La SNCF doit "arrêter la langue de bois", a affirmé l'avocat d'une association de victimes de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, après de nouvelles informations montrant que l'entreprise publique a tenté d'entraver l'enquête. Le déraillement du Paris-Limoges en 2013 avait fait 7 morts.
"Le feuilleton continue et on est encore loin du compte", a déclaré à l'AFP Me Gérard Chemla, avocat de l'association "Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny". "Il devient urgent que la SNCF arrête la langue de bois et rende des comptes à la justice et aux victimes".
Selon le Figaro paru lundi 8 février 2016, l'entreprise publique "a tout fait pour ne pas communiquer aux enquêteurs des pièces indispensables à la manifestation de la vérité". Le quotidien, qui dit avoir eu accès au dossier d'instruction, rapporte une écoute téléphonique dans laquelle une juriste de la SNCF recommande à un agent s'apprêtant à témoigner de "ne rien apporter" et d'"attendre leurs demandes".
Toujours selon des extraits d'écoutes, la SNCF avait eu connaissance du projet de rapport du Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) trois mois avant sa publication officielle en janvier 2014.
Si "le BEA peut soumettre ses hypothèses de travail à la SNCF", Me Chemla pointe "le grand risque de consanguinité" entre les cadres de la SNCF et les ingénieurs du BEA, qui selon lui sont "souvent passés" par l'entreprise publique. Sur ce point, le parquet d'Evry ne voit rien de répréhensible, le rapport du BEA-TT n'ayant pas été réalisé par des experts judiciaires commis par les juges d'instruction.
Ces informations s'ajoutent à des révélations récentes du Canard Enchaîné, selon qui la SNCF aurait briefé ses employés avant leur audition. L'entreprise publique n'a "absolument pas" voulu manipuler l'enquête et n'a "jamais demandé à quiconque de dissimuler des informations", a rétorqué le PDG de SNCF Réseau, Jacques Rapoport, samedi 6 février 2016 au Monde.
Le déraillement à Brétigny du train Paris-Limoges, survenu le 12 juillet 2013, avait fait sept morts et des dizaines de blessés, en raison d'une éclisse - sorte de grosse agrafe sur l'aiguillage -, dont une fissure n'avait pas été détectée lors des tournées de surveillance et dont trois des quatre boulons s'étaient cassés ou dévissés. L'éclisse avait alors pivoté, provoquant l'accident.
Selon plusieurs rapports d'expertise, un défaut de maintenance est à l'origine de l'accident. Depuis l'ouverture d'une information judiciaire par le parquet d'Evry, seules deux personnes morales ont été mises en examen, la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), pour homicides et blessures involontaires.