La Cour d'appel de Bordeaux s'est donnée jusqu'au 15 janvier 2013 pour dire si oui ou non elle étend à des faits plus graves les poursuites contre Jeremy Forrest, le professeur anglais qui avait fugué avec une de ses élèves de 15 ans.
Simple enlèvement ou délit sexuel, la Cour d'appel de Bordeaux s'est donné hier, mardi, jusqu'au 15 janvier pour décider si elle fait droit à la demande de la justice britannique d'étendre aux faits les plus graves les poursuites contre Jeremy Forrest, le professeur anglais qui avait fugué en septembre avec une élève de 15 ans. M. Forrest, professeur de mathématiques de 30 ans, et la jeune Megan s'étaient connus l'année dernière alors qu'elle était son élève dans le sud-est de l'Angleterre, et avaient entamé une relation amoureuse en juin.
Le 20 septembre, ils s'étaient enfuis du Royaume-Uni avant d'être interpellés une semaine plus tard à Bordeaux, alors qu'il cherchait du travail, espérant disparaître avec elle en attendant qu'elle atteigne 16 ans, l'âge de la majorité sexuelle au Royaume-Uni (contre 15 en France).
Megan avait aussitôt été reconduite chez elle, tandis que lui était incarcéré à Gradignan, près de Bordeaux, dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen
(MAE) pour enlèvement d'enfant, délivré à son encontre par les Britanniques.
Le 4 octobre, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux avait autorisé sa remise au Royaume-Uni pour ces faits passibles de sept ans de
prison. M. Forrest avait été reconduit dans son pays le 10 octobre, et y est toujours incarcéré.
La jeune fille ayant reconnu les faits de nature sexuelle, les Britanniques veulent désormais le poursuivre pour ces faits, passibles de 14 ans de prison, une extension des poursuites que seule la chambre de l'instruction bordelaise est compétente à autoriser.
Lors d'une audience le 23 novembre, elle avait réclamé des pièces supplémentaires, notamment un procès-verbal d'audition de M. Forrest, qui devait dire s'il consentait ou non à l'extension des poursuites.
Le professeur ayant refusé de dire le moindre mot aux policiers venus le voir en prison, l'avocat général Pierre Arnaudin a considéré que cela signifiait son
opposition à l'extension, et que la pièce était valable.
" Spéculation intellectuelle " a lancé l'avocat de M. Forrest, Me Daniel Lalanne, qui a noté aussi qu'en droit britannique, un policier ne pouvait rencontrer en
prison qu'un détenu " willing to see him " (" désireux de le voir "), alors que M. Forrest avait déclaré qu'il ne souhaitait pas rencontrer ces visiteurs.
Plus généralement, et sous les yeux de représentants de la police et de la justice britanniques présents dans la salle, Me Lalanne a dénoncé " le climat d'insécurité juridique totale " dans lequel son client a été maintenu au Royaume-Uni, selon lui.
Ainsi, selon lui, les autorités britanniques lui ont signifié les infractions sexuelles à son arrivée le 10 octobre, alors qu'il n'est pas poursuivi pour celles-ci.
Sur le fond, Me Lalanne a critiqué la catégorie " exploitation sexuelle d'un enfant " dans laquelle les Britanniques ont rangé la relation entre Jeremy et Megan dans leur mandat d'arrêt, estimant qu'il n'y avait aucun lien de " profit " entre les deux jeunes gens.
A fortiori, il a estimé que l'infraction correspondant en droit français aux faits reprochés à M. Forrest, " atteinte sexuelle sur mineur de plus de quinze ans " qui n'est punie pour sa part que de deux ans de prison, ne tenait pas en l'occurrence, car elle implique pour le majeur un lien d'autorité qu'ils n'ont pas, car Jeremy Forrest n'était plus le professeur de Megan lorsqu'ils ont eu des relations sexuelles.
Me Lalanne a invité les juges à ne " pas être là pour lever la barrière et la baisser à la moindre demande " d'autorités étrangères, mais " à regarder ce qui passe ".
De son côté, le représentant du parquet général, Pierre Arnaudin, a considéré que le fond et les formes avaient été respectées par les Britanniques pour cette extension de poursuites, et a invité la chambre de l'instruction à accéder à leur demande.