Pour la première fois cette année, la célèbre course qui figure au calendrier de la coupe de France a emprunté un chemin forestier. De plus en plus d'organisateurs sont tentés par ces incursions non-goudronnées. Coup de com' ou vrai moyen pour relancer l'intérêt du cyclisme sur route ?
À Livarot, l'endroit est surtout connu des vététistes et des joggeurs : le chemin de la cabine est une voie privée (entretenue par la commune) qui traverse un bois. C'est donc un chemin long de 1,950 km, avec des cailloux, des nids de poule, et, par endroits, une bande d'herbe entre le passage des roues. Au sortir de l'hiver, les bas-côtés sont gorgés d'eau : gare au petit écart !
Reportage C Sports de Pierre-Marie Puaud, Florent Turpin, Guillaume Le Gouic et Cyril Duponchel
Paul Ourselin a beau avoir grandi sur ces petites routes du Pays d'Auge, il ne s'était jamais aventuré sur ce chemin jusqu'à ce jour gris et pluvieux du mois de mars : le coureur de Direct-Énergie, champion de France espoir 2016, est venu repérer le final de la course. "C'est assez roulant, le profil est plutôt descendant. Mais il faut faire très attention : c'est assez gras, il y a des trous, des pierres, des flaques d'eau. Il faut être très vigilant", note-t-il, lancé à 45 km/h sur ce chemin où le panneau à l'entrée indique pourtant que la vitesse est limitée à 30 km/h. Le vélo est aussi une affaire d'équilibriste !
Des chemins pour relancer l'intérêt de la course sur route
Les pavés ont fait la légende de Paris-Roubaix. Les visages maculés de boue (ou de poussière) des coureurs sont télégéniques. Il n'est point de tactique de course qui tiennent sur ces portions non-asphaltées où il convient d'abord d'être puissant, adroit, et... chanceux. Le vainqueur est forcément le héros du jour. La course n'en paraît que plus authentique. En Bretagne, le tro bron Leon roule sur des chemins de terre depuis sa création en 1984. La course jouit d'une aura grandissante.
Tout est bon dans le Tro Bro Leon
Créé en 1984 par un ancien dessinateur, ce "Paris-Roubaix breton" avait lieu dimanche. A la manière de "l'Enfer du Nord", la course célèbre ici les marins et paysans, passant par des chemins de pierre et des champs d'échalotes. Récompense pour le vainqueur : un porcelet.
Alors, en ces temps où nombre de courses apparaissent stéréotypées, bien des organisateurs sont tentés de s'en inspirer. Même le tour de France cède à cette mode : cet été le peloton s'aventurera dans le col des Glières où les derniers kilomètres non-goudronnés s'annoncent comme "un temps fort de la course" selon le voeu de Christian Prudhomme, le directeur de la grande boucle.
À Livarot, les organisateurs du Paris-Camembert ont donc choisi d'inscrire le chemin de la cabine au programme des coureurs "pour pimenter le final et renforcer l'image de course de terroir". Le 10 avril, Lilan Calméjane, le leader de l'équipe Direct-Energie s'est imposé en solitaire. Il était déjà échappé lorsqu'il s'est engagé le premier sur le chemin de la cabine à 12 km de l'arrivée. "C'est pas plus mal, je pouvais choisir ma trajectoire. Il vaut mieux le faire seul, ou en tête du peloton. Derrière, tu te récupères les mecs qui crèvent ou qui tombent..." Paul Ourselin a eu moins de chance en subissant une crevaison à la sortie du chemin. "Dommage, j'avais de bonnes jambes", rumine-t-il. Sur le Paris-Camembert, il faudra désormais composer avec la terre et les cailloux. L'issue de la course n'en sera que plus incertaine, et aléatoire.