de médecine, les urgences et l'unité de surveillance continue du centre hospitalier de Fécamp.