Trois solutions pour lutter contre le ruissellement : terrassement, reboisement et « fascine »

Avec les fortes précipitations, les routes peuvent être coupées par des coulées de boue, les maisons parfois inondées. La faute au ruissellement des eaux sur des terres qui n’absorbent plus assez. Pour y remédier, un aménagement est expérimenté : le bois billonné.

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Le temps est pourri, disons-le clairement. De grosses gouttes tombent d’un ciel brumeux et chargé. Un reportage sous la pluie, ce n’est jamais l’idéal, mais ce jour-là, nous sommes ravis : on ne pouvait rêver mieux pour parler ruissellement. Ces précipitations forment un écoulement d’eau sur la parcelle où nous nous trouvons, à Thil-Manneville, près de Dieppe (Seine-Maritime).

"La nature ne boit plus"

Gants, bonnet et surtout bottes épaisses aux pieds, Johann Wattiez analyse : « Là, ce n’est pas pas énorme, ça fait 2 litres seconde. » En cas de fortes pluies, la donne change. « Cet axe de ruissellement peut arriver à 9 mètres cube secondes ! La rivière de la Vienne est à 0,5 m3 seconde. Comment gérer le passage d’une rivière dans un champ ? » C’est toute la question. Et lui a la réponse.

Mais avant de la découvrir, et pour bien comprendre, il faut d’abord répondre à une autre interrogation : pourquoi de tels écoulements ? Johann, technicien Espace Rural et Environnement au Syndicat Mixte de Bassins Versants Saâne Vienne Scie, a cette expression : « la nature ne boit plus ».

La Nature a moins soif, et c’est à cause de l’Homme. « La problématique, elle est simple : la conjoncture économique n’est plus favorable à l’élevage, mais aux grandes cultures agro-industrielles », explique Johann. Quel rapport ? Selon Johann, les sols sont ainsi déstructurés.

 Un herbage a une capacité d’infiltration de 100 mm par heure. Une culture : entre 5 et 10 mm par heure. 

Johann Wattiez, technicien espace rural et environnement au Syndicat Mixte de bassins-versants (SMBV)

La Nature a moins soif, alors c’est l’Homme qui boit la tasse. Coulées de boue, inondation, pollution… Moins d’eau retenue dans les sols, c’est plus de ruissellements, et une cascade de problèmes. « Il y a les migrations de limons et de de cailloux sur des zone accidentogènes comme les voieries ; il y a les inondations agricoles dans les zones habitables ; il y a les pollutions de produits phytosanitaires dans les milieux aquatiques ».

La maison en contrebas de la parcelle où nous nous trouvons est souvent inondée. C’est son propriétaire qui a acheté le terrain et a permis au syndicat mixte de développer la solution qui nous intéresse aujourd’hui : le bois billonné.

Sur 1 hectare, plusieurs outils et techniques sont utilisés pour réguler un ruissellement qui concerne 150 hectares de terre de culture.

Première outil : le terrassement

Dans « Bois billonné », il y  a « billon ». « Le billon, c’est le terrassement », précise Johann. Un chantier a été entrepris en 2021 pour créer un système de « casiers » successifs. Des casiers délimités par des talus, qui retiennent l’eau.  « Quand un premier casier est plein, retenu par le talus, ça déborde par un coté, et ça surverse jusqu’au deuxième talus. Ça se reproduit ainsi 3 fois ». Selon Johann Wattiez, la vitesse de l’eau est ainsi limitée. Les limons agricoles et phytosanitaires sont sédimentés avant chaque talus. L’eau libérée dans l’herbage est décantée, claire, et lente.

Deuxième outil : les arbres

Dans « bois billonné », il y a « bois ». « C’est adapter les arbres de la région par rapport à leur milieu » explique Johann. Ce sont des aulnes qui sont implantés ici. Selon le technicien, les aulnes ont un « pouvoir » : celui de boire de l’eau à raison de 120 litres par jour. « En gros, ce sont des pompes », résume Johann.

En plus des aulnes, c’est tout un bois qui est recréé, constitué de différentes essences : merisiers, chênes, bouleaux… Cela va permettre à la faune locale de s’épanouir. En tout, 1200 arbres seront plantés.

Troisième outil : la fascine

En amont de tout cet équipement, une sorte de barrage, fait de branchages, qui étonne. On l’appelle « fascine ». Son rôle : retenir les limons agricoles afin qu’ils ne migrent pas sur le secteur aval. A l’aide d’un simple bâton planté dans le sol, Johann contrôle le travail effectué par la fascine. « Elle a déjà capté environ 30 centimètres de terre ». Soit pas mal de mètres cubes de boue qui ne finira pas sur les routes.

Un aménagement écologique… et archaïque

Parce que « réguler les problèmes de ruissellement avec des murs n’est ni tenable, ni faisable », Johann Wattiez défend un aménagement écologique, qu’il espère reproduire ailleurs (ce bois billonné est le deuxième créé en Seine-Maritime).

« La nature est la meilleure solution », assure-t-il, « et nos anciens l’avaient compris ». Car des talus plantés, les cauchois en ont créé en mettant en place ce qu’on appelle aujourd’hui des clos-masures. Autour des fermes, des buttes étaient levés, et des fossés creusés, afin de lutter contre le ruissellement. C’était il y a des siècles. Et c’est ce genre d’aménagement qui nous permet aujourd’hui de faire face au dérèglement climatique.

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