Le procès de l'ex-majordome de Liliane Bettencourt et de cinq journalistes s'est ouvert ce mardi à Bordeaux pour "atteinte à la vie privée" de la milliardaire, des "écoutes" clandestines qui ont paradoxalement servi à la justice pour faire condamner des proches de la vieille dame.
L'ancien maître d'hôtel de Liliane Bettencourt, Pascal Bonnefoy, 52 ans, avait enregistré à son insu l'héritière de L'Oréal à son domicile entre mai 2009 et mai 2010. Des extraits de ces enregistrements avaient ensuite été retranscrits par Mediapart et Le Point en juin 2010, en plein coeur de "l'affaire Bettencourt".Pascal Bonnefoy, qui encourt un an de prison et 45.000 euros d'amende, se présente devant le tribunal correctionnel de Bordeaux "avec l'esprit serein", a assuré son avocat, Me Antoine Gillot.
"Il estime avoir agi selon sa conscience et avoir aussi fait oeuvre utile pour la justice, qui s'est elle-même servie de ces documents pour condamner la bande d'escrocs qui entourait Liliane Bettencourt à l'époque".
En mai, plusieurs membres de l'entourage de la femme la plus riche de France ont été condamnés à diverses peines de prison et d'amende pour des "abus de faiblesse" sur la vieille dame. Six d'entre eux ont fait appel et seront rejugés à Bordeaux en 2016.
Fabrice Lhomme, journaliste à Mediapart est poursuivi aux côtés de son confrère Fabrice Arfi et de son directeur de la publication, Edwy Plenel. Il s'est exprimé avant l'audience :
"D'un côté, vous avez un tribunal qui condamne des personnes suite aux révélations issues des enregistrements et, en même temps, qui poursuit les personnes qui ont révélé ces enregistrements. Il y a une contradiction qui ne peut être levée que par la relaxe des journalistes".
Edwy Plenel a, quant à lui, dénoncé un "procès aberrant" fondé sur un "délit fictif", celui de "recel de violation de la vie privée" qu'un projet de loi déposé par la Garde des Sceaux Christiane Taubira propose précisément de supprimer "concernant les journalistes", a-t-il rappelé.
Sont également poursuivis, pour Le Point le journaliste Hervé Gattegno et son directeur de publication de l'époque, Franz-Olivier Giesbert, absent au procès lundi matin.
Me Benoît Ducos-Ader, qui défend les intérêts de Liliane Bettencourt, partie civile, a lui-même reconnu les nombreux "paradoxes dans ce dossier". "La partie civile serait hypocrite si elle disait que la diffusion dans la presse de certains passages des écoutes n'a pas été utile à la défense" de Liliane Bettencourt, a-t-il dit.