L'Etat a interdit, ce vendredi 20 avril, la vente aux enchères d'un ensemble de manuscrits rédigés au XIIe siècle au scriptorium de l'abbaye du Mont-Saint-Michel. Explications…
Le ministère de la Culture a "mis en demeure" la société Orne Enchères de "restituer sans délai l'objet à l'Etat, son légitime propriétaire", après lui avoir demandé de "bien vouloir le retirer de la vente aux enchères du 5 mai 2018", selon une copie du courrier envoyé par Orne Enchères à l'AFP dont l'objet a été confirmé par le ministère.
La valeur de ce document de 135 feuillets "dans un état de fraîcheur remarquable" et comprenant notamment une Prose de Saint-Aubert, "vibrant hommage au fondateur du Mont-Saint-Michel en 708", devait être mise à pris 50.000 euros, selon Orne Enchères.
L’Etat menace de saisir le tribunal compétent
Des acheteurs potentiels s'étaient manifesté notamment des Etats-Unis, assure la société. "Il est tout à fait possible qu'il atteigne quelques centaines de milliers d'euros" à la vente, assure Pascal Guillebaud qui a expertisé le document pour Ornes Enchères.
Dans son courrier, l'Etat menace de saisir le tribunal compétent si la société ne restitue pas le document. Orne Enchères, qui lui en conteste la propriété, prépare de son côté un recours contre la demande de l'Etat, selon son avocate Corinne Hershkovitch. Le courrier datant du 22 mars, la société a jusqu'au 22 mai pour saisir le tribunal administratif de Paris, selon l'avocate.
Pour l'Etat, ce manuscrit lui appartient parce que l'Assemblée nationale du 2 novembre 1789 a décidé de "mettre les biens du clergé à la disposition de la nation" et que le document figure au catalogue des livres en dépôt à l'administration du district d'Avranches dressé en 1795, selon le courrier.
Mais Orne Enchères estime que le document avait "probablement quitté le mont avant 1794" et que le catalogue de 1795 a été rédigé en recopiant une liste plus ancienne sans vérification que l'ouvrage était bien là, a indiqué à l'AFP Patrice Biget, son commissaire-priseur. La société en veut pour preuve l'absence, selon elle, sur les manuscrits en sa possession de cachet ou de cote les rattachant à ce catalogue.
Le propriétaire du document souhaite rester anonyme
Invité à réagir à cet argument, le ministère a maintenu vendredi que "la propriété publique de ce document est manifeste" et précisé qu'un "travail minutieux d'expertise a été mené sur le parcours" de ces manuscrits.
Le propriétaire du document, qui souhaite rester anonyme, assure que sa famille tenait ce manuscrit d'un religieux du Mont-Saint-Michel, "sans doute" à la fin du XVIIIe siècle, selon Me Biget.