Restez chez vous ! Ce mot d'ordre se traduit au quotidien par la mise en place du télétravail pour bon nombre de Français aujourd'hui. Une expérience à grande échelle qui soulève plusieurs interrogations. A commencer par celle du coût pour le salarié.
Auparavant, le télétravail n'était réservé qu'à une certaine catégorie socioprofessionnelles, essentiellement les cadres. Comme le dit un de nos facétieux collègues, le télétravail c'était "le chef en slip". Mais ça, c'était avant. De nombreux Français ont découvert ces derniers jours les joies mais aussi les difficultés du travail à domicile, un nouveau monde qu'ils découvrent chaque jour un peu plus et qui recèlent de surprises. Tant pour les salariés que pour les employeurs.
Parmi les questions que nous nous sommes posées :
- Electricité, téléphone, internet : mon employeur va-t-il régler une partie de mes factures ?
- Et mon abonnement transport, qui va le payer ?
- Et si je me blesse à la maison, comment ça se passe ?
- Vais-je continuer à toucher mes tickets resto ?
- En télétravail, vais-je toucher une prime ?
- Télétravail : ai-je vraiment le choix ?
- Dois-je être aussi productif à la maison qu'au bureau ?
Encore une journée en télétravail. Stay strong. #dailyBasset pic.twitter.com/UTNStzyw5T
— DrScratch (@DrScratch) March 31, 2020
Télétravail : ai-je-vraiment le choix ?
En temps normal, oui. Mais vous n'êtes pas sans savoir qu'un terrible virus sévit en ce moment (ou alors vous êtes en télétravail depuis bien trop longtemps...). L'article L1222-11 du Code du travail autorise les employeurs à imposer le télétravail "en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie". Sur son site internet, le ministère du travail n'y va pas par quatre chemins : "Suite au passage au stade 3 de la pandémie, le télétravail devient impératif pour tous les postes qui le permettent". Votre employeur a lui aussi une obligation : en cas de refus de sa part, il doit le motiver.
Dois-je être aussi productif à la maison qu'au bureau ?
Le télétravail a commencé à se développer en France bien avant l'épidémie de coronavirus. Les règles qui encadrent ce mode d'activité ont d'ailleurs été assouplies par les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 dans ce sens. Cette nouvelle législation n'a pas tardé à produire des effets : +25% en moins d'un an. Le dispositif présenterait toutes les vertus : économie de surface immobilière pour les entreprises, baisse de l'absentéisme et productivité supérieure (de 5 à 30 %). Attention toutefois au risque d'addiction au travail et à l'isolement.En confinement, le seul moment de télétravail correct est quand même entre 4h et 8h du mat’... avant le réveil de tes nouveaux collègues de bureau de moins de 14 ans
— AuPalais (@palais_au) March 21, 2020
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Néanmoins, les différentes études n'avaient sans doute pas pris en compte un facteur qui vient quelque peu perturber ce tableau idyllique : la présence des enfants. Et en cette période de confinement et de fermeture des écoles, celui-ci vient plus que jouer les éléments perturbateurs. Cette situation inédite n'a pas été prévue par la législation. Mais le gouvernement s'est exprimé sur le sujet et a appelé les employeurs à faire preuve de souplesse. "La productivité ne peut pas être la même lorsque le salarié assure concomitamment la garde de ses enfants . La ministre du travail a demandé aux employeurs d’être compréhensifs et d’en tenir compte dans leurs relations avec leurs salariés", indique le site internet du ministère du travail.
Si la situation devient intenable et avant de commettre l'irréparable (la prison est une autre forme de confinement), sachez tout d'abord qu'on compatit mais surtout qu'il existe une solution : l'arret de travail pour garde d'enfant. Sa durée peut atteindre jusqu'à 21 jours. L'arret peut être fractionnable mais, dans un même foyer, un seul parent peut en bénéficier. Et les enfants doivent avoir moins de 16 ans. Pour en bénéficier, le salarié fournit à son employeur une attestation. Ce dernier effectue ensuite les démarches en ligne auprès de l'assurance maladie.
Electricité, téléphone, internet : mon employeur va-t-il régler une partie de mes factures ?
L'employeur est tenu de fournir le matériel utilisé par le salarié pour télétravailler (même si l'utilisation d'un ordinateur personnel est envisageable dans un cadre défini par les deux parties). Mais travailler à son domicile (ou dans un espace de co-working où s'applique aussi la notion de télétravail) implique des frais supplémentaires pour le télétravailleur : téléphone, internet mais aussi ramette de papiers, électricité et même la mise à disposition d'une partie de son logement (pour lequel on peut payer un loyer ou un prêt) et du mobilier à son employeur.Des gens déjà en télétravail / cours à distance ? Montrez-nous votre setup ! pic.twitter.com/Ky5gUZsCaz
— jeuxvideo.com (@JVCom) March 16, 2020
Les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ont supprimé du code du travail l'obligation : "De prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci." Ce point doit désormais être déterminé dans un accord d'entreprise ou une charte. Pour autant, plusieurs juristes rappellent que l'accord national interprofessionnel Télétravail - ANI du 19 juillet 2005 est toujours en vigueur et que celui-ci stipule, dans son article 7, que "L’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications."
Sur son site internet, l'URSSAF indique, dans une publication datée du 18 décembre 2019, que, dans le cadre du télétravail "l’employeur peut soit rembourser aux salariés les frais réellement engagés sur présentation de justificatifs soit leur allouer des allocations forfaitaires". Cette allocation, exonérée de cotisations et contributions sociales, est fixée à 10 euros maximum par jour. En cas de dépassement, des justificatifs doivent être fournis.
Et mon abonnement transport, qui va le payer ?
Soucieux du devenir de la planète, vous avez pris un abonnement aux transports en commun ou loué un vélo. Et vous avez bien fait ! "L’employeur doit prendre en charge une partie du prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Ces déplacements doivent être accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos. Cette obligation s’applique à toutes les entreprises, quel que soit leur effectif", rappelle sur son internet le ministère du travail.Oui mais voilà, le coronavirus est passé par là et vous voilà confiné chez vous avec un abonnement sur les bras qui ne vous sert pas à grand chose en ce moment. Pas de panique ! Plusieurs entreprises de transport ont annoncé une suspension des abonnements. "Dans cette période inédite de confinement, la SNCF, consciente de cette 'démobilité' imposée, a décidé de prendre des mesures exceptionnelles pour ses clients abonnés", qui se verront "offrir l'abonnement du mois d'avril", indiquait ce mardi le groupe à Franceinfo. En Normandie, sur le réseau TER, les abonnements annuels sont suspendus et les billets sont remboursable sans frais. Sur l'agglomération caennaise, Twisto ne prélèvera pas les abonnements annuels sur le mois d'avril ou ralongera la durée d'un mois (en cas de paiement au comptant)
Côté employeur, le remboursement à 50% est automatiquement effectué pour les abonnements annuels. En début d'année, le salarié fournit à son entreprise le justificatif. Le remboursement est ensuite réparti sur les 12 mois de l'année. Donc, pas de problème pour les personnes concernées. Les seuls lésés devraient être les titulaires d'abonnements mensuels.Des solutions innovantes pendant cette période de confinement...#velotaf #teletravail pic.twitter.com/Ng5gZOoi6S
— A vélo citoyens! (@citoyens_a) March 31, 2020
Et si je me blesse à la maison, comment ça se passe ?
Certes vous êtes à la maison mais vous êtes aussi au travail. Toutes les règles qui s'appliquent au bureau le sont désormais aussi à votre domicile. Si vous vous blessez, ce sera considéré comme un accident du travail. A condition que l'événement ayant entrainé un préjudice physique se soit déroulé PENDANT vos horaires de travail établies avec votre employeur. Si vous vous tordez la cheville en montant votre escalier aux heures de bureau, ce sera considéré comme un accident du travail. « L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale », stipule l'article 21 de l'ordonnance du 22 septembre 2017.Premier accident de télétravail. pic.twitter.com/GGgnXgYqjd
— Petit Prof (@Petit_Prof) March 16, 2020
En revanche, si vous décidez de vous accorder une pause pour aller tailler votre haie et que la séance de jardinage impromptue tourne au drame, "l'employeur fera une réserve et démontrera qu'il n'y a aucun lien avec votre activité professionnlle", indique Maître David Dreux, avocat au barreau de Caen. Comme un malus sur votre assurance automobile en cas d'accident, "l'employeur se voit infliger une majoration de ses cotisations" en cas d'accident du travail.
Vais-je continuer à toucher mes tickets resto ?
Déjà, vous avez de la chance d'en avoir. Ce dispositif, réglementé par les articles L 3262-1 s. et R 3262-1 s. du Code du travail, est facultatif. Si vous en bénéficiez en temps normal, vous continuerez à les toucher durant le confinement (tant que vous télétravaillez bien sûr). Comme le rappelle l'URSSAF, "Le télétravailleur est un salarié à part entière. Il bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que ses collègues travaillant au sein de l’entreprise". Les employeurs ne peuvent faire de distinction entre leurs salariés et sont tenus de leur accorder les mêmes droits et avantages. Par conséquent "Si les salariés de l’entreprise bénéficient des titres-restaurants, il en est de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite." Reste maintenant à savoir comment vous allez pouvoir utiliser vos tickets resto. Peut-être une bon,ne table pour célébrer la fin du confiement ?Personne :
— Pier Ho (@Pier__Ho) March 26, 2020
Les gens quand ils vont check leur compte tickets resto :#COVID2019 #confinement #coronavirus pic.twitter.com/AROYZnn9co
En télétravail, vais-je toucher une prime ?
Décidément, il n'y a que l'argent qui vous intéresse ! Le 20 mars dernier, chez nos confrères de LCI, le ministre de l'économie Bruno Le Maire a en effet invité les entreprises "à récompenser les salariés qui vont au travail". Le versement d'une prime, inspirée du dispositif mis en place durant la crise des gilets jaunes, avait alors pour but de lutter contre l'absentéisme dans certains secteurs clés où les salariés sont obligés d'être sur le terrain et en contact avec le public : les caisses de supermarché, par exemple. Les télétravailleurs, à l'abri chez eux, n'étaient pas concernés.Mais les choses évoluent. Le montant de la prime défiscalisée va ainsi passer de 1000 jusqu'à 2000 euros "pour les entreprises ayant un accord d'intéressement", comme l'a annoncé ce mardi Bruno Le Maire (les autres entreprises resteraient à 1000 euros). Mais surtout, l'ordonnance, présentée ce mercredi en conseil des ministres, élargit le spectre des personnes concernées : "Afin de permettre de récompenser plus spécifiquement les salariés ayant travaillé pendant l'épidémie de Covid-19, un nouveau critère de modulation du montant de la prime pourra également être retenu par l'accord collectif ou la décision unilatérale de l'employeur mettant en oeuvre cette prime". L'entreprise pourra donc légalement distinguer ses salariés devant se rendre sur leur lieu de travail (caissières, ouvriers de chantier par exemple) des autres en télétravail. Et "récompenser", certes dans des proprotions moindres, ces derniers.