Témoignages. Mais pourquoi les Français ne veulent plus faire d'enfants ?

Publié le Écrit par Céline Brégand
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Les naissances ont encore baissé en France en juillet 2023. Si certains sont dans l'impossibilité de procréer, d'autres choisissent de ne pas avoir d'enfants. Les raisons sont multiples. Trois trentenaires ont accepté de témoigner auprès de France 3 Normandie.

Les Français font moins d'enfants. La tendance, observée ces derniers mois, s'est confirmée en juillet dernier. Entre janvier et juillet 2023, l'Insee compte près de 30 000 naissances de moins qu'en 2022. Une tendance suivie par toutes les régions, sauf la Guyane. En Normandie, les naissances ont baissé de 8,1% entre 2022 et 2023 sur cette même période.

Certaines personnes ne peuvent pas avoir d'enfants alors qu'elles le désirent tandis que d'autres en font le choix et l'assument. Si le sujet s'avère parfois encore tabou, la parole se libère de plus en plus, et cette décision semble être mieux respectée qu'avant. Depuis plusieurs années, le mouvement "childfree" s'est développé aux États-Unis et en Europe.

Floriane, Adelin et Chloé ont la trentaine et ne veulent pas d'enfant. Ces habitants de la métropole rouennaise ont accepté de nous livrer leur témoignage. 

"Je ne veux pas m'oublier"

Il y a quelques mois, plusieurs jeunes souffrant d'éco-anxiété nous expliquaient ne pas souhaiter avoir d'enfant pour ne pas polluer davantage la planète. Ce n'est pas le cas des trois trentenaires que nous avons interrogés, pour qui l'argument écologique arrive loin derrière des raisons beaucoup plus personnelles. 

"J'aime la liberté et j'ai beaucoup de mal à vivre avec des contraintes", explique Chloé*, professeure de français de 34 ans, qui a souhaité rester anonyme.

J'ai encore besoin de vivre plein de choses, mes passions, notamment la danse, et je ne me vois pas faire de sacrifices. Je ne veux pas m'oublier.

Chloé*, professeure de français de 34 ans

Récemment, elle a gardé son neveu quelques jours. Une expérience qui l'a confortée dans son choix. "J'ai passé une semaine à ne vivre que pour lui en m'oubliant complètement. Et ça m'a énormément manqué de ne pas avoir de temps pour moi. En plus, j'ai culpabilisé de ressentir ça, confie celle qui explique aimer les enfants. Dans mon travail, c'est épanouissant, mais dans mon quotidien, ça ne me rendrait pas heureuse."

"J'ai compris que ce n'était pas ce qui me correspondait"

Elle se souvient pourtant avoir été l'enfant de la fratrie qui jouait le plus à la poupée. "Je me suis toujours vue maman. J'ai grandi avec cette conception donnée par la société, qui me paraissait naturelle et ne me faisait pas peur. Mais en grandissant, en apprenant à me connaître, en développant mes passions, j'ai compris que ce n'était pas ce qui me correspondait", détaille Chloé qui a fait son choix à l'approche de la trentaine. 

Celle qui se dit "perfectionniste" estime qu'elle le serait tout autant en tant que maman. "Si bien que ça me rendrait la vie impossible", reconnaît-elle. Perfectionniste, elle l'est également avec son corps. "Je ne veux pas le voir changer et que ça me rende malheureuse." S'ajoute à cela la question : "quel monde vais-je laisser à mes enfants ?" Selon l'enseignante, se mêlent des inquiétudes liées à l'écologie, mais aussi à l'éducation et à la politique. 

Chloé ne veut également pas reproduire de schéma familial. "Je n'ai pas eu une enfance heureuse", confie-t-elle. Élevée par une mère "qui avait envie de vivre sa vie de femme parfois plus que sa vie de maman", elle et ses frères et sœurs se sont parfois sentis "mis de côté" voire "mis en danger". "Je comprends qu'elle ait pu ressentir tout ça, mais je ne souhaite pas faire vivre ça à un enfant, tranche Chloé. "Et puis je suis très sensible, donc je serais facilement inquiète si j'avais un enfant", ajoute celle qui estime avoir déjà beaucoup à faire avec son chien. 

"Je n'ai jamais eu la fibre paternelle"

En 2022, un sondage réalisé par le magazine Elle, en partenariat avec l'Ifop, révélait que 30% des femmes françaises en âge de procréer ne désirent pas avoir d'enfant. Aucune étude récente n'interroge ce non-désir chez les hommes. Les enfants sont pourtant un sujet qui les concerne tout autant. 

Adelin, 35 ans, reconnaît n'avoir "jamais été quelqu'un qui apprécie plus que ça les enfants, ni qui aime s'en occuper". Il assume n'avoir "jamais eu la fibre paternelle". Pour ce vendeur en horlogerie de luxe, s'ajoute à ce non-désir la question financière. "Ça coûte cher d'avoir des enfants et de les élever", note-t-il. Il aurait également peur de perdre en indépendance. "On ne peut pas partir sur un coup de tête", remarque-t-il. 

Quant à l'écologie, si elle lui importe, elle ne fait pas partie des raisons premières qui ont conduit Adelin à choisir de ne pas avoir d'enfant, même s'il estime que cela constitue "un argument supplémentaire" pour l'expliquer aujourd'hui.  

Adelin sait depuis des "dizaines d'années" qu'il ne veut pas d'enfant. Son choix a "légèrement vacillé" une fois, lorsqu'il était en couple avec une femme qui en désirait. Mais il se dit désormais "certain" de ne pas en vouloir. Il envisage même une vasectomie "à moyen terme".

On fait très souvent reposer la contraception sur les femmes. Mais l'opération peut être une solution définitive plus pratique.

Adelin, 35 ans, vendeur en horlogerie de luxe

"Je ne vais pas me forcer"

Floriane, professeure d'anglais de 33 ans, assume également ne jamais avoir eu "d'envie d'enfant, d'instinct". "J'adore mes élèves, mes petites sœurs et j'ai été nounou, mais je ne m'émerveille pas sur des chaussons, illustre-t-elle. Je connais trop de gens qui se sont forcés parce que la société veut que vous ayez des enfants, donc je ne vais pas me forcer", affirme-t-elle. 

Atteinte d'une maladie chronique "qu'elle ne veut pas transmettre" et de divers problèmes de santé, Floriane explique aussi ne "pas avoir envie de rajouter une grossesse et un accouchement" à tout cela. Et puis, "être stable dans ma vie, sentimentalement, financièrement et professionnellement, c'est un job à temps plein", souligne l'enseignante, qui consacre par ailleurs une partie de son temps libre à la cause animale.    

Celle qui possède une "conviction écologique forte", estime que le fait que "nous soyons trop sur Terre aide [s]on choix même si ce n'est pas la principale raison".

"J'ai peur de la décevoir"

"Pendant un temps, je ne me posais pas la question, mais sans relation sérieuse durant trois ans, j'ai eu le temps de réfléchir. Et depuis mes 30 ans, j'ai arrêté de me mentir sur le sujet. J'ose le dire. C'est une pression sociétale en moins", observe Floriane. La jeune femme a le sentiment que la question reste taboue en société, "même si c'est de mieux en mieux accepté".

Dans son entourage, elle a le sentiment d'être pleinement comprise par les gens qui la connaissent vraiment.

J'ai une famille cool au possible, j'ai de la chance ! Mes grands-parents sont hyper ouverts d'esprit.

Floriane, 33 ans, professeure d'anglais

Quant à ses amis, la majorité ne souhaite pas non plus avoir d'enfants. Et l'homme avec qui elle est en relation depuis un an n'en veut pas non plus. Si l'idée d'adopter un enfant un jour a, un temps, traversé l'esprit de Floriane, cette éventualité n'est désormais plus à l'ordre du jour.

Lorsque Chloé a annoncé à ses proches ne pas vouloir d'enfants, elle a pris soin de le dire seulement aux personnes qui respecteraient son choix, comme ses sœurs et sa mère. Mais elle ne l'a jamais dit à sa grand-mère, qu'elle considère comme sa deuxième maman. "J'ai peur de la décevoir. Je préfère le lui cacher pour ne pas lui faire de peine et qu'elle continue à être fière de moi", confie-t-elle. "Elle dit que les femmes qui ne souhaitent pas avoir d'enfants sont égoïstes. Et elle me répète : 'tu attends que je meure pour avoir des enfants ?' Ce à quoi je réponds : 'je fais exprès pour que tu restes en vie le plus longtemps possible'."

"On espère beaucoup plus de la femme que de l'homme"

Le compagnon de Chloé ne souhaite pas d'enfant non plus. Lorsqu'il l'a annoncé à sa mère, qui lui mettait la pression, cette dernière a pointé Chloé comme seule responsable de cette décision et leur a lancé : "eh bien, vous finirez comme deux vieux cons". Pour Chloé, "on espère beaucoup plus de la femme que de l'homme. On comprend qu'un homme ne veuille pas d'enfant, alors que, pour une femme, c'est comme si c'était inné, et qu'il était impensable de ne pas ressentir ce besoin, comme si ça voulait dire qu'on était égoïste ou une mauvaise personne", analyse-t-elle. 

Une réflexion partagée par Adelin, qui n'a jamais reçu de réflexion désagréable sur son non-désir d'enfant, ni de la part de sa famille, ni de la part de ses amis. "Je me rends compte que cette pression sociale repose beaucoup plus sur les épaules des femmes parce qu'on leur dit qu'après un certain âge, c'est compliqué d'avoir des enfants. Alors que pour les hommes, on a des Robert de Niro et des Al Pacino qui sont pères à 70 ans passés", fait-il remarquer ironiquement.  

*Le prénom a été changé

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