La fin des quotas en avril 2015 va soumettre un peu plus les agriculteurs à la volatilité des cours du lait, accélérant la restructuration du paysage laitier qui a déjà vu disparaître plus de la moitié des éleveurs en 20 ans.
La production va-t-elle couler à flot en France avec la fin des quotas?
REPONSE: Tout dépendra des débouchés.
"La filière a anticipé en créant dès 2010 des organisations de producteurs (OP) qui permettent d'avoir un cadre réglementaire entre les producteurs et les transformateurs. Si demain on produit plus, ce sera parce que nos entreprises ont les débouchés", explique à l'AFP Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL).Et "il y aura trois cas de figure. Les entreprises avec de nombreux débouchés qui sont positionnées sur les marchés mondiaux (Sodiaal, Lactalis, Danone par exemple, ndlr), les zones en déprise, comme en Poitou-Charentes où l'objectif sera déjà de maintenir le même niveau de collecte. Et les laiteries ayant quasi-uniquement des débouchés français", poursuit Patrice Pierre de l'Institut de l'élevage, interrogé par l'AFP.
En 2013, tout en respectant les quotas, les éleveurs français ont déjà produit un milliard de litres de lait supplémentaires, portant la collecte à 24 milliards.
Néanmoins pour Gérard You, économiste à l'Institut de l'élevage, "les contraintes environnementales sur les effluents d'élevage, en Bretagne notamment, peuvent limiter le potentiel de production".
Chez les concurrents européens en revanche (Danemark, Pays-Bas, Irlande, Allemagne), le lait pourrait couler à flot car ce sont les éleveurs qui décident ou pas de produire plus et les coopératives se sont déjà engagées à transformer tout le lait qu'on leur livrera, précise-t-il à l'AFP.
Le marché mondial reste-t-il porteur malgré l'embargo russe?
R: Oui, martèlent les éleveurs.
La demande mondiale reste structurellement supérieure à l'offre car de plus en plus de monde se met à consommer des produits laitiers dans le monde, Chine et Inde en tête.
Mais attention, "le marché n'est pas un long fleuve tranquille", temporise Gérard You. "Là on a une demande qui est momentanément perturbée par l'embargo russe qui a fermé un débouché. Et le marché s'équilibre difficilement et demain on aura plus d'outils pour le réguler", ajoute-t-il.
leurs charges pour autant", détaille l'économiste.
La fin des quotas va-t-elle coûter la vie à de nombreux élevages?
R: Le nombre d'éleveurs sur le territoire français a déjà fondu de 58% entre 1993 et 2013, passant d'environ 162.000 producteurs à 67.000, selon l'enquête annuelle laitière. Mais moins d'éleveurs ne signifie pas moins de lait puisque sur la période la production a progressé de 5%.
Et comme les autres filières, cette restructuration a entraîné une spécialisation des exploitations et une augmentation de leur taille même si le troupeau moyen en France reste de 50 vaches.
Demain, c'est avant tout la pyramide des âges qui expliquera le nombre de départs importants. D'où la nécessité pour la FNPL de favoriser autant que possible l'installation et de moderniser les salles de traite qui ont 20 ans en moyenne.
La fin des quotas évidemment va aussi peser. "S'il y a un retournement de marché, c'est sûr que ce sera difficile de tenir pour les exploitations les plus endettées et qui ont le moins de trésorerie", anticipe Gérard You.
Mais "il ne faut pas penser que ce sont surtout les grosses structures qui vont le mieux résister. Dans un contexte plus fluctuant, c'est l'éleveur qui fait la différence: la conduite du troupeau, la gestion du fourrage, la mécanisation, la délégation", complète Patrice Pierre.
En revanche, très certainement, la fin des quotas "renforcera la spécialisation laitière dans l'Ouest de la France", ajoute-t-il.