Aux Archives de Paris sont conservés les hommages rendus aux victimes des attentats qui ont frappé la capitale il y a un an. Ces mots et dessins, collectés sur les lieux des commémorations, constituent une mine d’or pour les historiens qui travaillent sur le 13 novembre 2015.
Dans la salle de tri, au rez-de-chaussée des Archives de Paris, Mathilde Pintault retire la boîte 3904W30 de son étagère. "Ceux-là viennent du Bataclan", commente l’archiviste. Dans cette caisse aux couleurs ternes sont préservés près de 200 hommages, dessins et poèmes déposés devant la salle de concert où 90 personnes ont péri le 13 novembre 2015.
C’était il y a un an, Paris prenait le deuil. Des drapeaux tricolores délavés par la pluie, le dessin d’une Tour Eiffel gondolé. A l’usure, le papier a pris l’allure d’un parchemin défraîchi. "Sur les 7900 documents que nous avons récoltés, très peu ont dû être restaurés au final, indique la cheffe du projet. Tous ont été séchés, dépoussiérés et décontaminés pour éviter tout risque de moisissure."
"Nos débuts n’ont pas été faciles", témoigne-t-elle. "La première fois, en approchant de la Belle Equipe [un bar du XIe arrondissement où 19 personnes sont mortes le 13 novembre 2015, ndlr], j’ai vraiment marqué un temps d’arrêt. Puis, c’est devenu mécanique. Et heureusement ! Sinon, on n’aurait pas tenu."
Des documents d’une richesse extraordinaire
Dans l’une des vitrines de l’exposition qui s’est tenue dans le hall des Archives de Paris lors des Journées du Patrimoine, les 17 et 18 septembre derniers, les mots de la petite Blandine baignent dans la lumière jaunâtre de l’allogène : "Le tonton et la tata de Maëlie sont morts ici, au Bataclan. Je mets ce mot pour dire à quel point j’aime Maëlie, son tonton et sa tata (même si je ne connais pas son tonton et sa tata)"."Une première mondiale"
L’analyse de ces milliers de mots, de poèmes et de dessins viendra mettre en perspective le programme de recherche "13 novembre", co-piloté par l’historien spécialiste de la mémoire, Denis Peschanski. Des entretiens à intervalles réguliers seront conduits avec 1000 personnes à travers la France en dix ans. Environ 750 personnes ont déjà été interrogées dont environ 400 blessés, témoins, intervenants et proches de victimes qui auront témoigné d’ici les commémorations.Aujourd’hui, les gens ressentent le besoin de commémorer de façon individuelle
"C’est une première mondiale", se félicite-il. Ces 45 historiens, sociologues et neuropsychologues tenteront de comprendre l’évolution de la mémoire individuelle et son articulation avec la mémoire collective. "Ces hommages collectés sur les lieux des attentats illustrent une évolution fondamentale de la société : aujourd’hui, les gens ressentent le besoin de commémorer de façon individuelle". Un constat qui atteste la perte de prégnance des institutions comme les partis politiques et les syndicats, selon les chercheurs.
Dans l’attente de la création d’un mémorial pour les 130 victimes des attentats du 13 novembre, une sélection de dessins et hommages est consultable en ligne sur le site internet de la mairie de Paris. Leur numérisation a été permise par le mécénat d’une entreprise leader du secteur, Arkhênum.