Ces femmes vivent un enfer victimes d'un banal traitement contre les fuites urinaires

Douleurs chroniques violentes, infections urinaires à répétition, brûlures, invalidités… une centaine de femmes a décidé de porter plainte contre X face à un traitement qui a engendré chez elles de graves séquelles. Elles veulent alerter autorités et grand public.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Sa vie a basculé d'un seul coup.

Géraldine, maman de trois enfants, la quarantaine, active, dynamique et sportive, n'aurait jamais imaginé vivre un tel cauchemar après avoir accepté de se faire poser des bandelettes sous-urétrales

Une opération chirurgicale fréquente

Souffrant d'allergies chroniques, ses éternuements à répétition provoquaient chez elles des fuites urinaires gênantes et désagréables.

Après plusieurs séances de rééducation périnéales, peu concluantes, elle accepte la proposition de son urologue.

"Elle m'a parlé de la pose de bandelettes synthétiques, un traitement chirurgical courant et efficace. L'opération dure vingt minutes. Malgré mon âge relativement jeune elle m'a assuré que cela me ferait gagner du temps car mes fuites allaient s'aggraver avec les années". 

J'ai fait confiance

Géraldine H. - victime girondine

à France 3 Aquitaine

Un cauchemar

 

Ce jour d'avril 2022, à son réveil de l'opération, c'est le début d'un cauchemar.

"J’étais en bonne santé, je me suis réveillée douloureuse jour et nuit, incapable de faire pipi car la bandelette était trop serrée, avec des pertes de sang, ne pouvant pas marcher sans souffrir aux cuisses et à l’aine, il m'était impossible de rester assise à cause de brûlures vaginales".

Géraldine se voit expliquer dans un premier temps que son état est normal, que son corps doit s'habituer. Puis son urologue lui propose d'effectuer un retrait partiel de la bandelette.

"On m'a expliqué qu'il était trop risqué de l'enlever complètement et qu'elle ne pouvait plus être retirée à 100%.   

J'étais choquée quand j'ai compris que j'allais devoir vivre avec, que je n'aurais pas de perspectives d'amélioration. Et j'ai sombré"

Géraldine H. - victime girondine

à France 3 Aquitaine

Combat de femmes

Géraldine s'aperçoit qu'elle n'est pas la seule à souffrir. Elle rejoint un groupe sur les réseaux sociaux où plus de quatre cents femmes se plaignent d'effets secondaires insupportables après la pose de traitements similaires.

"On a commencé à huit fin 2017, on est 430 aujourd'hui, toutes victimes de ces procédés" indique Marie-Christine Siaudeau, l'administratrice du groupe.

"On milite pour faire remonter ces problèmes au gouvernement. Avant la création du groupe il n'y avait presque pas de déclarations d'effets indésirables. 

Les retours des patientes n'étaient pas pris en compte

Marie-Christine Siaudeau - administratrice groupe de soutien - complications bandelettes incontinence/prolapsus France

à France 3 Aquitaine

"Les médecins disaient que les problèmes n'étaient pas dus aux bandelettes, que c'était lié à la ménopause ou autre. Et les patientes les croyaient".

Un premier pas

En 2020, le groupe, qui réussit à échanger avec les autorités, arrive à convaincre l'agence nationale de sécurité du médicament d'imposer un cadre à ces pratiques.

Les victimes sont incitées à se déclarer sur un site spécialement dédié de l'ANSM.

"On recense plus de deux cents déclarations à ce jour" affirme Marie-Christine Siaudeau qui regrette que cet acte ne puisse se faire qu'avec "un dossier médical complet qu'il n'est pas toujours facile à récupérer".

En octobre 2020, un arrêté impose des conditions d'exercice précises. 

Mais pour l'ANSM la pose de bandelettes reste le "traitement chirurgical de référence".

30 000 à 40 000 bandelettes posées chaque année

Selon l'agence de sécurité du médicament, l'incontinence urinaire à l'effort touche 25 à 40% des femmes et a un réel impact sur "la qualité de vie, le sommeil et la vie sexuelle".

"Elle est caractérisée par une fuite involontaire d’urine qui survient à l’occasion d’un effort tel que toux, rire, éternuement, saut, une course, soulèvement de charges ou toute autre activité physique augmentant la pression intra-abdominale".

Le professeur Xavier Gamé, chirurgien urologue et membre actif de l'association française d'urologie, assure que la méthode des bandelettes "a montré son efficacité dans de nombreuses études".

C'est ce qu'il y a de mieux dans le cas de l'incontinence urinaire à l'effort

Pr Xavier Gamé - chirurgien urologue - Association Française d'Urologie

à France 3 Aquitaine

Il ne nie pas les complications, "certaines graves qui ont laissé des séquelles", mais il souligne qu'elles sont largement minoritaires dans le rapport bénéfice risque.

"Le taux de ré-intervention sur les cinq dernières années est de 3%" affirme le spécialiste. "C'est catastrophique pour les femmes concernées mais sur le volume global c'est très faible".

Une centaine de plaintes

En novembre 2020, 21 plaintes contre X sont déposées auprès du parquet de Paris, 22 autres en novembre 2021 et des dizaines de nouvelles sont en cours de constitution. 

Les quatre avocates en charge de l'affaire, du cabinet parisien Patte - Heinich - Bisaccia-Bernstein et Sbidian, demandent que des poursuites soient engagées pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires".

"C'est l'enquête qui devra déterminer les responsabilités, si ce sont les laboratoires qui ont mis sur le marché ces dispositifs ou les médecins qui n'ont pas alerté les patientes sur les risques encourus" explique Maître Hélène Patte. 

Ces femmes doivent avoir droit à une indemnité

Hélène Patte - avocate des victimes

à France 3 Aquitaine

"Leur vie a été bouleversée, certaines ont perdu leur emploi et sont handicapées à vie" ajoute l'avocate. 

Pratique interdite dans certains pays

Au Canada, le gouvernement a reconnu un défaut d'équipement et a accepté de rembourser 155 femmes qui ont dû aller faire retirer leurs bandelettes aux Etats-Unis où un chirurgien s'est spécialisé dans le domaine.

"On nous installe ça en dix minutes et personne n'est capable de nous les enlever sans séquelles" dénonce la canadienne Cynthia Gagné l'une des premières à avoir médiatisé le combat.

Si les femmes savaient ça aucune n'accepterait l'opération

Cynthia Gagné - victime et animatrice d'un groupe de support aux femmes victimes au Québec

à France 3 Aquitaine

Ce remboursement n'est aujourd'hui plus possible après l'ouverture de plusieurs centres d'expertises canadiens en 2021.

En Ecosse et en Nouvelle-Zélande la technique a été interdite.

Géraldine, qui avoue n'avoir "plus confiance dans notre système de santé" a finalement décidé de se faire opérer aux Etats-Unis. À ses frais. 20 000 euros pour l'intervention et tout le reste. 

Elle s'est aussi jointe à la plainte contre X. "On nous laisse payer pour trouver une solution. Les médecins en France ne sont pas formés à retirer les bandes, l'opération est trop risquée". L'administratrice du groupe de soutien Marie-Christine Siaudeau explique que "les crochets placés aux extrémités des bandelettes sont comme plantés dans le corps et les tissus se reconstituent très vite autour. Les retirer peut provoquer beaucoup de dégâts, ça peut être une véritable boucherie" assure-t-elle.

Faux, selon le professeur Xavier Gamé. "Il y a des gynécologues et des urologues en France capables d'enlever ces bandelettes en totalité" affirme-t-il. 

Le médecin dit toutefois "comprendre" le recours en justice mais il souligne qu'il "serait dommage d'arriver à interdire un procédé qui fonctionne à 97%".

Il préconise deux solutions à mettre en œuvre. "Il faut d'abord arriver à déterminer très clairement les facteurs de risque en amont pour éviter de poser des bandelettes à des patientes qui ne les supporteraient pas. Et puis on doit établir une liste de médecins aptes à prendre en charge les femmes rapidement en cas de complications. Seulement ce dernier point est interdit par le conseil de l'ordre, ce n'est pas déontologique".

Enquête ouverte

Deux ans après le premier dépôt de plainte, les avocates parisiennes n'ont vu aucune avancée. "Une enquête a été ouverte auprès de l'OCLAESP (l'office de lutte contre les atteintes à la santé publique) mais nous n'avons aucun retour pour l'instant" indique Me Laure Heinich. 

Ça traîne depuis deux ans, personne n'a été convoqué, entendu, avisé

Marie-Christine Siaudeau - administratrice groupe de soutien - complications bandelettes incontinence/prolapsus France

à France 3 Aquitaine

Le parquet de Paris confirme qu'une enquête pour des chefs de tromperie aggravée et blessures involontaires a bien été ouverte le 21 avril 2021 et les investigations confiées à l'OCLAESP.

"Cette enquête est au point mort et pendant ce temps les femmes continuent de se faire poser le dispositif sans information" dénonce Marie-Christine Siaudeau.

Géraldine, pour sa part, a repris son travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, en distanciel à 80%. Quatre mois après le retrait de ses bandelettes aux Etats-Unis, elle a encore du mal à se déplacer.

Elle espère retrouver ses capacités petit à petit, semaines après semaines. 

Elle aimerait que son témoignage puisse servir à faire "cesser ces opérations à tout va" et que les victimes obtiennent le droit se faire retirer ces bandelettes "en toute sécurité, sans plus de mutilation".

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
choisir un sujet
en region
choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information